Aux premières heures de la matinée du mercredi 21 août, selon des sources proches de l’opposition, une attaque aux armes chimiques a eu lieu dans certains quartiers périphériques de Damas. Les déclarations des rebelles évoquent mille morts et des milliers de personnes intoxiquées. Les vidéos disponibles sur Internet montrent des corps, des scènes désordonnées de tentative de secours, et des blessés dont l’état rappelle les effets du gaz sarin. Si ces chiffres étaient confirmés, il s’agirait du plus important massacre depuis le début du conflit syrien et de la plus grande attaque chimique depuis le bombardement par gaz de la ville kurde d’Halabja par Saddam Hussein en 1988.
Les jours suivants, l’opposition syrienne et le gouvernement se sont mutuellement accusés d’avoir perpétré ce massacre. Une semaine après l’attaque, tout porte à croire que les gaz ont effectivement été utilisés, mais il n’existe pas de preuves définitives sur l’identité des auteurs de l’attaque. Un fait est cependant certain : un groupe d’inspecteurs des Nations Unies, spécialistes des armes chimiques, se trouvent en ce moment à Damas.
Arrivés le dimanche 18 août pour enquêter sur trois attaques chimiques présumées advenues au cours des premiers mois de l’année 2013, les inspecteurs ont une occasion unique de faire la lumière sur les récents événements. Les Nations Unies ont combiné diplomatie et pressions pour obtenir l’autorisation du gouvernement syrien d’enquêter sur la dernière attaque. Lundi 26, leur équipe s’est rendue à Mouadhamiyeh, une petite ville contrôlée par les rebelles en périphérie de Damas, qui a été l’une des cibles de l’attaque chimique. Bien que l’un de leurs véhicules ait essuyé des tirs de snipers, les inspecteurs ont persévéré et sont parvenus à visiter deux structures médicales et à recueillir des échantillons sur des patients intoxiqués et sur les corps de certaines victimes.
L’ONU a donc démontré sa détermination dans une situation extrêmement difficile. Mais les considérations géopolitiques ont pris le dessus. Etats-Unis, Grande Bretagne et France ont déclaré avoir des preuves de la culpabilité du régime de Bachar al Assad, et ont intensivement communiqué à ce sujet afin de préparer l’opinion publique à une intervention militaire. Selon les analyses de différents médias, il s’agira probablement d’une attaque brève et concentrée sur les installations militaires du régime. Son objectif ne devrait pas être le renversement du régime par la force, mais plutôt l’envoi d’un signal fort de dissuasion et de punition. L’intervention pourrait commencer à la fin de cette semaine ou au début de la prochaine. Dans l’intervalle, les inspecteurs cherchent à terminer leur travail, mais les résultats arriveront peut-être trop tard, et les puissances occidentales pourraient décider de ne pas les attendre.
Les conséquences de cette attaque sur l’équilibre des forces entre le régime syrien et les groupes d’opposition sont encore difficiles à évaluer. En revanche, il est facile de prévoir une détérioration de la situation humanitaire pour la population civile syrienne. Le nombre de Syriens ayant franchi la frontière libanaise au cours des deux derniers jours a augmenté considérablement. A Damas, beaucoup de gens ont fait des réserves de nourriture et les files d’attente pour le pain se sont allongées. Ces préparatifs sont destinés à s’accentuer dans les prochains jours. Après le début de l’attaque occidentale, les tentatives de l’opposition de profiter de l’occasion pour s’arroger un avantage militaire pourraient causer un déplacement des lignes de front, de nouveaux bombardements de la part du régime, et d’ultérieures fuites massive de population. Dans le pire des scénarios, des centaines de milliers de personnes pourraient fuir en l’espace de quelques jours. Les frontières resteront-elles ouvertes pour les laisser passer ? Sinon, ces personnes réussiront-elles à trouver un refuge sûr à l’intérieur de la Syrie ?
Et les gouvernements occidentaux, dans les prévisions des coûts de leur intervention, ont-ils calculé les dizaines de millions de dollars nécessaires à donner un toit, de la nourriture et à protéger les civils syriens ?
D'autres histoires sur la crise syrienne sont à découvrir sur le site www.focusonsyria.org/fr