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Billet de blog 20 février 2024

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Négocier s'il vous paix !

Dans cette lettre, je vous partage mes larmes sur le conflit Ukraine Russie, en dépit de mon éloignement des horreurs de la guerre. J'en appelle à la paix, mettant en avant la valeur suprême de la vie. Reconnaissant les complexités de la guerre, j'insiste sur la nécessité de négocier pour préserver la vie humaine, au-delà des victoires ou des défaites.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je vous écris pour exprimer non pas des douleurs nées de la guerre, mais celles issues de mon confort, loin de la mort et de ses horreurs. Je suis le moins qualifié pour parler du conflit actuel dans l'est de l'Europe. Je crains que mes mots ne se perdent dans le flot de messages, commentaires, articles, vidéos et enregistrements audio diffusés dans de multiples langues à travers le monde. Néanmoins, je dispose d'un petit espace pour partager mes pensées. Ce lieu est mon refuge, semblable à un mouchoir essuyant les larmes sur mon visage lorsque je suis seul, ma fille étant à l'école et ma conjointe au travail. Mes larmes coulent dans le bureau de mon entreprise, nichée en paix dans une ville pittoresque à l'est de Nantes, un lieu au nom évoquant l'irrationnel, sans que j'en saisisse la raison.

Si mes mots atteignent ne serait-ce qu'une personne, je serai probablement mal compris par ceux qui cherchent la victoire contre des ennemis. Je serai détesté par ceux qui luttent contre l'oppression et insulté par ceux qui reconnaissent la nécessité de résister. Cependant, j'espère que, dans ce tumulte, vous serez celui ou celle qui comprendra mes larmes et mon profond respect pour la vie. Je sais que ce n'est pas et ce ne sera jamais le bon moment pour appeler à la paix, mais je prends le risque pour la vie des Ukrainiens et des Russes qui est tout aussi importante que chacune des nôtres.

Ce n'est pas utopique de valoriser la vie par-dessus tout. Pour moi, la vie humaine, animale, la faune et la flore, représentent ce qu'il y a de plus précieux sur cette Terre. Je ne sais pas à quel moment de mon existence la vie est devenue si importante, mais je suis convaincu que nous pouvons tous s'accorder sur le fait que, sans vie, il ne reste que le néant, la fin de tout, les ténèbres. Seuls les êtres dépourvus d'âme et d'humanité ne craignent pas le vide et ses ombres.
Je fais partie de ces humains qui placent la vie au-dessus de tout et qui ne supportent plus de voir des Ukrainiens, des Russes, et parfois des étrangers à ces nations, mourir. Je pense à leurs familles, amis, collègues et animaux de compagnie qui ne reverront jamais ces êtres chéris, admirés et aimés, désormais absents à jamais. Cette absence, et la cause de cette absence, infligeront des blessures profondes à des générations entières, marquées dans leur âme sans espoir de guérison.

Pour les concernés, cette guerre a ses raisons, cette lutte a ses justifications. Je les entends, les vois et les lis. Cependant, pour moi, elles ne surpassent pas la valeur de la vie de ces soldats et civils qui endurent la tyrannie des balles, des explosions et des impacts, de la chair déchirée. 

Comment arrêter une guerre sinon par la victoire de l'un ou de l'autre ? Comment mettre fin à un conflit sans être déclaré perdant ? Comment éviter l'humiliation et la rancune ? Comment admettre que, chacun ayant déjà beaucoup perdu, il reste la force de se relever ? Comment parvenir à un consensus quand on est accablé ? Comment renoncer quand nous avons tant sacrifié ? Pourquoi chercher la paix alors que l'adversaire ne désarme pas ?
Ces questions sont légitimes, mais elles trouvent toutes une réponse dans la valeur de la vie. Prononcer le mot 'vie' est simple, mais sa signification dépasse la richesse, les gains de guerres ou de conflits, l'absence d'humiliation, ou la capacité à avancer avec dignité sans sacrifices, et à faire la paix. 

Vivre signifie reconnaître qu'il faut arrêter et négocier précisément pour sauvegarder cette valeur. Car, tôt ou tard, face à notre propre mort, il sera trop tard pour laisser à chacun, et soi-même en premier, le droit de profiter de ce bref instant et de ces joies.

Aujourd'hui, une guerre peut être déclarée ou simplement constatée, mais elle peut aussi prendre fin par la volonté de préserver la vie humaine, permettant à chacun de jouir de ces quelques années sur terre pour aimer, croire, être heureux, triste et grandir. La vie est le trésor le plus beau et le plus fragile, mais aussi le plus puissant. Elle est souvent incomprise, alors même qu'elle réside en chacun de nous. Nous sommes tous, à notre niveau, responsables de la chérir et de la protéger.

Il est donc temps d'accepter, même à contrecœur, la nécessité de négocier la paix pour la vie.

Il y a trop de morts pour s'interdire, même au vu des meilleures raisons et des arguments les plus légitimes, de discuter ensemble pour trouver un terrain d'entente. Un compromis où chaque partie perd quelque chose et qui permet à aucun camps de se sentir humiliée ou déclarée perdante.
Renoncer chacun à une partie de ses exigences, quelle que soit sa position, c'est aussi faire preuve de courage en mettant en avant la vie là où règne la mort. Accepter de faire un geste vers l'autre, c'est aussi montrer sa volonté de préserver les siens et ceux des autres.
Signer la trêve, c'est aussi apprendre à pardonner l'impardonnable, sans pour autant renoncer à ce que, un jour, justice soit faite, même plusieurs années après. L'histoire nous l'enseigne. Il faut se relever et ne pas se laisser consumer par la rancœur.

Contrairement à ceux qui ne comprennent la paix que par la victoire par la mort, je souhaite que vous vous engagiez à trouver une paix par la trêve. Sans victoire, sans humiliation, sans rancune, pour les vôtres, avec un accord strict où chacun y perd de manière égale, pour la vie. 

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