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Billet de blog 26 septembre 2014

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Il suffit d’une étincelle

Depuis les manifestations de violences de Daech dans la ville libanaise d’Ersal et les décapitations de trois militaires, le dernier par Al Nosra la semaine dernière, le Liban s’agite et bout. Les premières victimes de ce bouillonnement sont les réfugiés syriens, près de deux millions à ce jour selon l’UNHCR.

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Depuis les manifestations de violences de Daech dans la ville libanaise d’Ersal et les décapitations de trois militaires, le dernier par Al Nosra la semaine dernière, le Liban s’agite et bout. Les premières victimes de ce bouillonnement sont les réfugiés syriens, près de deux millions à ce jour selon l’UNHCR.

Bien sûr, toutes les infos ne sont pas vérifiables, mais les Syriens ont peur au Liban. Ma colocataire m’a confié ne plus parler arabe dans la rue. D’autres histoires racontent que devant une agression possible, imiter l’accent arménien est un bon moyen de s’en sortir sans trop d’égratignures. Cet article de NOW Lebanon détaille les attaques racistes qui ont lieu ces deux dernières semaines, et je suis effrayée aussi. Effrayée pour eux, pour mes proches, pour nous bien sûr, les « sales et méchants français » visés par Daech, effrayée pour l’avenir de ce pays que j’ai appris à aimer, malgré tous ses problèmes, du plus pratique au plus diffus.

Hier, une rumeur courait sur internet, que des Libanais avaient mis le feu à un camp de réfugiés. Ce serait apparemment le fait de djihadistes qui, repérés par l’armée, auraient tenté de couvrir leurs traces. Mais le pays est en proie aux propagandes, aux rumeurs étouffées et intéressés de groupes et d’individus sous pression, prêts à en découdre. Les crises amènent la violence et la paranoïa, et les crises sont nombreuses ici : salaires bas, chômage, instabilité politique permanente, mafias, électricité défaillante, surpopulation, sécheresse, racisme, extrémisme… Au pays du cèdre, la vie peut s’avérer difficile en ces temps troublés.

Alors, où en est-on ? Nous avons des groupes de Libanais énervés, qui s’attendent au pire (et qui pourrait leur en vouloir ?), bien armés et apeurés. En face, un Daech très sûr de lui et qui montre son pouvoir à la frontière, en se gaussant des réactions internationales. Au milieu, on retrouve une population syrienne otage de l’actualité, prise en étau, en exil, avec des ressources diminuées, et sans moyen de revenir chez eux ou de partir du pays qui les a acceptés sur ses terres. Il faut savoir certaines choses. Oui, il y a certainement des combattants camouflés, mais surtout une majorité de femmes, d’enfants et d’hommes usés. Il s’agit une population qui a perdu toute dignité, tout sentiment d’existence humaine, au travers d’aides humanitaires pas forcément adroites et d’humiliations quotidiennes par des, et pardonnez-moi l’expression, « petits cons » libanais (et je ne mets pas toute la population libanaise dans le même sac, bien heureusement). Un autre contexte est à prendre en compte : la diminution des fonds d’aide internationaux, qui s’acheminent peu à peu vers l’Irak, le nouvel eldorado de l’attention médiatique internationale (on a si vite oublié Gaza !). L’hiver arrive, pour ne pas dire « Winter is coming », pour une population toujours plus nombreuse et démunie. Comment vont-ils survivre ? Ajoutez à ça le fait qu’on les chasse de certains camps, qu’on les menace dans certains quartiers, qu’on les attaque physiquement, qu’on les arrête arbitrairement, et vous avez un schéma digne d’un film catastrophe.

Le co-fondateur d’une ONG syrienne me disait récemment qu’il avait peur pour l’avenir, peur de la violence de cette situation. « Il suffit qu’un Syrien tue un Libanais, et nous serons massacrés. » Il suffit d’une étincelle.

Florence Massena

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