Francis DASPE est président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche et co-délégué régional du Parti de Gauche en Languedoc-Roussillon.
Le projet de fusion de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) avec celle de Montpellier est dans les tuyaux de la loi Fioraso, du nom de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il convient de s’y opposer résolument. Mais il est tout aussi indispensable d’attirer l’attention sur la nécessité d’utiliser des arguments justes pour le contrecarrer, contrairement à ceux qui ont été avancés ici ou là, et qui sont sujets à caution.
C’est la logique même du projet de loi Fioraso qui doit être récusée : elle s’inscrit en réalité dans la continuité de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) de Sarkozy datant du 10 août 2007, dite loi Pécresse ou d’autonomie. Le projet Fioraso n’est malheureusement pas en rupture. L’autonomie conduit en effet les universités à une logique de compétitivité et de concurrence, autrement dit à une forme insidieuse de « rentabilité ». Celle-ci repose sur des critères se situant aux antipodes de la mission première de l’enseignement supérieur : la transmission des savoirs à tous les étudiants, sans distinction de lieu ou d’origine. La subordination au monde de l’entreprise s’en trouve donc consacrée, l’université devant participer à « la croissance et à la compétitivité de l’économie » par « le transfert des résultats obtenus vers le monde socio-économique ».
C’est pousser inéluctablement à la marchandisation de l’enseignement supérieur, conformément aux directives de l’Union européenne contenues dans le processus de Bologne initié en 1999 et la stratégie de Lisbonne adoptée en 2000. L’objectif est de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Dans l’inimitable novlangue des institutions européennes, une traduction s’avère bienvenue. Elle pourrait être celle-ci : faire de l’Union européenne l’espace qui générera le plus de bénéfices privés, en somme de procéder à la marchandisation décomplexée du savoir universitaire.
Un contresens de même nature est fait quand une forme de soi-disant centralisation jacobine (sic !) est incriminée. C’est précisément le contraire : le projet de fusion résulte d’une déclinaison de l’Acte III de la décentralisation qui vise à régionaliser l’enseignement supérieur afin de renforcer les féodalités et les baronnies régionales. En effet, pour certains, ce n’est pas la fusion en elle-même qui pose problème, mais l’orientation géographique de la fusion qui est en cause. Peut-être ne trouveraient-ils rien à redire d’une fusion « transfrontalière » parée de toutes les vertus d’une identité catalane notoirement instrumentalisée. Evidemment, ces belles âmes sont les ardents apôtres de « l’Europe des régions », cheval de Troie du démantèlement de l’unité et de l’indivisibilité de la République garante d’une égalité territoriale même imparfaite.
Ce qui est en cause, c’est bien une triple menace conjointe qu’il nous faut démasquer : l’autonomie dans un cadre de mise en concurrence, la décentralisation dans une visée clientéliste, la marchandisation dans une optique de soumission aux intérêts du monde de l’entreprise. Certainement pas une improbable « recentralisation jacobine ». Au contraire, avec le projet Fioraso, le rôle régulateur de l’Etat est affaibli avec la référence à la « planification » qui disparaît.
La cause de l’UPVD est juste et d’intérêt général. Elle ne peut cependant pas être défendue par des arguments inexacts et s’appuyant sur la satisfaction d’intérêts particuliers. Les Universités sont bel et bien poussées à solliciter des financements privés (entreprises ou familles) et à élaborer des partenariats privés-publics. De fait, l’endettement étudiant est favorisé sur le modèle anglo-saxon fondé sur la notion « d’investissement éducatif » des familles. Il s’agit là d’un véritable scandale comme l’a démontré mon camarade François Delapierre dans un ouvrage paru aux éditions Bruno Leprince et intitulé « La bombe de la dette étudiante ».
Au-delà du cas de Perpignan, c’est en définitive à un combat pour une université populaire et émancipatrice auquel nous sommes conviés.