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Billet de blog 7 février 2020

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ANTI PROMO Pierre-Henri Tavoillot, invité de France-Inter

Pierre-Henri Tavoillot, président du Collège de Philosophie, invité du grand entretien de France-Inter vendredi 7 février, pour la sortie de son livre "Comment gouverner un peuple roi". Vision très lénifiante des maux de la démocratie, des violences policières, des inégalités. Une approche "philosophique" non critique qui caresse bien le pouvoir dans le sens du poil...

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                                                                                                    ANTI PROMO

Pierre-Henri Tavoillot, auteur de « Comment gouverner un peuple roi »

invité de France-Inter

 Comme moi, peut-être pensiez-vous commencer la journée en prenant de la hauteur, à l'écoute du président du Collège de Philosophie ès-Sorbonne qui, à 8h 20 allait nous faire part de ses réactions, ses analyses, ses conseils – pourquoi pas ? - sur les questions en tension dans notre société. Hélas, comme moi, vous vous êtes sentis rapidement déçus, les propos lénifiants du philosophe n'étaient pas à la hauteur de notre appétit de réflexion. Qu'on en juge.

La démocratie ?

La dérive autoritaire dont on accuse notre démocratie implique « un processus bloqué de A à Z ». Ouf ! Toutefois, concède-t-il, elle peut tendre vers l'illibéralisme en prétendant « prendre des décisions collectives pour le bien commun. » Mais la contestation ne fait que traduire que « Les décisions prises ne sont pas en accord avec ce que je pense. » Y voir une référence à la réforme « universelle » des retraites ou à celle du baccalauréat relèverait d'un esprit plutôt mal placé... Et puis, vous savez, Madame Michu, " il est très difficile de gouverner aujourd'hui ! " Alors, pour retrouver cette quiétude quotidienne qui nous manque tant, renouons avec l'obéissance. "Obéir aux règles constitue la base de la démocratie." J'ajouterais ironiquement pour ma part, que l'abandon – du moins sa remise en cause – de la servitude volontaire, nuit gravement à l'exercice démocratique. Rien sur le vieillissement - si l'on reste pudique – sur le dépassement, l'inadaptation de nos institutions. Par exemple, les ordonnances qui pullulent dans le texte de réforme des retraites – utilisation dénoncée par le Conseil d'Etat – sont-elles de nature à affirmer la démocratie ? Pas un mot là-dessus, bien sûr.

Les violences policières ?

À mettre directement en lien avec le manque d'obéissance : « La police, c'est la violence envers ceux qui ne respectent pas la loi. » Voilà pour l'introduction de la dissertation. Thèse : « Il est difficile de trouver plus de mesure et d'abnégation face à des mouvements de violence réguliers et organisés » (sous-entendu, « que dans la police française »). Arguments de l'antithèse : alors, « La Castagne » (le ministre), en interdisant les grenades à fragmentation, ne prive-t-il pas ses troupes d'un outil essentiel de mesure et d'abnégation ? Et le croche-pied, balancé lâchement - le policier ne regarde effectivement pas sa victime – pour faire tomber une jeune femme sur le trottoir, illustre-t-il mesure et abnégation ? Là, " notre" philosophe répond sans rire : « marketing de l'indignation ». Rien sur la nature de l'acte lui-même. Et de nous emmener en voyage dans des pays – attitude très tendance dont raffole notre président – où les choses se passent beaucoup plus mal. Conclusion, en forme de question (les correcteurs aiment beaucoup) : faut-il que les manifestants tombent sous des balles réelles pour que les « réponses » policières soient qualifiées de violentes ?

Les inégalités ?

Une démocratie questionnée, une police sur les dents, quelque chose ne tournerait-il pas rond dans notre belle République jupitérienne ? Dans cette hystérisation du profit et de la consommation, tout le monde ne trouverait-il pas son compte ? Alors là, summum de la pensée de haut vol où nous entraîne « notre » philosophe. Il nous assène un nouveau concept, qui laisse au vestiaire les oripeaux de la théorie du ruissellement : « les inégalités justes ». Moi, naïf : il y aurait donc des inégalités injustes ? « Il existe des inégalités justes, quand dans un état de droit, les inégalités profitent aux plus défavorisés. Peu importe que les riches deviennent de plus en plus riches, si dans le même temps les pauvres deviennent de moins en moins pauvres ! » C'est du « ruissellement » revisité par un philosophe – allez, je me lâche – réac. Qui manque pour le moins curieusement de sens de l'analyse. Les travailleurs pauvres, par exemple, dont certains dorment dans leur voiture à cause de loyers trop chers, doivent-ils s'estimer plus égaux que d'autres ? Bien sûr, « notre » philosophe se garde bien d'évoquer, même timidement, l'éventualité d'une plus juste répartition des richesses.

En écoutant Monsieur Tavoillot, j'ai au moins compris qu'il était inutile d'acheter son livre. Un bon siècle et demi plus tard, le président du Collège de Philosophie reste bien dans la droite ligne des « Sorbonnards » qui l'ont précédé, et dont un certain Boutroux, heureusement tombé dans l'oubli, soutenait cette injonction éminemment philosophique : « Même si cela était, il faudrait dire que cela n'est pas. »

Daniel Flamant

7 février 2020

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