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Billet de blog 4 mars 2013

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Empêcher le coup de force

L'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 n’est pas légitime. Il n’est signé que par une minorité de syndicats représentant une minorité de salarié-e-s. L’accord est, certes, techniquement majoritaire suivant la législation en vigueur. Et le président de la République a, de ce point de vue, bien fait de presser les négociateurs à conclure, car ni la représentativité des syndicats signataires, ni leur capacité à former une majorité n’était garantie au-delà du mois d’août 2013

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 n’est pas légitime. Il n’est signé que par une minorité de syndicats représentant une minorité de salarié-e-s. L’accord est, certes, techniquement majoritaire suivant la législation en vigueur. Et le président de la République a, de ce point de vue, bien fait de presser les négociateurs à conclure, car ni la représentativité des syndicats signataires, ni leur capacité à former une majorité n’était garantie au-delà du mois d’août 2013, date à laquelle l’ensemble des résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises depuis 2008 seront additionnés en vue de déterminer la représentativité nationale et interprofessionnelle des syndicats (fixée à 8 % des voix) comme, par suite, leur capacité à représenter une majorité au sens légal (fixée à 30 % des voix) [1].

La majorité juridique actuellement détenue par les syndicats signataires de l’ANI cache, en tout état de cause, une minorité réelle qui ne saurait être transformée en majorité politique au Parlement qu'au prix d'un coup de force, qu'en tournant le dos aux millions de salarié-e-s qui ont voté aux présidentielles et aux législatives pour en finir avec la remise en cause du droit du travail. La majorité de gauche ne saurait, par conséquent, prendre cet accord pour argent comptant comme l’ont annoncé le Président de la République et le Premier ministre. Ce serait mener une politique d’inspiration libérale dans la parfaite continuité du gouvernement précédent.

La transcription dans la loi de l'ANI représenterait une régression de grande ampleur du droit du travail. Ses dispositions donnent, en effet, de nouveaux pouvoirs et de nouvelles marges de flexibilité aux employeurs, tout en augmentant la sécurité juridique de leurs actes. Il n’a rien d’un compromis où seraient pris en compte les intérêts des salarié-e-s. Aucune de ses dispositions ne fera reculer le chômage ou la précarité.
Au-delà, beaucoup émettent des doutes sur le caractère constitutionnel, légal ou conforme au droit international de certaines dispositions de l’accord. Ainsi, par exemple, de celle qui prévoit que la modification du contrat de travail réalisée dans le cadre d’un « accord de maintien dans l’emploi » s’impose au salarié et que son refus entraîne un licenciement pour motif économique, dont la cause serait attestée par l’accord. Elle pourrait être jugée contraire au droit international. Nous verrons ce qu’il en sera des décisions prises par l’Organisation internationale du travail, ainsi que par les juridictions nationales ou européennes, qui ne devraient pas manquer d’être saisies.

Cet accord veut promouvoir « un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés ». En fait de « nouveau modèle économique », le texte de l’ANI ne fait qu’approfondir le modèle néolibéral fondé sur la précarisation des salarié-e-s. Quant à la « sécurisation de l'emploi », comme d'autres, nous avons montré ce qu'il en était réellement.
Le sens de l'accord a d'ailleurs été donné quelques jours après la conclusion des négociations avec l’annonce faite par Renault de 7500 suppressions d’emplois et la menace de fermeture de sites si les salarié-e-s n’acceptaient pas les sacrifices demandés comme, par exemple, une augmentation du temps de travail sans hausse de salaire et une mobilité forcée. Qu’Arnaud Montebourg ait pu alors déclarer que « Ces suppressions font partie du cadre normal dans lequel une entreprise peut décider de gérer par avance ses effectifs et son personnel » et qu’« Il n'y a pas pour nous un certain nombre de lignes rouges qui ont été franchies », tandis que l’État est le premier actionnaire de Renault, montre que le gouvernement est prêt à en passer par toutes les volontés du patronat. Alors même que cet accord n’était pas encore transcrit dans la loi, le patron de Renault en faisait une lecture qui confirme, hélas, les pires craintes que l’on pouvait avoir à son sujet.
L'ANI va servir de bélier pour, au nom de la compétitivité des entreprises, s’attaquer frontalement aux droits des salarié-e-s. Car comment mesure-t-on la compétitivité d’une entreprise ? L’accord indique qu’il s’agit de « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». Peut-on considérer que Renault, qui a fait 786 millions de profits au premier semestre 2012, connaît des « problèmes conjoncturels » ? On voit ce qu’il en est dans ce cas de la préservation de l’emploi.

