Billet de blog 5 septembre 2008
Tribalisme financier
Chaque époque a ses idoles, la nôtre a sa Croissance. Chacune a aussi son démon, la nôtre a l’Inflation. Et comme toujours, les sociétés sont prêtes à sacrifier certains pour calmer les ardeurs de leurs divinités.Le spectre de la stagflationMince, je voulais prendre un billet d’avion et je me suis aperçu que son prix avait été multiplie par presque deux depuis l’année dernière ! Diantre, mon pouvoir d’achat diminue. Cela est très désagréable, mais qu’y faire ?On le sait maintenant, les Banques Centrales font face a un choix redoutable : combattre l’inflation au prix de la croissance, ou l’inverse. Et si aucun choix n’est fait, c’est la stagflation qui nous guette, ce mélange de croissance molle et d’inflation folle qui a pris l’économie dans les années 70. La BCE est plutôt contre l’inflation et la Fed pour la croissance – histoires différentes, réponses différentes.Pourtant, en y regardant de plus près, on voit que seuls les prix du pétrole et des matières premières ont vraiment augmente. Et encore, ils se sont un peu tasses, alanguis par la torpeur d’un été sans histoire. La Core Inflation, c’est-a-dire l’inflation pure, qui regarde tous les prix sauf ceux de l’énergie, n’a pas bouge depuis des années. Elle reste en dessous des 3% fatidiques de la BCE. Quelles sont donc les craintes de la BCE puisque l’inflation, la vraie, n’a pas de soucis ? Sa peur, ce sont les employés.L’inflation et son doubleCar, l’inflation perçue et l’inflation réelle sont deux histoires bien distinctes. Il suffit de se rappeler que les consommateurs ont vu bondir les prix lors du passage a l’Euro alors que l’INSEE n’a rien vu. Aujourd’hui c’est pareil et les citoyens ont l’impression d’être pris à la gorge alors que leur situation n’est peut-être pas si abominable qu’ils le pensent. En conséquence de quoi ils seront prêts a demander des augmentations de salaire. Logique, moins de pouvoir d’achat donc plus de salaire, mais c’est la que ca se complique.Pendant les années 70, les salaires étaient indexes sur l’inflation. Quand les cours pétroliers ont explosé, après le 1e choc pétrolier, les salaires ont été revus à la hausse. Mais plus que la productivité – c’est-a-dire plus que ce que la hausse de la productivite ne le permettait. Et les entreprises ont été obligées de monter leurs prix. D’ou une nouvelle baisse du pouvoir d’achat et une nouvelle hausse des salaires et le début d’une spirale infernale qui ne s’est terminée que dix ans plus tard. Cet effet est connu sous le nom d’effet de second round. Et c’est lui que craint la BCE.Sur l’autel d’InflationLa productivité a en effet peu augmente ces derniers temps et les salaires n’ont pas la marge de manœuvre suffisante pour s’adapter. Des lors, la mission numéro un dans l’UE est de ne pas augmenter les salaires, pour ne pas lancer la réaction en chaine de la stagflation. Heureusement, les salaires ne sont plus indexes sur l’inflation depuis longtemps et l’affaiblissement progressif des syndicats les rend peu capables d’aider les employés.En résumé, on voit que ce seront les employés qui seront cette fois sacrifies pour lutter contre Inflation. On leur demandera aussi de contribuer à Croissance en travaillant davantage – ce qui, on l’espère, permettra de gagner plus. Cela ne change rien á mon billet d’avion toujours trop cher et je me dis alors que nous avons beau être a l’époque postmoderne, nous n’avons parfois rien à envier á nos lointains ancêtres.
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