Billet de blog 9 mai 2008
Amartya Sen, un humaniste chez les libéraux
«
Pense aux enfants d’Afrique qui n’ont rien a manger
», me disaient mes parents, et je répondais qu’ils n’avaient qu’à leur envoyer ce que je ne voulais plus manger. S’ils avaient suivi mon conseil, nous n’en serions pas là aujourd’hui : famine, émeutes et misère. C’est le message d’Amartya Sen - un prix Nobel plus proche du fakir indien que de l’économiste américain : la famine est un problème économique, mais sa solution, elle, est politique.Pour Sen, la famine est d’abord une injustice, celle qu’il a ressentie en 1943 en découvrant
la famine qui tuait des familles sans défense
. Comme il le montrera plus tard, cette famine était un paradoxe : il y avait assez pour nourrir tout le monde et un marché assez developpé pour distribuer la nourriture, et pourtant. Comme un ver dans le fruit du libéralisme : pourquoi on ne peut pas manger alors qu’il y a abondance ?Pour désarmorcer les ressorts du libéralisme économique, Amartya Sen va s’attaquer à son noyau dur : l’
homo economicus
. C’est abstrait, abscons, rebutant, mais pour tacler une théorie économique hypernormée et solide, il faut saper directement ses bases. Comme le rappelait Michel Foucault dans son cours sur la
biopolitique
, l’
homo economicus
n’est pas une théorie. C’est une certaine facon de considérer les problèmes. Changer ça, c’est changer notre vision du monde : une révolution tres discrète ! En gros, Amartya Sen nous dit que ce n’est pas parce que nous avons la possibilité de faire quelque chose, que nous pouvons vraiment le faire. Aucune loi n’interdit l’
american dream
, mais en pratique, seuls quelques uns en profitent. Rien n’interdisait aux gens d’acheter à manger, sauf qu’ils n’avaient pas les salaires suffisants pour cela. Ce sont les fameuses «
capabilities
» de Sen : le pouvoir faire.
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