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Depuis le début du confinement, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de choisir un champ lexical guerrier, au point d’en devenir ridicule à répéter sans cesse la même phrase « Nous sommes en guerre », dont il surjouait comme à son habitude, la portée dramatique.
Las, le ridicule ne l’arrête pas, cela se saurait, le voilà hier qui se met en scène dans ce camp militaire de Mulhouse, tentes vert-kaki en arrière-plan, déclinant tout le vocabulaire approprié, et se permettant de nous engueuler au passage pour ne pas jouer au même jeu que lui.
« Nous sommes en guerre », martèle-t-il, lui qui voit là une opportunité bienvenue pour se remettre en selle. Il va pouvoir jouer à ce qui lui fait le plus plaisir : jouer au chef, faire le roi, se prendre pour un Dieu vivant, un Jupiter de la santé.
Et pourtant, rien ne va dans son sens. De crédibilité, il n’en a point. Car chacun des éléments qui ont favorisé la propagation du virus, et qui continuent de le faire, sont tous des conséquences directes du sophisme de ses idéologies.
On ne peut jamais vraiment être crédible en pompier, quand on est le pyromane.
L’effet vert
Damnée promiscuité. Nous voilà tous confinés. Et dire qu’ils nous imposent désormais de garder nos distances. Difficile à croire quand depuis plus de trente ans, on a œuvré, gouvernement après gouvernement, à nous rassembler dans nos grandes-villes, vidant nos campagnes petit à petit, au point de leur supprimer leurs écoles, leurs postes, leurs services au fond, et même leurs hôpitaux.
Nous voilà tous agglutinés dans nos trente mètres carrés à mille euros par mois, à essayer de ne pas se frotter en se croisant dans les escaliers de nos tours.
Toute cette politique d’urbanisme était déjà problématique sur tellement de points, à commencer par la flambée des prix du mètre carré, jusqu’à cette satanée pollution qui mène Anne Hidalgo à s’arracher les cheveux pour essayer de trouver des moyens de supprimer toutes les voitures de sa ville… Le confinement a du bon : il nous permet de respirer.
Jamais l’air n’a été aussi bon.
Le premier point que cette crise permet de mettre en exergue, c’est la stupidité de notre entêtement.
Quand notre objectif n’est plus la course-poursuite vers la croissance, d’un coup, nous revivons. Baisse de la consommation d’énergies fossiles, qualité de l’air à son meilleur, électricité moins quinze pour cent de consommation en seulement deux jours de confinement…
La solution verte aura été si simple à trouver : stopper la machine. Premier problème pour Emmanuel Macron : comment justifier de relancer le bazar autrement qu’en remettant comme objectif cette croissance moribonde et néfaste, au moins écologiquement ?
Impossible.
Les économies sur le dos de la santé
Le deuxième point terrible pour le gouvernement, c’est cette gestion injustifiable de nos stocks de masques de protection. Quand bien même la décision de ne pas renouveler les stocks reviendrait au gouvernement précédent, gouvernement auquel il appartenait, rappelons-le, ne pas avoir pris soin de s’assurer de notre sécurité en cas d’épidémie est une faute majeure de ce gouvernement.
En tant que garant de notre République, en tant que chef de la nation, l’objectif et le rôle du Président de la République, ce pour quoi nous le payons, c'est pour assurer notre sécurité. Et clairement ici, il y a défaillance. Comment justifier une telle désinvolture ? Ces gens étaient-ils si peu préparés ? N’avaient-ils aucune conscience ? Ont-ils minimisé leurs responsabilités ?
Beaucoup d’éléments portent à le croire, à commencer par les propos d’Agnès Buzyn qui laissent entendre qu’ils savaient et ont malgré tout maintenu les élections municipales, dont certains assesseurs se plaignent désormais d’être contaminés.
Ce que dit cette erreur aux conséquences meurtrières, c’est qu’à force de n’avoir que la croissance comme curseur, à force de faire des économies à tout prix, rognant de-ci, de-là, jusqu’aux besoins primaires de notre nation, le gouvernement s’est rendu coupable.
Il est invraisemblable que nous n’ayons aucun plan d’action automatiquement lancé en cas d’épidémie. Car c’est bien de ce dont il s’agit : nos gouvernants n’étaient pas prêts. Comme si cela ne pouvait plus jamais arriver. Oubliant toute l’Histoire de l’humanité. Assez symptomatique de ces idéologies droitières de ces élites surpuissantes : ils se sont crus invincibles. Bienvenue au 21e siècle.
