La cavale de Carlos G. ou...le bal des faux-culs
Cela vous avait sans doute échappé, mais Carlos G. bénéficie des mêmes règles que Monsieur Tout le Monde...
Vous aussi – ah, vous l'ignoriez ? - vous disposez d'un deuxième passeport français, visa de court séjour bien pratique si vous allez faire vos courses de Noël sur la 5ème Avenue, ou si vous avez envie de ménager une surprise à votre amoureuse ou amoureux, en l'emmenant dîner au débotté (ou ailleurs), d'un coup de jet, pour lui faire découvrir un bijou international de l'élégance et de l'authenticité gastronomique ! Ah, vous ne saviez pas non plus que Monsieur – en l'occurence, Madame – Tout le Monde pouvait faire appel à une société privée et affréter un avion avec équipage ?
En cherchant bien, il vous est certainement arrivé aussi de bénéficier de complicités diplomatiques. Foin des contingences, que diable ! Comment, sinon, éprouver le frisson d'une fuite rocambolesque ? Tout n'est-il pas dans la manière ? Où il y a de la gêne, n'est-ce pas...
Reste tout de même la question à laquelle je vous invite à répondre sans détour : « En dépit de tous ces atouts, de toutes ces facilités propres au commun des mortels, auriez-vous eu l'idée de passer les frontières dans une boîte? » L'hypothèse ne semble pas exclue. Je ne connais pas les mensurations de Carlos – le tour de tête semble hors norme – mais personnellement, j'aurais opté pour une housse rigide de contrebasse, sans omettre d'y glisser une partition comportant au moins un soupir par portée. Pour ne pas étouffer de rire, bien sûr !
Et alors, arrivant enfin dans sa somptueuse villa libanaise, après tant de péripéties, de correspondances épuisantes, que croyez-vous qu'il fît ? Je m'efface devant la volaille qui fait l'opinion : « Il a dîné avec ses copains, il est plein de projets. Il n'a pas changé d'un soupçon.» Bon, « soupçon », est-ce judicieux ? Je vous laisse juges.
Quelle aisance, quelle élégance ! C'est dans ces moments extrêmes que se révèlent les personnalités d'une autre trempe et se mesure la profondeur des inégalités entre les êtres – sans allusion au néo-libéralisme ambiant.
Merci Carlos, sans ton feuilleton, que dis-je, ta série digne du meilleur « Bureau des légendes », le début de l'année 2020 aurait semblé bien maussade, pour ne pas dire déprimant, avec toutes ces grèves « Ancien Monde » contre une réforme juste et universelle. Pourtant, des voix « Nouveau Monde »
s'élèvent, celle du sieur Cirelli, par exemple, fraîchement décoré. Capitalisation contre répartition, son refrain balance tout de même plus rock, non ? Il ajouterait bien une boîte de Smarties à sa collection de gestion d'actifs...
Néanmoins, Carlos, malgré tes exploits relatés à longueur d'antenne, en présence d'experts militaires qui louent en salivant l'extrême minutie de la préparation et de la réalisation de ton évaporation nippone, une inquiétude me turlupine. Ton initiative couronnée de succès ne va-t-elle pas faire jurisprudence ? D'autres délinquants ne vont-ils pas se sentir pousser des ailes ?
Pourquoi le nier ? Je ne peux m'empêcher de penser au couple infernal du « neuf-deux », qui n'a qu'une idée : se refaire – et pas seulement une santé. « Cherche désespérément élections », tel est son slogan. Après tout, on recycle bien sans scrupules nos véhicules polluants dans des pays d'Europe moins regardants, pourquoi pas nos édiles et élites corrompus, sans introduire d'âge pivot, évidemment ? Une seconde chance, quoi. Malus assuré.
Chers amis libanais, qui semblez si lucides et combatifs ces derniers temps, méfiez-vous du recyclage Carlos G., bonus non garanti !
Daniel Flamant