Dans le jeu démocratique, nous sommes tou·te·s déçu·e·s et disposé·e·s à l’être. On le serait à moins, on l’est à moins, et tous les jours. Parce que l’égalité de droit ne signifie jamais une identité de fait, l’autre est quoi qu'il en soit toujours une déception. Acceptons-le comme un fait politique. C’est le principe même de la démocratie que de réguler l’expression de nos différences et de nos différends, tout à la fois. On est démocrate pour autant qu’on accepte de ne pas être entièrement comblé, de désirer toujours plus, de croire à un autre monde possible quand bien même celui-ci s'en tiendrait à occuper un horizon. Là où il y a déception, il y a eu espoir et volonté de changer. Ce n’est pas la même chose d’être déçu parce qu’on n’a pas réussi à transformer le monde et de se résigner à ne même pas avoir pu y croire. On aura bien assez d’occasions de crier nos déceptions et nous plaindre, de battre le pavé si nécessaire, si tant est, bien sûr, qu’on ait porté au pouvoir quelqu’un qui nous y autorise. Je préfère être en attente d’un bon coup que de m’en prendre un de plus parce que j’aurais défilé.
Nous serions tou·te·s déçu·e·s, mais on le vivrait mieux que de voir incrédules se réaliser ce qu’on redoute. Il y a des désillusions plus amères que d’autres, des mensonges plus insincères que d’autres et des confirmations qui nous meurtrissent plus que des désappointements. Moi je préfère être déçu parce qu’on m’aura fait croire à la révolution féministe, à la planification écologique, à la préservation des services publics, à l’augmentation du SMIC et à l’instauration du revenu étudiant, à la renationalisation des secteurs du soin (malades, petite enfance, grand âge), à l’économie en cercle vertueux, à la défense de toutes les minorités et des droits culturels, à la promotion de l’art, de la culture et de l’éducation comme biens communs inaliénables, à l’amnistie de tous les gilets jaunes, à l’instauration du RIC, à la sortie du nucléaire ou à la composition d’un gouvernement inclusif. Aux hologrammes aussi : de Marx, on en a de toute façon plus que les spectres, comme disait Derrida.
Je ne serais pas déçu par Macron qui, en neuf ans aux commandes, ne m’a jamais fait rêver. Son deuxième mandat serait celui du creusement des inégalités, de la défaite de la parole politique, de l’affaiblissement des protections sociales, de la fac payante, de la retraite à 65 ans, de l’exploitation légale, de la casse méthodique de la fonction publique, de la culpabilisation des personnes vulnérables, du blanc-seing accordé aux chasseurs, de la privatisation invasive, de la promotion d’une légalité supranationale, du libre-échange sauvage et décomplexé, du « pragmatisme » décollé de toute considération de la réalité sociale, de l’économie comme seul prisme de lecture, de la rentabilité de la pensée, de la productivité des corps, de l’instrumentalisation de nos vies. Le président des vieux cons qui après avoir profité de tout feront en sorte que les jeunes n’aient rien. Le président des élites, du mépris et de la violence.
Je VOTERAI POUR L’UNION POPULAIRE parce que je suis de gauche, parce que je crois en la politique comme pratique transformatrice, émancipatrice, progressiste, et même révolutionnaire. Je VOTERAI POUR L’UNION POPULAIRE parce que promouvoir l’adaptation, la résignation et le compromis avec le réel, c’est déjà manœuvrer à droite.
Je VOTERAI MELENCHON parce que, de loin, je préfère être déçu par lui.