Je travaille depuis plusieurs années auprès de femmes confrontées à des violences sexistes. Dans ces accompagnements, je vois à l’œuvre des mécanismes récurrents : contrôle, intimidation, négation de la parole, retournement de la culpabilité… des stratégies insidieuses, souvent exercées au nom de l’autorité, de la protection ou de la fameuse "normalité" (vous savez, celle qui a toujours un costard gris et un ton condescendant).
Et hier, en regardant les informations, je me suis dit : tiens, tiens, ces logiques que je combats au quotidien semblent avoir pris l’avion en classe affaires pour s’installer en haut de la scène internationale. Hasard ? Je ne crois pas.
Prenons la guerre en Ukraine. Depuis 2022, la Russie impose à un pays souverain une trajectoire politique, au nom d’un récit historique qui ferait presque passer "il était une fois un empire" pour un projet diplomatique. On y retrouve ce grand classique du dominant bienveillant : "je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi". Version blindée, armée, et sans consentement.
Du côté du conflit Israël–Iran, les frappes préventives se succèdent comme si l’argument "c’est pour éviter le pire" suffisait à faire sauter toute question éthique (et quelques infrastructures au passage). Pendant ce temps, Gaza est transformée en terrain de "pédagogie par la punition" : pas de pain, pas d’eau, pas de répit — mais avec toujours cette belle assurance que c’est pour le bien de la sécurité. On connaît ça : quand le dominant prive, frappe ou isole, c’est rarement de colère. C’est "pour que l’autre comprenne".
Le pire, c’est que dans ces grandes scènes diplomatiques, ce sont souvent les mêmes qui parlent, décident, signent, menacent. Majoritairement des hommes, bardés de certitudes, et rarement remis en question — un peu comme dans certains conseils d’administration ou dîners de famille. La diversité, ici aussi, a sans doute raté le train (ou a été priée de patienter en salle d’attente).
Alors non, bien sûr, je ne prétends pas réduire la complexité du monde à une simple métaphore genrée. Mais peut-être qu’en osant regarder les dynamiques de pouvoir avec cette lunette-là, on verrait que le patriarcat n’a pas de frontières. Il porte parfois des uniformes, parle plusieurs langues… mais il reste très cohérent dans sa façon de dominer.