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Billet de blog 10 août 2023

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Les preuves

Les photos de l'horreur. Des cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants morts de faim et de soif au milieu du désert tuniso-libyen suite à l'abandon et au refoulement au milieu du Sahara, et les derniers naufrages à répétition par abandon en mer sont les preuves de l'assassinat en cours de milliers de migrants.

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Les photos de l'horreur. Des cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants morts de faim et de soif au milieu du désert libyen suite à l'abandon et au refoulement au milieu du Sahara, comme autant de preuves de l'assassinat en cours de milliers de migrants.

Ces victimes sont en effet la conséquence directe des pratiques d'élimination de réfugiés dont la dimension humaine et le droit à la vie sont totalement effacés. Des pratiques "éliminatoires", car il est évident que rejeter et abandonner des personnes en plein désert, c'est les condamner à une mort certaine.

Ces expulsions collectives transfrontalières ordonnées par le gouvernement tunisien sont les effets directs et immédiats du protocole d'accord entre la Tunisie de Saied et l'Union européenne, et doivent être analysées comme telles : des choix politiques délibérés. L'Italie et l'UE en sont les véritables instigateurs directs, puisqu'elles concluent des "accords avec des pays dits tiers" auxquels elles confient le contrôle des frontières dans le but de refouler à tout prix les migrants avant qu'ils ne débarquent en Europe.

À tout prix, en faisant agoniser les migrants par la faim et la déshydratation, l’expulsion, la détention ou, plus souvent, en les faisant disparaître en Méditerranée, comme c'est le cas depuis 10 ans avec la répétition des naufrages dûs à l'abandon en pleine mer.

Ces derniers mois, les disparitions massives en mer ont connu une accélération monstrueuse. Rien que depuis le 4 août, dans au moins cinq naufrages connus sur les côtes tunisiennes et au large de Lampedusa, plus d'une centaine de personnes (environ 160) ont disparu. Mais combien de vies ont englouti la Méditerranée et l'Atlantique vers l’Europe ? Selon le recensement établi par le Comité pour les desaparecidos, le long des routes de fuite vers l'Europe, du 1er janvier au 7 août, il faut compter 3 551 victimes morts ou disparus : 147 dans le désert ou "sur terre", et plus de 3400 en mer.

Les causes ? La machine criminelle s'est accélérée, avec la multiplication des accords sur le modèle du Mémorandum Italie-Libye et parce que le nombre de départs et d'interceptions violentes et la pratique de manœuvres dangereuses pour bloquer les embarcations par les gardes tunisiens et libyens financés par l'Italie ont augmenté.

Sur terre et en mer, dans tout le bassin migratoire méditerranéen et atlantique jusqu'aux Canaries, se commet un crime qui n'est plus invisible.

Les photos de certaines victimes - preuves authentiques du “migranticide” en cours (néologisme inventé par un groupe de juristes en mai dernier pour illustrer et encadrer le crime en cours) - auraient dû déclencher une prise de conscience collective et civile de ce qui se passe, jour après jour, à toutes les frontières européennes dans un arc de barbarie qui va des Balkans à l'Afrique de l'Ouest, partout où les frontières de l'UE ont été externalisées : un crime intentionnel, parce qu'il est le résultat de choix précis, mais que l'on veut cacher derrière le récit de la soi-disant "lutte contre les passeurs et les trafiquants".

Alors qu’émergent ces preuves irréfutables de violations sans nom des droits de l’homme, le site de Statewatch confirme que la Commission européenne a récemment proposé une augmentation de 15 milliards d'euros au budget de l'UE pour 2021-27, affirmant que les finances existantes sont "au point d'épuisement".

Parmi les propositions figurent des plans visant à augmenter les dépenses au titre de la "migration et de la gestion des frontières" de 1,7 milliard d'euros (ce qui peut être utilisé pour ériger davantage de barrières de toutes sortes aux frontières), et de la "politique de voisinage et mondiale" (qui peut être utilisée pour financer des projets d'externalisation des frontières dans les pays tiers) de près de 9,7 milliards d'euros. Cela signifie plus de refoulements et plus de morts aux frontières de l'Europe, dans le cadre d'un crime désormais structurel et systémique.

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