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Billet de blog 11 avril 2025

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Le néo-impérialisme trumpiste ou la nouvelle ligue de Délos

Francis DASPE est président de l’AGAUREPS-Prométhée. Il est également impliqué dans La France Insoumise.

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Illustration 1

Après la double victoire contre les Perses à Marathon puis à Salamine, la cité d’Athènes créa en 477 avant notre ère la Ligue de Délos. Il s’agissait d’un rassemblement des cités grecques autour d’Athènes afin de se préparer à un éventuel retour des Perses, dans une hypothétique troisième guerre médique. La cité d’Athènes se targuait d’avoir été la seule (ou presque) cité grecque à avoir défendu victorieusement le « monde libre grec antique » contre l’empire perse. Sans verser dans l’anachronisme, il est possible de remarquer que la sémantique pourrait aisément décrire certaines situations plus contemporaines.

Un tribut fut exigé aux cités grecques pour financer la construction d’une flotte de guerre. Le trésor ainsi amassé fut localisé au cœur du monde grec, sur l’île de Délos. Mais très vite, l’hégémonie athénienne se fit sentir. Les alliés sont peu à peu traités en sujets. En conséquence, le trésor fut transféré à Athènes, sur l’Acropole. Il servit à autre chose qu’à des dépenses militaires. Il fut utilisé aussi à des dépenses domestiques quotidiennes, financement du misthos (somme d’argent alloué aux citoyens exerçant une fonction politique dans la démocratie athénienne), financement de la politique de grands travaux instaurée par Périclès (port du Pirée, construction de temples comme le Parthénon, embellissement de l’Acropole etc.). Ce changement se doubla d’une répression des cités voulant quitter la ligue de Délos ou de l’interdiction à toutes de battre monnaie, attribut clé de souveraineté. L’empire athénien dura jusqu’à la défaite militaire à l’occasion de la guerre du Péloponnèse contre l’adversaire séculaire Sparte.

Là aussi, un parallèle peut être effectué avec l’injonction faite par le président américain Donald Trump à ses alliés européens de l’OTAN d’augmenter les dépenses militaires à 5% de leur produit intérieur brut. Jusqu’à présent, les états européens consacrent aux budgets de défense en deçà de 2% de leurs richesses nationales. Le saut quantitatif serait donc considérable. Ce serait selon le président américain le juste prix de la protection offerte dans le cadre de l’OTAN à ses alliés européens accusés d’être de mauvais payeurs.  

La réalité est toute autre pour ce président avant tout businessman. Ces dépenses supplémentaires n’ont pas vocation dans l’esprit de Donald Trump à permettre aux alliés européens de construire une quelconque politique de défense autonome, conduisant à alléger de la sorte le présumé fardeau américain. En fait, la visée est bien différente, pour une manœuvre quelque peu grossière. Il s’agit plutôt de pousser les européens à acheter en retour du matériel militaire américain en abondance. Où comment garantir à bon compte des débouchés confortables au tentaculaire complexe militaro-industriel de l’oncle Sam... C’est bien un stratagème cousu de fil blanc ! Pour mémoire, les Etats-Unis se situent à 3,4% de leur PIB consacrés à leur budget défense.

Il n’est pas exagéré d’assimiler cette exigence à une sorte de tribut réclamé à des alliés de plus en plus vassalisés. Voici un des nouveaux (nombreux) visages de l’impérialisme américain version trumpiste. Les européens, habitués depuis longtemps à l’atlantisme et à la docilité, semblent s’y conformer, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. C’est ce que semble indiquer plus ou moins le plan intitulé « réarmer l’Europe » d’un montant avoisinant les 850 milliards d’euros et correspondant peu ou prou aux 5% réclamés.

Ces dépenses imposées, ou pour le moins fruits d’une suggestion impérative, dessinent les contours d’une économie de guerre destinée à bénéficier de manière privilégiée aux Etats-Unis. De cette manière, se dévoilent clairement les facettes d’un néo-impérialisme trumpiste à dominante commerciale. Ce que confirment à leur manière les tarifs douaniers protectionnistes dégainés sans guère de mesure par ce président par ailleurs obsessionnel chasseur de terres rares sur tous les continents.

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