Le pouvoir tremble. Je ne dis pas qu’il va tomber. Mais les coups sont rudes et renouvelés presque journellement. En un an, tout le capital d’espérances que certains avaient cru percevoir dans l’élection d’un jeune président qui voulait « tout casser » a subi une entropie presque totale. En même temps que le rejet de la politique suivie, c’est cet espoir qui se dissous. Cela veut dire qu’il n’y a plus de confiance dans ce « personnage » dont beaucoup espéraient qu’il change quelque chose dans notre société.
Et Nicolas Hulot vient de lui porter un coup terrible. Sa démission symbolise l’impossibilité de changement dans laquelle se trouve ce pouvoir. Ce pouvoir-là bien sûr, car il existe une autre voie possible que nous devons rendre perceptible.
La clairvoyance sur les raisons profondes de l’échec gouvernemental à mener une politique de transition écologique, reste l’objet d’un combat d’idées, d’un combat idéologique qu’il nous faut prendre avec bienveillance et souci de pédagogie.
On ne sait pas encore si la démission de Nicolas Hulot aura l’effet « détonateur » qu’il a souhaité. Mais des initiatives diverses se développent qui ne sont pas le fait de partis. A l’initiative de citoyens, une pétition est lancée sur Change.org, deux cents artistes écrivent une tribune dans « Le Monde » pour réclamer une autre politique écologique. Et les « marches pour le climat » se multiplient. Elles auront lieu dans de nombreuses villes samedi prochain, 8 septembre.
C’est ce mouvement qui doit être l’objet de toute notre attention. Qui connait l’ampleur qu’il va prendre ? Tous nos efforts doivent contribuer à développer le mouvement populaire.
Exactement l’inverse de ce que fait EELV qui veut préempter la démission du ministre pour la transformer en vote en leur faveur aux élections de 2019. Cette démarche politicienne est de même nature que toutes les combinaisons politiciennes des vieux partis qui transforment le combat d’intérêt général en un combat partisan au service de leur « chapelle ». Et le premier ministre cotise à ces démarches du vieux monde en présentant De Rugy comme la « personnalité » qu’il fallait dans son gouvernement, en dehors de toute redéfinition de sa politique.
Les raisons d’un échec
Seule une action en faveur du rassemblement populaire le plus large permettra de clarifier les raisons de l’échec écologique de ce pouvoir et les fondements d’une politique alternative.
Car c’est un besoin.
L’appel des 200 artistes par exemple est vide de contenu hormis l’exigence – mais c’est déjà un pas important - de faire autrement. Il contient même l’idée qu’une autre orientation devrait prendre des mesures « impopulaires ».
Aucune mesure écologique n’est impopulaire car ce sont les classes populaires justement qui ont le plus à craindre du dérèglement climatique, du détraquement de notre agriculture, de la pollution de l’air ou de celle de l’eau. Les riches peuvent se préserver des sargasses en Guadeloupe ou des ouragans à Saint Barth en éloignant leurs belles habitations des bords de la mer, pas les pauvres. Et quant à la diminution de la croissance qui est peut-être envisagée derrière cette « impopularité », il y a un long chemin visant à transformer la nature de la production et de la consommation comme leurs buts, à ouvrir un chemin institutionnel aussi pour faire voter des lois qui permettent de la solidarité comme celles que nous proposons à propos du prix des premiers mètres cubes d’eau ou d’électricité.
Pour développer la conscience de ce qui est nécessaire, le diagnostic de Nicolas Hulot est d’un appui considérable.
Il est sans appel : « On n’a pas compris que c’est le modèle dominant qui est la cause » dit-il et lorsque Léa Salamé lui demande s’il parle du libéralisme, il répond oui. De même qu’il met en cause les traités européens en regrettant que les règles budgétaires de Bruxelles empêchent tout investissement en faveur de la transition écologique. (1) Il appelle même à la transgression de ces traités (nous aurions dit, nous, à la désobéissance). Et il évoque enfin la dimension planétaire de cette question et la solidarité indispensable entre les états et les peuples, en ce domaine, notamment entre l’Europe et l’Afrique. (2)
Ainsi donc ni le libéralisme économique, ni les traités européens ne peuvent permettre de conduire une politique de transition écologique à même d’inverser le processus destructeur de la planète qui est en cours. Peu importe que Nicolas Hulot donne le sentiment qu’il le découvre seulement maintenant, d’autre sont encore en chemin.
Convaincre de l’intérêt général humain
Oui, hélas, des partis vont continuer de dire qu’il est possible de changer l’Europe dans le cadre des traités, des partis vont continuer de dire que l’énergie nucléaire est indispensable et économique, des partis vont continuer d’affirmer que des petits pas sont possibles et nous permettrons d’enrayer le dérèglement climatique, que 2 ou 3 degrés de plus sont supportables et que l’important est de réduire le rythme de ce réchauffement. Des partis vont continuer de nous dire que « la concurrence » rend inévitable des traités comme le CETA alors qu’ils ruinent les états et les peuples les plus en difficulté. Oui tout cela va continuer à être dit.
Notre effort d’explication doit donc redoubler et dans un esprit ouvert à toutes les bonnes volontés.
Soyons généreux.
Comme Nicolas Hulot d’ailleurs, qui appelle au rassemblement le plus large hors des clivages majorité/opposition.
Certes, il parle de la division dans les institutions et oublie que seul le peuple a la clé de cette concorde. Mais Il a raison tout simplement parce qu’il s’agit d’une question d’intérêt général commune à tous les êtres humains et qu’il est donc indispensable de chercher à les rassembler.
Il y a bien, comme le dit Jean-Luc Mélenchon, un intérêt général humain à prendre en compte. Cela ne s’oppose nullement à la lutte contre les dominations économiques, patriarcales et d’autres encore. Au contraire.
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C’est à ce niveau-là qu’il faut poser les problèmes comme le fait notre programme « l’Avenir en commun » en rappelant que notre écosystème est le seul où l’être humain puisse vivre et se développer et que sa défense est la condition première de toute émancipation.
Francis PARNY, 5 septembre 2018
(1) « Et puis, dans cette équation impossible des critères maastrichtien sur le plan budgétaire, est-ce qu'on essaye un peu d'être disruptif pour investir dans la transition écologique ? Est-ce qu'on s'est autorisé à sortir un peu de l'orthodoxie économique et financière ? »
(2) « J'espère que mon départ entraînera une profonde introspection de la société sur la réalité du monde, sur le fait que l'Europe ne gagnera que si l'Afrique gagne. Est-ce que nous nous sommes mis en situation de passer un contrat d'avenir avec l'Afrique ? La réponse est non. »