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A quoi sert le fascisme ? De quoi est-il le nom ? Autant de questions, simples en apparence, mais pour lesquelles il y a urgence et nécessité à se les poser constamment. Et surtout à y apporter des éléments de réponses afin de s’interroger sur le rôle historique dévolu à ce courant politique. En effet, il n’est pas possible de renoncer à une réflexion approfondie sur la fonction de l’extrême droite au sein d’un système que, bien souvent, elle affecte pourtant de combattre. C’est en cela que si le fascisme est d’abord une composante parmi d’autres de l’extrême droite, notion bien plus large et extensive, il ne s’y réduit pas en totalité. Le refus à se poser les questions essentielles a conduit à en faire trop souvent un OPMI, c’est-à-dire un objet politique mal identifié. Et donc plus ardu à combattre avec l’efficacité requise.
Le surgissement du fascisme correspond d’abord à un épisode renouvelant les termes de la lutte des classes. Il témoigne d’une période de forte polarisation du champ politique caractérisé par la « peur du rouge ». Ce fut le cas tant en Italie, où Mussolini accéda au pouvoir après le biennio rosso qui flanqua la frousse aux élites, qu’en Allemagne où une des alternatives à la crise de régime de la République de Weimar résidait dans le parti communiste, sans oublier l’Espagne où le coup d’état franquiste visait à liquider la République dans sa version du Frente Popular. En cela, le fascisme s’inscrit dans un jeu de rôle bien huilé au sein de l’oligarchie et de ses aspirants.
Dans cette optique, le fascisme constitue de facto un solide rempart, bienvenu, au système et au patronat. Il n’y a qu’à observer les nombreuses complicités dont le parti nazi a bénéficié au cœur même de l’Etat, avec par exemple l’adoubement des milieux d’affaire, la complaisance accordée par la justice ou le soutien d’une partie de la presse. La finalité est claire : faire en sorte que ne s’opère pas une autre répartition des richesses. Car, in fine, le maintien d’un inégal partage des richesses reste un horizon indépassable.
En tout état de cause, et dans toutes ses dimensions, cette extrême droite représente l’assurance-vie du système, à qui elle fait semblant de tailler des croupières. Elle garantit le maintien du capitalisme ; elle préserve les intérêts des oligarchies ; elle constitue un appoint fidèle aux coalitions politiques qui gouvernent, dans le seul but d’opposer un barrage à une majorité de réelle transformation sociale.
Elle peut donc servir a minima de composante à une improbable sainte-alliance conservatrice, voire franchement réactionnaire, parfois rebaptisée non sans cynisme arc républicain ou regroupement des bonnes volontés raisonnables. Le stade supérieur de connivence transforme les forces fascistes en plan B d’un système aux abois, dans la logique immuable du « tout sauf les rouges et les partageux ». Dans ce cas, le fascisme devient l’idiot utile que l’on croit pouvoir contrôler et manipuler, même s’il peut arriver que la supposée marionnette s’affranchisse de son créateur perdant alors partiellement la conduite des opérations. C’est ce que réalisa Hitler en moins de deux mois...
La fonction historique du fascisme est de servir, de manière plus ou moins décomplexée, d’armée de réserve des possédants. L’opération peut même se réaliser au prix de rapprochements initialement perçus comme improbables. Il existe bien évidemment les indécrottables qui professeront en toutes circonstances préférer irrémédiablement Monsieur Hitler au Front populaire. Mais il convient également de ne pas négliger ceux qui finissent par parvenir à la même conclusion, non sans avoir prétendu appartenir au camp progressiste. L’exemple le plus abouti, et le plus caricatural par sa dimension dramatique, est celui de Gustav Noske, ancien ministre, social-démocrate, de la défense de la République de Weimar naissante lors de l’écrasement de la révolution spartakiste en 1919. « Je hais la révolution comme la peste. Il faut un chien sanguinaire, j’assume de l’être », indiquait-il en acceptant l’aide de corps-francs pour faire exécuter Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.
C’est que le fascisme prend les atours d’un caméléon disposant de plusieurs facettes. Il use en effet de plusieurs fers au feu, tantôt opposant présumé au système mais en réalité à la fois son premier et ultime rempart, ou pouvant être convié à intégrer des coalitions de circonstances, ou enfin sautant sur l’occasion pour s’y substituer mais pour mieux en préserver les intérêts de classe.
L’examen rigoureux des différentes situations observables tant sur le continent européen qu’à l’échelle mondiale, permet d’en dévoiler les nombreuses versions, dans la diversité des nuances et des stratégies. La France n’y échappe pas bien évidemment, en offrant même une synthèse éclairante. Par conséquent, toute comparaison, pour peu qu’elle soit débarrassée d’anachronismes fâcheux, contresens grossiers et autres instrumentalisations perfides, pourrait difficilement être purement fortuite. En cela, soyons persuadés que la vigilance doit être plus que jamais à l’ordre du jour.