L’affaire Benalla si elle renvoie à des faits liés à la manifestation du 1er mai 2018 s’est révélée au grand jour et au grand monde en une journée. Elle fait partout la une, dans les réseaux sociaux, dans les médias, dans les journaux, dans la rue ! Tout cela aura-t-il des conséquences sur ce quinquennat ?
Dans l’immédiat l’essentiel est déjà dévoilé : il s’agit d’une question d’état.
Dans la journée de jeudi le groupe des insoumis à l’Assemblée Nationale a tenu son rang. Avec d’autres, et pendant des heures ils ont contraint le président de l’assemblée à bouger notamment par les interventions d’Eric Coquerel de Danièle Obono et de Jean-Luc Mélenchon qui n’ont eu de cesse que le gouvernement rende des comptes devant l’Assemblée nationale. Malgré les tergiversations continuelles de ce président d’assemblée, qui peuvent peut-être se prolonger, l’idée que la commission des lois puisse se réunir sous forme de commission d’enquête a été actée. Des ministres notamment, seront auditionnés.
Un président muet
Au-delà de ce qui a été obtenu Jean-Luc Mélenchon a rappelé sans arrêt l’importance des faits et dénoncé tout ce qui serait une fuite dans des chemins de traverse.
En effet nous ne sommes pas face à une affaire du « palais » qui se règlerait à coup de sanctions internes dans lesquelles Jupiter aurait recours à divers majordomes pour souffleter les inconvenants. C’est de l’autorité de l’État dont il s’agit. C’est du fait que l’on ne peut accepter que quiconque fasse acte de police à la place ou à côté de la police. Et Jean-Luc Mélenchon a demandé la désignation d’un juge d’instruction car l’enquête préalable prévue pour l’instant par le parquet peut déboucher sur… rien.
Il s’agit d’un dossier à instruire en justice. Déjà ils et elles sont nombreux à avoir failli à leurs responsabilités puisque l’article 40 obligeait la ministre de la justice ou le chef de cabinet de Monsieur Macron à saisir le procureur des faits dont ils avaient connaissance. Ils ne l’ont pas fait ; on dit que la loi ne considère pas cela comme un délit, mais l’exemplarité de la république ne se discute pas et la tolérance zéro invoquée par Mr Macron à l’égard des « quartiers » s’applique à toute violence, tout manquement à l’État de droit.
Le président se tait. La république est inaltérable dit-il tout juste. J’y reviendrai. Mais son entourage « fait bloc », comme le dit la presse, pour minimiser les faits. « Nous avons déjà jugé », « c’est la plus grosse sanction prise à l’Élysée », « ces agissements sont inadéquats nous l’avons dit ». Paroles, paroles, paroles…
Faut-il donc qu’autre chose de plus profond préoccupe toutes ces femmes et ces hommes si promptes à recouvrir les faits d’un grand linceul de silence ?
Oui.
La cote du président ne cesse de décliner ; de décliner vite. Et la semaine risque d’aggraver encore cette tendance, oui.
La mise en scène des plaisirs du président
Je dis la semaine car que penser de ce président du foot-mondial-France ? Pas seulement à cause de ses pitreries dans la tribune présidentielle du stade de Moscou. Ces gesticulations ont un sens. Il veut montrer qu’il aime, qu’il est enthousiaste. Mais ce faisant il s’approprie personnellement la victoire, pour son seul plaisir, et à la seule démonstration publique de ce plaisir. « Je suis heureux », je veux le dire aux joueurs, je les veux pour moi et tant pis s’ils ne font que passer fugacement sur les Champs-Élysées au contact du peuple.
Jupiter a découvert – tel Caligula – que les empereurs meurent aussi et peuvent mourir malheureux. Alors il veut dire haut et fort qu’il gouverne pour son plaisir quitte à provoquer le peuple.
Bien sûr toute comparaison avec les crimes de sang de Caligula serait déplacée. Mais les meurtres politiques existent aussi, c’est une autre histoire, c’est celle de la conquête du pouvoir.
Ce que je veux dire ici, c’est ce que Albert Camus nous a proposé en parlant de Caligula : un empereur qui provoque son peuple à qui il dit je fais ce qu’il me plaît alors réagissez, ne vous soumettez pas, renversez-moi au besoin.
Le président Macron est légitime il a été élu au suffrage universel. Mais les électeurs l’ont choisi pour éviter Madame Le Pen et sur un programme ou tout ce qui était audible était communication : « je ne suis ni de droite ni de gauche » et je suis d’une « modernité » sans pareil. L’expérience d’une année à fait lit de ces positionnements. La politique de ce gouvernement n’est pas légitime elle n’a pas été approuvée et elle n’a pas de base sociale contrairement au mandat que les Français avaient donné aux deux présidents précédents, même si ce choix ne nous convenait pas.
Bon, c’est vrai, le glissement idéologique général sous domination du libéralisme et les divisions ont permis au président de « réformer » la France. Rien n’est acquit définitivement.
Mais ce qui se passe en ce moment est d’une autre nature. Ne s’agit-il pas, déjà, du rejet de la personne même du président de ses méthodes, de sa façon d’être.
Les Français souffrent et les réformes vont augmenter leurs difficultés à vivre. Mais ils avaient le sentiment jusqu’ici d’avoir un président qui les représentait mieux au plan international que les précédents. Cela est en train de s’écrouler. Trump époussette le président français dont le seul vade-mecum européen est de soutenir Angela Merkel. Et la politique de la France n’a pas bougé c’est la politique de la guerre, toujours la guerre, bien réelle ou idéologique.
Le bon vouloir comme méthode de gouvernement
Et voilà qu’un autre trait de cette personne apparaît au grand jour.
Comme Caligula le président veut jouir de son pouvoir parce qu’il n’est plus sûr de mourir heureux. Alors son bon vouloir devient le fait majeur de sa politique et le cercle des amis qu’il rassemble change ou plutôt apparaît au grand jour. Il n’est plus seulement composé de représentants de la haute finance mais aussi de personnes provenant de milieux de toutes les aventures.
Benalla n’est qu’un symptôme. Celui de l’impunité faite président, celui des abus de pouvoir continuels, de l’utilisation de toute la maison France comme si c’était la propriété même du président qui n’aurait de comptes à rendre à personne.
Oui Monsieur Macron la république est inaltérable mais seul le peuple peut garantir la longévité de ces principes. Tout le peuple.
Il est beau que la presse notamment en Argentine ait saluée la victoire de la France en huitième de finale par les mots « liberté, égalité, Mbappé », joueur français dont la mère est algérienne et le père camerounais.
Cette France, dans sa diversité, ne peut être mise durablement sous suggestion. Attention, elle risque de ne pas attendre la mort de Caligula pour se repaître de son corps. Le peuple de France n’a pas vocation à subir longtemps le pouvoir des plaisirs de son prince.
Au fait savez-vous qui a mis en place Caligula ? L’histoire dit que l’empereur Tibère qui en avait assez de son « bras droit » décida de nommer un nouveau « préfet du prétoire » pour gérer en fait l’empire romain dès l’année 31 et gérer aussi sa succession par l’avènement de Caligula. Il le fit très bien d’ailleurs, sans doute en tuant Tibère et en transformant son testament. Un félon en quelque sorte. Son nom ? Ça ne s’invente pas : ils se nommait Macron.
20 juillet 2018