L’économie syrienne traverse une crise profonde. La plupart des usines d’Alep, de Damas et de Homs ont été endommagées et pillées et ont été obligées de fermer. Les champs de pétrole dans le nord-est du pays sont tombés dans les mains des rebelles et la production s’est presque complètement arrêtée. Des millions de personnes ont abandonné leurs maisons et leur travail ; le taux de chômage est monté en flèche. Le transport de marchandises est devenu difficile, dangereux, et dans certaines régions presque impossible. Certains responsables de l’ONU et du gouvernement syrien estiment qu’il y a eu une chute de 35% du PIB et une perte de 15 milliards de dollars pour le secteur public depuis le début de la crise.
Tous ces facteurs se sont accumulés graduellement, avec l’extension des combats et des destructions, durant les deux premiers ans de conflit ; mais au cours des trois derniers mois l’économie semble avoir atteint un point critique. La livre syrienne s’est soudainement écroulée et le coût de la vie, déjà très cher, a augmenté exponentiellement. Avant la crise, le dollar américain valait 47 livres syriennes ; entre mars 2011 et mars 2013 il a doublé jusqu’à valoir environ 100 livres ; mais durant les dernières semaines sa valeur au marché noir a dépassé les 300 livres. Les Syriens on perdu confiance dans leur monnaie et le dollar est de plus en plus utilisé au marché noir.
Les prix de tous les biens de première nécessité, y compris la nourriture, l’essence et les médicaments, ont explosé de la même façon. Dans certaines zones du pays, nombre de produits sont très difficiles à trouver. Par exemple dans la zone ouest d’Alep, sous contrôle gouvernemental, le siège et le blocus imposés par les forces rebelles ont causé durant les dernières semaines une grande pénurie de nourriture. Le prix de certains produits alimentaires a augmenté jusqu’à vingt ou trente fois. De nombreuses personnes ont abandonné cette zone, malgré la sécurité relative et l’absence de bombardements, en raison de l’impossibilité de trouver à manger.
En plus de tout cela, les deux compagnies syriennes de téléphonie cellulaire (MTN et SyriaTel) ont annoncé à la mi-juillet une augmentation disproportionnée de leurs tarifs pour les appels internationaux. Un appel de la Syrie vers un autre pays coûtera entre 150 et 200 livres syriennes (50 / 70 centimes de dollars au taux actuel), tandis qu’appeler un numéro syrien depuis l’étranger coûtera en moyenne 550 à 600 livres syriennes par minute (environ 2 dollars). Les tarifs pour la Turquie et l’Egypte seront encore plus élevés. Les citoyens syriens seront obligés de réduire drastiquement leurs appels et feront face à des difficultés grandissantes pour rester en contact avec les parents et les amis réfugiés dans d’autres pays.
Une infusion massive de capitaux du gouvernement syrien a diminué légèrement le taux d’échange du dollar au cours du mois de juillet, mais compte tenu du fait que l’infrastructure économique du pays a été détruite, l’effet de ces mesures risque d’être seulement temporaire. En outre, les réserves de devise étrangère sont presque épuisées : pour garder l’économie debout, le gouvernement s’appuie sur d’importants emprunts à la Russie et à l’Iran, parmi lesquels figurent 500 millions de dollars par mois seulement pour l’achat de dérivés du pétrole.
Le gouvernement syrien a également augmenté les salaires des fonctionnaires de l’Etat, à la fin du mois de juin 2013, d’environ 20 à 30%; mais le taux de l’inflation est lui estimé aux environs de 40% par mois, par conséquent le renforcement du pouvoir d’achat des fonctionnaires a été réduit à néant en quelques semaines à peine. Les tentatives de subventionner les prix n’ont pas beaucoup de succès et sont parfois sabotées. Plusieurs boulangeries, après avoir reçu du gouvernement de la farine et du carburant a des prix subventionnés, ont été accusées de fermer durant plusieurs jours avec l’excuse de l’insécurité et des combats, de produire du pain clandestinement et de le vendre à des prix bien plus élevés au marché noir. Finalement, le 4 août le gouvernement a interdit l’utilisation des devises étrangères, y compris le dollar, pour toute transaction commerciale.
Si l’avantage militaire du gouvernement dépend de plus en plus de l’appui de Hezbollah et des combattants irakiens et iraniens, sa survie économique est liée étroitement au soutien financier de la Russie et de l’Iran. La population civile a de plus en plus de difficultés à mener une vie normale, même dans les zones à l’abri des combats. De nombreuses personnes, même lorsqu’elles ont encore leur maison, sont obligées d’emprunter le chemin de l’exil pour survivre.
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