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Billet de blog 5 mai 2025

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Côte d’Ivoire, France, retours d’expérience (2/4)

La rencontre de la société française : la langue, la politique, le travail, et aussi le lien avec mon pays. Deuxième épisode d'une mini-série relatant l’expérience sociale d’un Ivoirien qui a tâté de la migration ordinaire.

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La langue

Le français parlé en Côte d'Ivoire est vraiment différent de celui parlé en France. C'est comme le jour et la nuit.

En Côte d'Ivoire, il y a 62 dialectes ; la langue nationale, c'est le français, puisqu'on a été colonisés par la France. Lorsque je suis arrivé en France, bien que j'aie fait des études dans mon pays, j'avais l'impression que je ne parlais pas bien le français. La différence de l’accent me causait vraiment un problème. Je parlais déjà le français, mais en France j'étais obligé de rectifier certains mots. Souvent, la manière d'employer les mots en Côte d'Ivoire est vraiment différente de celle de la France. Il y a des mots qui sont dits en Côte d'Ivoire qui n'existent pas en France. Alors je me suis adapté et amélioré progressivement. Venant d'un pays francophone, il me fallait parler comme les Français pour être reconnu comme quelqu'un qui réside en France.

La politique

Depuis que je suis en France j’ai toujours été intéressé par la politique française. Je pourrai peut-être, un de ses jours, entrer dans la politique, c'est un de mes souhaits les plus ardents pour pouvoir reprendre ma place dans mon pays.

Je me suis intéressé à la politique française ; je regardais tout le temps les journaux, surtout quand il y avait des changements politiques. Ce qui m'a vraiment encouragé à m'intéresser à la politique française c’est que, étant dans le monde associatif, je m'intéressais à tout ce qui est du domaine des droits des étrangers. Et au sein du gouvernement, lorsque les choses changeaient, j'étais obligé de m'actualiser, pour pouvoir comprendre pourquoi ces changements - qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui n'a pas changé.

Au travail

J’ai travaillé dans beaucoup d'endroits différents, parce qu'il y avait les problèmes de salaire, les problèmes du temps de travail et des conditions de travail, et aussi la vision des responsables. C'est tout ça qui faisait que je changeais, pour trouver un meilleur environnement. Dans la plupart des endroits où j'ai travaillé, il y avait plus d'étrangers que de Français : des Arabes, des Africains, et d'autres nationalités. S’il y avait quelques Français, ça ne changeait rien à l’atmosphère.

Ce qui m'a plu dans les entreprises où il n'y avait que des Français, c'est que j'étais respecté. J'étais toujours respecté, et je pense qu'ils ne voyaient pas en moi une personne migrante qui ne connaissait rien, qui avait du mal à s'exprimer en français. Ils voyaient que j'étais vraiment un bosseur, que je travaillais à fond. Je pense que j'ai su m'imposer dans les entreprises où il n'y avait que des Français. Je me suis bien intégré, je me suis bien formé, je me suis fait respecter, pour que mes collègues sachent qui est en face d'eux.

Dans tous les lieux de travail il y avait des tensions ; quand je travaillais dans une entreprise où il y avait beaucoup d'Africains ou beaucoup d'étrangers, je faisais en sorte de ne pas rester dans une communauté, parce que pour moi ça ne donnait pas une bonne image de nous, parce que je me dis qu’en étant dans un pays étranger il faut éviter de rester dans ta communauté, pour pouvoir connaître plein de choses. Pour moi cela fait aussi partie de l'intégration.

Le lien avec mon pays

Si j’ai choisi la France c’est surtout pour ne pas avoir à apprendre la langue pour pouvoir m’intégrer.

Quand j’ai décidé de partir pour la France, j’avais le projet de travailler pour prendre en charge ma famille au pays, et faire des économies pour rentrer m’installer dans de meilleures conditions. Mais dans la réalité, même en faisant tout ce que je dois, ça ne marche pas comme ça. Dans l’organisation du travail accessible aux étrangers, le salaire, même avec les primes sociales, permet tout juste d’envoyer quelque chose à la famille, mais pas de faire des économies, même si l’on ne s’est pas endetté auprès d’un passeur pour venir. J’ai vu clairement que la vision de départ était trompeuse.

Mais, à côté de ces conditions de vie décevantes par rapport à mes attentes, le séjour en France m’a donné quelque chose que je n’avais pas au pays : la liberté, la liberté d’expression, la liberté de voyager.

Même vivant en France, le lien avec la famille et les proches restés au pays est très vivant, la communication est permanente, par le téléphone et les réseaux sociaux. Et, de plus, il y a en Côte d’Ivoire une tradition largement respectée : chaque année en juillet, tous les expatriés qui le peuvent se retrouvent dans leur ville ou leur région d’origine. Venus d’Europe, d’Amérique, mais aussi des autres pays africains, pour une grande fête de plusieurs jours.

Amara Diomande

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