C’était en 2015, l'année où je suis venu en France ; j’avais presque 30 ans. Je suis venu directement à Nantes. Il y avait une association du nom d'Emmaüs où je suis allé pour faire du bénévolat. Je recevais un pécule chaque fin de semaine. J'ai beaucoup appris, j'ai fait des connaissances : des compatriotes, des étrangers.
Quand j'étais à Emmaüs, c'était très compliqué ; je venais à peine d'arriver en France et je ne savais pas quelle était la vision des gens envers moi, envers les personnes migrantes ; Emmaüs hébergeait des personnes sans papiers, sans abri et, du coup, je me méfiais – je ne voulais pas avoir de soucis avec les gens. Je ne savais pas comment ça se passait au sein d'Emmaüs, ni dans la société française. Mais au fur et à mesure, plus je sortais dans la ville de Nantes, plus je fréquentais les associations, et mieux je comprenais comment m’orienter. J'ai peu appris à Emmaüs, mais ça m'a quand même aidé ; du fait que j'étais logé, nourri et blanchi, ça a été une sécurité pour moi. Ça m'a aidé, ça m’a fait du bien.
À Emmaüs il y a quelques Français, mais en général ce sont surtout des personnes migrantes ; la plupart des personnes françaises sont de passage, pour pouvoir passer un moment difficile dans leur vie. Lorsqu'ils arrivent à obtenir une sécurité, ils partent à l’aventure, peut-être dans d'autres villes, pour voir ailleurs comment ils vont pouvoir s'en sortir. Alors que pour nous, les personnes migrantes, quand on arrive, c'est difficile ; on est obligés d'un peu tout accepter en attendant d’avoir les papiers ou d’être mieux orientés dans la société française.
Les Français, ils peuvent aller partout, dans d'autres villes en France, c’est facile pour eux. Pour les personnes migrantes c'est difficile, parce qu’on a peur de se déplacer, on a peur de voyager, on a peur de se faire contrôler et, en plus, on a peur de perdre sa place à Emmaüs.
À Emmaüs de Nantes, j’y suis resté parce que je ne connaissais personne en France. J'ai commencé à faire mes démarches auprès de la préfecture dans cette structure.
Puis j'ai connu une association d’accompagnement des étrangers, par le bouche à oreille. Un jour je suis venu à la permanence d’accueil et j'ai vu qu'il y avait vraiment du monde. J’ai été déçu et découragé parce que je me disais que ça ne servirait à rien de faire la queue. Je suis revenu une deuxième fois, et c’était pareil. Et la troisième fois, j'ai eu la chance d'être reçu. J’ai été accueilli par deux personnes de l’association. Ils m'ont parlé un peu de l'association et je leur ai dit que j'étais intéressé pour être bénévole ; ils m'ont dit que, justement, il y avait une réunion le même jour. Après, quand ils m'ont rappelé, je leur ai dit que je restais ; je suis devenu militant au sein de l'association.
Au départ, comme tout le monde le sait, nous, les personnes migrantes, quand on vient en France, la première des choses que l’on cherche, c’est à avoir un papier, un titre de séjour ; et, pour moi, c’était aussi de mieux m'intégrer dans la vie française, mieux m'installer, et comprendre comment me diriger au sein de la société française.
Ce que j'attendais d'abord, c'était d’avoir une vie stable. Qui dit une vie stable dit avoir les papiers, avoir du travail, avoir un logement ; ça fait partie de l’intégration dans la vie française. Alors j'espérais que la population française puisse m'y aider. Quand je dis aider, ce n’est pas forcément me donner de l'argent, non, mais pouvoir m'aider à cette intégration.
En prenant part à la vie associative, j'ai connu vraiment des belles personnes ; j’ai aussi pu voyager en France avec eux, aller dans d'autres villes pour des formations ou des réunions. Et j’ai rencontré des gens qui m'expliquaient un peu la réalité française. J'ai rencontré beaucoup de personnes, beaucoup de bénévoles, des militants, qui m’aidaient à me faire une idée de l'intégration française. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire ? Et, étant quelqu'un qui est allé à l'école, je savais comment me diriger pour pouvoir ne pas faire de bêtise, et rester sur le droit chemin.
Je savais que le chemin pour obtenir les papiers allait être long, que ça allait être un parcours du combattant. Mais être militant dans l’association m'a beaucoup aidé, j'ai beaucoup appris. Et le fait de recevoir des gens qui étaient dans la même situation que moi, qui venaient pour avoir de l’aide juridique, les histoires que j'entendais, les interventions, tout cela m'a mûri et m'a donné plus de connaissances au niveau administratif ; donc je pourrais dire que mon chemin vers les papiers a été difficile, mais grâce à l’association ça n'a pas été aussi compliqué.
Amara Diomande
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