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Billet de blog 24 avril 2013

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Les prestations familiales doivent-elles dépendre des revenus?

La politique familale est actuellement illisible, inégalitaire et régressive, notamment parce qu'elle organise l'attribution des prestations par enfant les plus fortes aux 10 % de foyers les plus riches. La transformer radicalement n'implique cependant pas de revenir sur l'universalité des prestations familiales, mais bien plutôt de réviser le système du quotient familial.

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La politique familale est actuellement illisible, inégalitaire et régressive, notamment parce qu'elle organise l'attribution des prestations par enfant les plus fortes aux 10 % de foyers les plus riches. La transformer radicalement n'implique cependant pas de revenir sur l'universalité des prestations familiales, mais bien plutôt de réviser le système du quotient familial.

Il faut, en effet, resituer les allocations familiales dans un cadre global. La politique familiale passe par des prestations financières, la fourniture de services et par des réductions d’impôt principalement liées au quotient familial. Les prestations sont soit de type universel (essentiellement les allocations familiales pour un montant de 16,9 milliards d’euros), soit attribuées sous conditions de ressources (comme l’allocation de rentrée scolaire), ou encore modulées selon le niveau de revenu des foyers.

Le quotient familial représente une réduction globale d’impôt d’un montant non négligeable (13,9 milliards d’euros en 2009), qui agit comme une prestation en faveur des plus riches ! Il accorde en effet une réduction d’impôt par enfant d’autant plus forte que le revenu du foyer est élevé : les 10 % des foyers les plus riches se sont partagé 46 % (soit 6,4 milliards) du total de cette réduction d’impôt, pendant que les 50 % de foyers aux plus bas revenus s’en partageaient seulement 10 % (le plafonnement de cette réduction mis en œuvre en 2012 n’y change pas grand chose).

Les prestations universelles ne représentent ainsi qu’une petite part de la politique familiale. Au total, celle-ci est illisible, inégalitaire et même régressive car elle attribue aux 10 % de foyers les plus riches des prestations par enfant plus fortes qu’aux 90 % autres foyers.

Que devrait être une politique familiale plus égalitaire ? Outre développer les crèches pour permettre aux femmes de travailler, faut-il des prestations universelles (uniformes quel que soit le revenu) ou modulées selon le niveau de revenu ? Attribuer aux familles aisées des prestations plus faibles pourrait sembler légitime.

En réalité, cette manière de voir confond les rôles des politiques familiale et fiscale. S’il est indispensable que les plus riches contribuent plus fortement aux dépenses publiques, c’est par la politique fiscale que cela doit passer. C’est le rôle de la fiscalité d’assurer la redistribution verticale à travers l’impôt sur le revenu : sa progressivité, qui n’a cessé de diminuer depuis 30 ans, doit être renforcée pour réellement faire contribuer les foyers à hauteur de leur faculté, en taxant plus fortement les plus aisés. Corriger déjà l’aberration que constitue le quotient familial suffirait à trouver bien plus que les 2,2 milliards d’euros recherchés pour combler le déficit de la Caisse nationale d’allocations familiales.

C’est ensuite le rôle de la politique familiale d’affirmer le droit pour tout enfant d’être pris en charge par la société, de se voir assurer l’éducation et, au moins partiellement, les soins nécessaires à son bien-être. On se situe là dans une démarche de droits universels. Il faut voir que la remise en cause de l’universalité des allocations familiales renvoie à une vision régressive de la protection sociale qui tend à diminuer les prestations universelles (voir la dégradation continuelle des remboursements de soins par la Sécurité sociale). Il s’agit d’une véritable stratégie concertée au nom de la « modernisation » de la protection sociale. L’objectif universaliste perd insidieusement de sa prépondérance pour se réduire à fournir un simple « filet de sécurité » pour les plus démunis, avec le risque que celui-ci ne se réduise progressivement comme une peau de chagrin.

À partir du moment où les prestations financées collectivement ne sont plus universelles, le risque existe que la solidarité de ceux qui les financent en vienne à se ramollir, et que ces droits deviennent de « pauvres droits ». Cette évolution, évidemment dangereuse car elle cristallise les inégalités, constitue un élément supplémentaire pour appuyer le principe de prestations universelles. Seule l’inconditionnalité des droits peut permettre des droits de haut niveau.


Christiane Marty est membre de la Fondation Copernic et du conseil scientifique d’Attac.

Ce point de vue a initialement été publié dans l'hebdomadaire Politis (n°1249 du 18 avril 2013), où figurait également celui de Bertrand Fragonard, auteur du rapport du même nom remis au Premier ministre le 9 avril 2013.

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