Gageons que « les problèmes conjoncturels » des entreprises vont se multiplier, ce d’autant plus que, par ailleurs, les politiques d’austérité menées par les gouvernements européens, compris le gouvernement français, sont porteuses d’une logique récessive. Même l’Allemagne est maintenant touchée par la contraction économique. Le « modèle économique » actuel entraîne l’Europe dans une spirale mortifère. La baisse des dépenses publiques et celle du « coût » du travail réduisent la demande globale dans tous les pays européens. Alors que les clients des uns sont les fournisseurs des autres, cette baisse ne peut pas être compensée par un accroissement des exportations. La récession qui s’ensuit produit une baisse mécanique des recettes fiscales qui empêche de réduire les déficits publics, entraînant ainsi un nouveau tour de vis.

Au lieu de prendre des mesures pour relancer l’activité économique en satisfaisant les besoins sociaux et en engageant la transition écologique, l'ANI s’inscrit pleinement dans cette logique récessive en facilitant les licenciements et en permettant des baisses de salaires, politique économiquement absurde et socialement destructrice.

Tout doit donc être fait pour qu'il n'acquière pas force de loi.

Avec les syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires, le 5 mars, en participant à l'une des 170 manifestations annoncées.  En lisant le texte de l'accord, en l'analysant, en tenant partout des réunions pour en débattre ensemble, salarié-e-s et citoyen-ne-s, pour faire entendre nos exigences auprès des élu-e-s, tout particulièrement celles et ceux de gauche. Pour qu’elles et ils ne votent pas ce texte. Pour leur rappeler que l'heure est bien plutôt à la sécurisation des emplois contre les licenciements, à la promotion d'un travail de qualité, sans précarité, et de droits sociaux de haut niveau pour les salarié-e-s, les chômeurs et les retraité-e-s.

C'est le sens de l'appel lancé par le collectif unitaire « Un ANI qui nous veut du mal » et quelque deux cents personnalités le 19 février dernier, qui - à défaut d'écho médiatique - a d'ores et déjà recueilli près de 17 000  signatures. Ce n'est qu'un début...

Note :

[1] Les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC ont recueilli 38,7 % des voix aux élections prud’homales organisées en 2008 et 28,11 % lors du référendum de représentativité organisé récemment dans les TPE et les PME, à laquelle 9 syndicats ont participé (étant entendu que la CFE-CGC ne représente que les salariés de l’encadrement). Au sens légal et s’agissant des accords interprofessionnels, la majorité est toutefois considérée comme atteinte dès lors que 3 des 5 syndicats encore considérés comme représentatifs au plan national (CFDT, CFTC, CGT, FO, CFE-CGC) signent l’accord. Au mois d’août 2013, les nouvelles règles de représentativité des organisations syndicales issues de la loi du 20 août 2008 entreront en vigueur. L’audience des syndicats sera alors mesurée en additionnant les résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises depuis 5 ans. Pour être représentatif au niveau national et interprofessionnel, un syndicat devra avoir réuni au moins 8 % des voix aux élections précitées et ce à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services. La CFTC et la CGC pourraient, en conséquence, ne plus être représentatives. Pour être majoritaire, un accord devra être conclu par un ou plusieurs syndicats représentatifs, qui disposent (seul ou avoir d’autres) d’une audience d’au moins 30 % et ne pas faire l’objet de l’opposition de syndicats représentatifs, qui disposent d’une audience d’au moins 50 %. Dans ce nouveau cadre légal, l’accord du 11 janvier 2013 n’aurait très certainement pas pu être qualifié de majoritaire, ni entrer en vigueur.

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