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Billet de blog 25 mai 2012

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Réfugiés, Palestiniens, Hommes

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Près de 422 000 Palestiniens vivent au Liban selon l'UNRWA (United Nations Relief and Work Agency for Palestinian Refugees), répartis dans douze camps dont trois se trouvent dans la banlieue de Beyrouth. Les plus tristement célèbres sont ceux de Sabra et Chatila, que l'Occident reconnaît comme lieux du massacre commis en septembre 1982 par des phalangistes (branche armée extrémiste de la communauté maronite), par des miliciens des Forces libanaises, des troupes musulmanes et chrétiennes dirigées par le Général Haddad.

Pourtant, ce n'est pas la première catastrophe vécue par la population palestinienne. Le 15 mai dernier, les habitants de Sabra et Chatila ont honoré la mémoire des leurs lors des cérémonies de la Nakba (catastrophe en arabe), qui correspond à l'exode des Palestiniens lors de la première guerre israélo-arabe en 1948. Il n'existe que très peu de personnes capables de raconter l'événement dans les camps de Sabra et Chatila, mais la mémoire perdure, en particulier par sa transmission aux enfants. Pour Nadine, qui travaille à l'association d'aide aux femmes et aux enfants réfugiés du camp de Chatila Najdeh, « les enfants doivent savoir d'où ils viennent, ce que leur famille a vécu, nous veillons à ce qu'ils connaissent exactement le lieu d'origine de leur famille ». Le jour de la Nakba, ce sont d'ailleurs les enfants qui animent le plus les rues étroites des camps, en faisant flotter de nombreux drapeaux palestiniens et en chantant pour alerter le voisinage de leur présence. Tout naturellement, c'est l'un d'entre eux qui me dote d'un drapeau, en attendant la marche pacifiste et les activités culturelles qui doivent avoir lieu le soir-même.

Les camps de Sabra et Chatila sont étonnamment calmes ce jour-là, c'est un jour férié et donc de repos, apprécié par la plupart des habitants. En déambulant, je finis par tomber sur un nid d'officiels palestiniens. Très vite, les présentations sont faites : je me retrouve entourée par les représentants et responsables de différentes organisations politiques, le front du milieu (dont je ne comprends juste pas la signification), le front démocratique, le comité public, le front de libération arabe et le Fatah. La gauche palestinienne, à ce que m'en dit le responsable du très énigmatique front du milieu Saleh Chatila. Ma présence permet aux langues de se délier, chargées de colère : « La catastrophe a commencé lors du Congrès sioniste de Bâle en 1897, et lors de la signature de la Déclaration Balfour en 1917, 1948 n'est que l'achèvement de ces politiques sionistes entérinées par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ! », affirme Saleh Chatila. « Aujourd'hui, les pays occidentaux payent de prix de ces actes par des crises économiques, politiques et sociales : c'est le juste retour des choses ».

Quand on en vient à la place des Palestiniens au Moyen-Orient, les discours se tempèrent : « Nous voulons la paix, nous souhaitons retourner sur nos terres et y vivre avec les Juifs, que nous ne haïssons pas », explique le responsable du mouvement du Fatah au Liban Kazim Hassan, qui sera mon traducteur du moment. En attendant la paix et le retour en Palestine, ces organisations de gauche permettent de palier à un manque d'engagement économique criant de l'Etat libanais à leur encontre. « Ici nous sommes des réfugiés, nous n'avons aucun droit, donc nous faisons notre possible pour réunir de l'argent et aider les gens, que ce soit au niveau médical ou au niveau de l'éducation. Nous aidons pour les opérations importantes, nous finançons en partie les études des jeunes, et surtout nous poussons les Palestiniens à respecter les lois, à se tenir calmes, c'est le meilleur moyen pour nous d'obtenir une certaine liberté politique et sociale », développe Kazim Hassan dans un anglais approximatif.

Le gouvernement libanais interdit l'accès des réfugiés à pas moins de vingt professions, comme docteur, avocat et ingénieur pour n'en citer que quelques unes. Ils ne peuvent également pas construire en-dehors des camps, ni acheter, ce qui les pousse à s'entasser et à construire en hauteur, au détriment de leur sécurité et de leur santé. Une situation qui pousse ces réfugiés-résidents à regarder toujours vers la frontière israélienne, espérant un miracle. A l'image d'Ibrahim, étudiant de 24 ans à la Beirut Administration University : « Nous sommes privés de nos droits basiques au Liban, si un jour l'Etat palestinien voit le jour je m'y rendrai avec joie et espoir ».

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