Enfourcher sa moto et partir à la découverte de soi et du monde, une expérience de plus en plus courante au Liban. Rencontre avec Kareen Nahas, une dingue des deux roues.
La petite cinquantaine alerte et souriante, Kareen Nahas ne passe pas inaperçue dans les rues de Beyrouth. Sa Harley Davidson est à son image : fine et nerveuse, avec un style "fait main" bien à elle. Quand on l'inter- roge sur les raisons qui la poussent à se déplacer à moto, sa réponse est simple : "Ça me soigne ! Me balader en plein air, voir tous ces paysages magnifiques à cette vitesse, c'est comme une thérapie, cela me donne une sensation de liberté absolue". Une thérapie qu'elle a entamée à l'âge de huit ans, avec la petite moto qu'avait achetée son père : "Ma mère refusait qu'il la conduise ; donc, je m'y suis mise et la passion a grandi avec moi". Ses parents sont aujourd'hui "rassurés de savoir qu'il y a des motards avocats, ingénieurs et méde- cins", confie-t-elle en souriant. Des professions qui permettent de savou- rer cette passion car la moto reste un loisir cher. Il faut deux assurances, l’une technique et l’autre médicale, le matériel, les accessoires et l'entretien "constant au Liban du fait du mauvais état des routes et de la poussière".
Un vecteur de socialisation internationale
C’est aux États-Unis que Kareen a immergé dans le monde des amoureux de la moto, notamment au contact des parents de ses amis, tous des adeptes des deux roues et inspirés des années 50 et des films de James Dean. Elle a enchaîné différents types de bolides avant de découvrir l'amour de sa vie : la Harley Davidson. Revenue au Liban en 2009, elle noue ses premiers contacts tout naturellement autour de HOG Lebanon, branche libanaise du club
international des conducteurs de Harley Davidson qui l'a accueillie à bras ouverts : "Quand j'ai rencontré tous ces gens de milieux et origines divers, cela m'a mis à l'aise et j'ai pu mieux me retrouver dans cette nouvelle vie libanaise". Un réseau qui l'a bien souvent aidée lors de ses déplacements. Artiste spécialisée dans la peinture, la restauration de maisons et les trompe-l’œil, Kareen voyage beaucoup. Enfourcher sa moto est le meilleur moyen pour "rencontrer des gens partout dans le monde car la Harley fédère un tissu social plané- taire". Se déplacer en voiture ? "Jamais ! La moto permet de se concentrer sur le paysage et de faire le vide dans sa tête. Et puis, c'est plus facile à transporter, en voyage, qu'une voiture. De toute façon, je ne me sens jamais tout à fait chez moi : je suis Française, Libanaise, Américaine et n'appartient à aucun pays en particulier".
L'indépendance à tout prix
Un style de vie qui a un prix. Kareen a divorcé deux ans après son mariage : "La moto et les voyages prennent trop de place dans ma vie", avoue-t-elle. Mais elle a réussi à avoir la vie dont elle rêvait : "J'adore mon travail, j'adore ma moto et le monde qui m'entoure". Engagée et dynamique, elle sait s'entourer de personnalités riches "à qui je donne et desquelles je reçois". Elle admire les femmes qui font de la moto au Liban, en dépit des conditions physiques difficiles et du machisme ambiant. "En 2009, nous étions deux ; aujourd'hui, nous sommes 30 : c'est très encourageant !", conclue la motarde.
Florence Massena