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Billet de blog 15 septembre 2008

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Lehman Brothers, le tournant

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« Si Dieu n’existait pas, tout serait permis ». C’est ce mot de Dostoïevski qui m’est venu a l’esprit ce matin en apprenant la faillite de Lehman Brothers, le rachat de Merrill Lynch et les appels au secours de AIG. L’économie mondiale rentre aujourd’hui dans l’inconnu car nul ne sait ce qui se passera dans les semaines a venir. L’économie-fiction revient sur le devant de la scène.Le risque systémique, début de la fin du système financierLa faillite d’une grande banque, c’est ce que tout le monde essayait d’éviter depuis le début de la crise a grands renforts de dollars. Mais, il n’est pas possible de donner indéfiniment de l’argent et ce qui devait arriver est arrivé : la quatrième banque d’affaire américaine est en faillite et la troisième est rachetée par Bank of America – et sera sans doute dépecée rapidement. C’est une situation unique dans l’histoire, un retournement brutal et magistral : le paradigme financier qui prévalait jusqu’alors n’existe plus. Non, le système financier moderne n’est pas le meilleur moyen d’allouer les ressources, oui il est profondément instable et doit être régulé. 2008 sera probablement l’équivalent d’un 1971 – abandon de la convertibilité dollar-or et fin de l’économie étatique et fordiste de l’après-guerre – ou 1929 – crise financière, bancaire et économique mettant fin au modèle libéral du 19e siècle.La première conséquence de cette faillite devrait être un tsunami dans le monde financier. Tous les actifs de Lehman vont être vendus a prix cassés tandis que tous ceux qui lui avaient prêté de l’argent se retrouveront déplumés : banques, fonds, particuliers, tout le monde sera touché. Plus ou moins. Il y a ensuite tous les engagements que Lehmann a pris sous la forme de produits financiers, ou les produits qui ont été passé sur son compte, comme les CDS. Et la, personne ne sait ni combien il y a ni quelles seront les effets. Imaginez que des milliards ont été placés sur les CDS – une assurance anti-faillite – et que ces CDS sont majoritairement détenus par les grandes banques. Certains avancent que Bear Stearns a été sauvée pour éviter a Goldman Sachs de devoir débourser des milliards pour payer le CDS correspondant. Nul ne sait aujourd’hui combien de milliards vont être perdus dans cette histoire.Et le risque est que cette perte brutale affecte les autres banques, aggravant leur situation. Celles-ci ont réussi a survivre un an a la crise, même les plus touchées comme UBS, car elles avaient réussi a se réapprovisionner en argent frais auprès notamment des fonds souverains étrangers. Mais, plus personne ne veut aujourd’hui prêter encore de l’argent a ces pestiférés, d’autant que les pays asiatiques et émergents ne vont pas bien non plus. Il est donc fort probable que d’autres faillites vont suivre, comme un effet domino, et les effets peuvent etre ravageurs.Tout d’abord, votre banque va augmenter ses taux d’intérêt. Ce qui semble sympathique, mais qui veut dire qu’elle a un besoin urgent de votre argent et qu’elle est prête à vous offrir ces taux mirobolants pour l’avoir. Mais en contrepartie, elle sera moins encline a vous accorder des prêts.Le cercle vicieux de l’économieDe même les entreprises auront de plus en plus de mal a se financer auprès des banques. Il n’y a guère que l’Etat qui sourit car tout le monde veut des bons du Trésor, les seules choses qui valent encore quelque chose. L’Etat, notamment français, peut s’endetter facilement, mais bon, ce n’est pas du tout bon pour l’économie française...Les entreprises vont donc avoir du mal a trouver des financements. Dans le même temps, les gens vont consommer moins, en partie parce que les banques n’accorderont plus de prêts (un américain consommait en moyenne 110% de ce qu’il gagnait en 2006 !) en partie a cause de la hausse des prix et de la hausse du chômage. Les entreprises vendront donc moins. Y compris dans les économies émergentes, qui sont très dépendantes a la fois des consommateurs et du système financier occidentaux. C’est donc un cercle vicieux qui se met en place et qu’il semble difficile d’arrêter.Sans doute une meilleure coordination entre les économies permettrait d’atténuer ca, mais pire sera la situation, et plus égoïstes seront les pays. Il est donc difficile de croire que la coordination qui devrait être exceptionnelle aura même lieu.A cela on peut ajouter un autre effet : les Banques Centrales ont peur de l’inflation dite de « second round ». Car la hausse du prix du pétrole, ce n’est pas très grave en soi. Mais, ce qui l’est ce sont les hausses des salaires, car elles poussent a la hausse tous les prix, et non juste ceux des matières premières. L’inflation est a venir si rien n’est fait, et la réside la crainte de la BCE. Elle aura donc à cœur de limiter la hausse des salaires – en particulier en Allemagne ou les syndicats sont puissants. Il y aura donc une perte nette de pouvoir d’achat pour tous les citoyens.La bonne nouvelle du pétrole cher ?L’autre choc économique est la hausse du prix du pétrole. Pour le moment, nous n’avions rien vu car la plupart des entreprises avaient passé des contrats qui les couvraient contre une hausse, ou baisse, des prix sur trois ans. La période est terminée et la casse commence. Pour limiter leurs couts, les compagnies aériennes ont négligé la maintenance et accélérer leurs activités, avec les conséquences dramatiques que l’on sait. La faillite de XL Airline n’est qu’un début qui signe la fin des transports pas chers.La mondialisation repose essentiellement sur la baisse des couts de transports (a la fois transports de marchandise et d’informations). Mais, la hausse du pétrole remet tout en cause et Renault préfère aujourd’hui délocaliser en Europe de l’Est plutôt qu’en Chine, car plus proche de ses marchés. Ainsi, la hausse du pétrole devrait favoriser la relocalisation de l’économie, la formation de grandes zones économiques. Mais, cette tendance sera accentuée par le repli protectionniste qui s’annonce et la montée en puissance des conflits pour l’approvisionnement en matières premières.Une nouvelle ère économique ?Il est sans doute trop tôt pour se prononcer sur ce qui arrivera, et le scenario ci-dessus n’est qu’une histoire parmi d’autres. Mais il semble raisonnable de penser que 2008 sera une charnière dans l’histoire économique. La fin de la révolution numérique et informatique – qui a bouleversé le mode de production intellectuel – de la mondialisation a bas couts, de la financiarisation de l’économie laissent la porte ouverte a un avenir neuf qu’il nous faudra désormais penser et construire.

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