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Billet de blog 4 août 2013

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Oum Omar: le désespoir d'une Syrienne en exil

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

“Ils nous bombardaient, chaque jour des coups de mortier tombaient, sur nos voisins, autour de notre maison! Dans notre quartier il y avait des francs-tireurs : ils tiraient sur quiconque passait dans la rue. S’ils capturaient des hommes, ils les tuaient. Ils nous ont coupé l’eau et l’électricité… celui qui voulait aider un blessé, ils lui tiraient dessus ! Celui qui voulait enterrer un mort, ils en enterraient trois autres avec lui ! Un crime, un crime ! »

Famille de réfugiés syriens dans le camp de Zaatari en Jordanie

Ecouter les histoires de Oum Omar est très dur. Sa voix forte et stridente nous écorche les tympans. Elle est très agitée, elle parle de façon animée, elle se trompe, passe d’un sujet à l’autre, semble sur le point de fondre en larmes. Elle est arrivée seulement depuis trois jours, et elle est visiblement en état de choc. Elle raconte ses terribles expériences comme si elle les vivait encore en ce moment :

“Nous habitions une maison dont nous étions propriétaires: trois étages construits pour y installer les familles de nos enfants. Nous l’avons perdue d’un seul coup. Nous avons perdu tout ce que nous avions accumulé au cours de notre vie. Les barils pleins d’explosifs nous tombent dessus, et nous, on n’a pas d’armes…voilà ce qui s’est passé, que peut-on y faire ? Notre maison a été détruite, nous avons passé une nuit chez les voisins, puis nous avons fui ici… »

Avec des centaines d’autres personnes de la région de Deraa, Oum Omar a fui en Jordanie et s’est retrouvée dans le camp de Zaatari. L’arrivée n’a pas été facile :

« Nous sommes venus directement à Zaatari et ils nous ont mis dans la grande tente d’accueil. Un froid ! Le gel ! Mon fils [en situation de handicap] risquait de mourir! Nous y avons passé une nuit. Il y avait de l’humidité ici, là… nous avons tout fait pour le réchauffer, il risquait de mourir dans mes bras ! Puis nous sommes venus ici… »

Et la voici à présent, Oum Omar, sous une tente de tissu léger dans laquelle elle n’aurait jamais imaginé devoir habiter. C’est la première fois qu’elle vient en Jordanie en cinquante ans de vie. Elle n’a pas encore bien compris où elle était. Elle ne l’a pas encore accepté. Son mari pour le moment est resté en Syrie. Elle est ici avec ses enfants et quelques parents de la famille élargie. Elle passe le plus clair de son temps sous la tente à s’occuper de son fils handicapé. Rien de ce qui s’est passé en Syrie, rien de ce qu’elle a trouvé en Jordanie, ne peut lui paraître bon :

« Ils nous ont donné des boîtes de conserves. Ils croient vraiment qu’on a besoin de boîtes ? Nous avons besoin de vraie nourriture… Va voir dans quel état sont les cuisines communes !... Les toilettes sont à la fin du monde, c’est un vrai voyage d’y aller, et ils sont nuls, ils ne valent rien… Nous n’avons pas d’eau, nous n’avons pas d’électricité, la nuit on reste dans le noir… »

Jusqu’à la fin de la conversation, Oum Omar continue à se lamenter et à protester : contre le gouvernement syrien, contre les autorités jordaniennes, contre les pays arabes, contre son amer destin. C’est embarrassant de rester là à l’écouter sans rien pouvoir faire pour l’aider. Dans l’état dans lequel elle se trouve, aucun mot gentil, aucun conseil ne peut servir à grand-chose. Le seul espoir est qu’au fil des jours, Oum Omar s’habitue à la vie du camp, obtienne les services dont sa famille a besoin, se stabilise et se tranquillise, en attendant de pouvoir rentrer dans son pays.

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D'autres histoires sur la crise syrienne sont à découvrir sur le site www.focusonsyria.org/fr

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