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Billet de blog 15 septembre 2025

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Victoire Ingabire, leader de l’opposition rwandaise, est victime de ses opinions

Les gouvernements démocratiques et les institutions promouvant les principes démocratiques à travers le monde sont appelés à tenir le Rwanda responsable d'avoir enfreint cet idéal universellement partagé et à condamner l'arrestation de Mme Ingabire ainsi que à demander sa libération immédiate et inconditionnelle.

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La cheffe de l'opposition, Victoire Ingabire, quitte le tribunal vêtue d'un uniforme de prisonnière et entourée de forces de sécurité.

Depuis qu’elle a publiquement défié la politique d’exclusion instaurée par le régime rwandais qui énonce que seules les victimes du génocide des Tutsi doivent être commémorées, Mme Ingabire a été perçue comme subversive par les autorités Rwandaises. Selon elle, toutes les victimes, qu'elles soient issues du génocide ou des conflits armés, doivent être commémorées afin d'atteindre une véritable réconciliation au Rwanda.

Elle fut arrêtée en 2010 après avoir critiqué cette politique. Amnesty InternationalHuman Rights Watch, entre autres, ont affirmé que les charges contre elle étaient politiquement motivées. En 2013, la Cour Suprême du Rwanda a prononcé une condamnation de quinze ans de prison à l'encontre de Victoire, une décision qu’elle a contesté devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et a obtenu gain de cause en 2017. Elle a été libérée en 2018 par grâce présidentielle sous condition de ne pas quitter le Rwanda sans l'approbation du ministère de la justice et de se présenter une fois par mois au bureau du procureur local.

Symbole de la liberté d'expression et d'opinion au Rwanda.

Malgré les traitements inhumains que le régime de Kagame lui a infligés, l'empêchant de quitter le Rwanda pour rendre visite à sa famille aux Pays-Bas, notamment à son mari gravement malade, Mme Ingabire est restée fidèle à son combat pour la démocratie au Rwanda, exprimant publiquement son opinion, comme la Constitution rwandaise le lui permet.

Elle est l'une des rares personnes au Rwanda à avoir osé dénoncer les défis socio-économiques et politiques sans précédent auxquels le pays est confronté. Elle a démontré l'incapacité de Kagame à tenir la promesse qu'il avait faite en 2000 de faire passer le Rwanda du statut d'État à faible revenu à celui d'État à revenu intermédiaire, avec une économie fondée sur la connaissance, d'ici à 2020. Elle est connu pour son audace de publiquement défier les politique du régime Kagame sur les problèmes qui affectent la population rwandaise de toute catégories comme le discours de haine, l’émancipation des femmes, éducation, sécurité alimentaire, la démocratie.

Mme Ingabire a même contesté le plan d'expulsion des immigrants du Royaume-Uni vers le Rwanda, arguant que le Rwanda n'était pas un pays sûr sous un régime répressif qui produisait lui aussi des réfugiés. Elle a également souligné que le conflit dans l'est de la RDC ne prendra fin que si les problèmes politiques internes du Rwanda sont résolus par dialogue inter-rwandais. En 2021, Mme Ingabire avait soumis au président Kagame et au Parlement rwandais une « Feuille de route pour un meilleur avenir du Rwanda » qui explique comment ce dialogue peut être mené.

La feuille de route pour un avenir prometteur du Rwanda © Dalfa Umurinzi

Par ailleurs, elle a non seulement contesté la candidature présidentielle de Paul Kagame pour un quatrième mandat en 2024, mais a également dénoncé sa réélection avec 99 % des voix comme un signe d'absence de concurrence plutôt que de popularité. « Si M. Paul Kagame est si populaire, pourquoi ses adversaires crédibles ne peuvent-ils pas se présenter contre lui aux élections ? » a écrit Mme Ingabire, ajoutant que ce résultat électoral démontre que le Rwanda a encore un long chemin à parcourir sur la voie de la démocratie.

Mme Ingabire a clairement été une voix puissante à l’intérieur du Rwanda mais surtout une dissidente résiliente. En plus de contester la décision de la Cour Suprême du Rwanda devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et a obtenu gain de cause en 2017, Mme Ingabire a porté plainte contre le gouvernement rwandais devant la Cour de justice de l'Afrique de l'Est en 2024 pour que ses droits soient rétablis, après s'être vu refuser de quitter le Rwanda et de retrouver sa famille au Pays Bas.

 Recommandations de Mme Ingabire pour un Rwanda meilleur.

« Si je reconnais que le Rwanda a progressé dans plusieurs domaines au cours des 15 dernières années, je reconnais également qu'il reste encore beaucoup à faire pour transformer réellement le Rwanda en une nation réconciliée, démocratique et prospère », a-t-elle posté sur son compte X en Janvier 2025, ajoutant les cinq priorités qu'elle recommande pour y parvenir.

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Source:https://x.com/VictoireUmuhoza/status/1879893869795365149

Son activisme et son parcours ont été reconnus au Rwanda comme à l’extérieur. Elle est considérée comme une icône de la résistance pour la démocratie au Rwanda. En 2019, elle a reçu un prix international des droits de l'homme décerné par La Asociación Pro Derechos Humanos de España (APDHE), tandis qu'en 2024, elle a reçu le prix libéral international de la liberté.

Sa nouvelle arrestation est motivée par des raisons politiques. 

Même si elle a proposé des idées alternatives pour améliorer le Rwanda de manière transparente et pacifique, les autorités rwandaises ont toujours considéré Mme Ingabire comme une menace. Cela ressort clairement des discours menaçants des Hauts responsables gouvernementaux de rang ministériel et ambassadeur, ainsi que des membres du Parlement, à l’encontre de Mme Ingabire déclarant publiquement sur les réseaux sociaux qu’elle soutenait une "idéologie génocidaire" et que ses propos incitaient à un nouveau génocide au Rwanda. Même le président Kagame a publiquement qualifié Victoire Ingabire de “petite dame d’un genocidaire”, au cours de la campagne présidentielle de 2024,  tout en déclarant qu'elle finira mal. Ces déclarations laissaient présager ce qui allait se passer, car le système judiciaire rwandais est réputé être influencé par le pouvoir exécutif.

Le 19 juin 2025, Mme Ingabire a été arrêtée. Human Rights Watch a dénoncé cette arrestation comme l'un des dangers pour les opposants politiques au Rwanda. De plus, le dossier juridique de Mme Ingabire présente des irrégularités et le Parlement européen a condamné avec force cette arrestation, demandant notamment sa "libération immédiate et inconditionnelle".

Une arrestation confirmant la nécessite de soutenir la démocratie au Rwanda

En ciblant à nouveau cette militante renommée pour son engagement pacifique en faveur de la démocratisation du Rwanda, le régime de Kigali a une nouvelle fois démontré son refus catégorique d'adhérer à la démocratie. L’arrestation de Mme Victoire Ingabire ne fait que confirmer la nécessité et l'impact de son engagement pour la démocratie au Rwanda. Elle plonge le régime de Kagame dans l'autoritarisme et élève Mme Ingabire au rang d'icône de la lutte pour la liberté et la démocratie au Rwanda, qu'il faut protéger et soutenir. 

Les gouvernements démocratiques et les institutions promouvant les principes démocratiques à travers le monde sont appelés à tenir le Rwanda responsable d'avoir enfreint cet idéal universellement partagé et à condamner l'arrestation de Mme Ingabire, l’icône de la résistance contre l’autoritarisme et de la résilience dans la lutte pour les valeurs démocratiques ainsi que à demander sa libération immédiate et inconditionnelle.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.