Le pire dans tout ça ? Dans toute cette improvisation, le gouvernement se confronte à tous les mauvais choix stratégiques qu’il a pris jusque-là : des hôpitaux exsangues, des structures délabrées, du personnel çà bout de souffle, et des moyens inexistants. Tous ces soignants qu’aujourd’hui on nous somme d’applaudir chaque soir à vingt heures, on les fracassait dans les rues quand ils criaient au secours. Nous n’applaudirons pas ces soignants sur ordres. Nous n’avons pas besoin qu’on nous dise de les soutenir à heure fixe. Nous, ça fait des années qu’on sait qu’on peut compter sur eux, et qu’ils n’en peuvent plus. On a vu nos rendez-vous s’éloigner chaque mois un peu plus dans le temps quand on appelait pour fixer une date. On a vu les services fermer les uns après les autres dans nos petits hôpitaux. Et aujourd’hui, on nous incombe de nous unir pour les soutenir. Nous étions-là, Emmanuel. Où étais-tu, toi ?
L’absence totale de soutien de la part des financiers et oligarques
D’erreurs, il en est tant. Mais la plus flagrante, c’est que les responsables de ce qui arrive aujourd’hui se veulent encore à plaindre. On se souvient tous des annonces tonitruantes de nos élites, promettant des millions pour sauver la toiture d’une vieille église qu’on appelle toujours Notre Dame. On les a vus se ruer, opportunisme d’image d’abord, mais aussi parce que c’était une façon de dire que ce patrimoine était le leur.
Alors on sauve la vieille pierre, certes chargée d’Histoire, mais tellement inerte. Quand il s’agit de rendre les millions qu’ils ont entassés sur notre dos, au point de devoir rogner sur la santé qui nous fait aujourd’hui terriblement défaut, bizarrement, il n’y a plus personne.
On n’entend plus les Lagardère, les Pinault, les Niel, les Bolloré, etc…
Vous avez besoin de soins ? On va vous faire un peu de gel hydroalcoolique. Pas trop non plus, juste ce qu’il faut pour sauver son image. Et puis on vous mettra Canal gratos pour un mois. Ça fera un peu de promos au passage, pour cette chaine en mort cérébrale depuis son acquisition par le breton.
Des millions pour les hôpitaux ? De l’argent pour vous soigner ? Pour quoi faire ? Il y a l’armée pour ça. On est en guerre, vous vous souvenez ?
Pour être clair, dans leur vision, une seule chose compte : sauve qui peut, chacun pour soi et Dieu pour tous.
Le sacrifice des cols bleus
Et le plus ironique dans tout ça, c’est qu’on nous confine bien fort chez nous. Tellement fort qu’il a fallu lâcher un peu de lest. Vous comprenez, nos industries du BTP ne sauraient survivre à un arrêt trop long de leur activité. Mon propre mari a été envoyé manu militari devant sa PlayStation pendant trois jours avant qu’on ne le rappelle pour aller servir du client. Je l’ai regardé partir la peur au ventre. Oui sans masque, tant pis. Oui, on prendra nos distances. Porter des pots de peintures et des palettes, c’est toujours mieux tout seul. Tant pis pour son dos, pour sa fatigue… Et… oh ! Ah oui, il y a le virus. Quand tu respires des vapeurs chimiques toute la journée, on peut aisément envisager que tes poumons soient rôdés, non ? Pourquoi serait-il à risque plus qu’un autre ? Qui peut le dire ?
Donc on envoie nos gars poser le parquet, respirer la poussière, goudronner les routes, au moment où plus personne ne circule, au grand nom de la sauvegarde de l’économie. Comme s’il y avait encore quelque chose à sauver. Regardons la bourse, les amis : c’est une boucherie.
On va même faire mieux, on va les maintenir au boulot jusqu’à soixante heures par semaine. C’est provisoire ne vous inquiétez pas. La TVA aussi devait être provisoire quand on l’a mise en place en France, le saviez-vous ? Le provisoire a parfois le temps long quand il s’agit de traire toujours les mêmes. Ceux sur qui l’on crache à longueur d’année, ceux qui ne sont rien, ceux qu’on éborgne quand ils osent porter le jaune pour montrer qu’ils existent. Ceux qui sont tellement considérés comme inférieurs qu’on peut bien les envoyer bosser sans masque. Parce que bon, le problème avec ceux-là, les cols bleus, c’est qu’au fond, ils sont quand même pas mal indispensables. Faudrait pas trop que ça se voit et que ça se sache, mais on n’a jamais eu autant besoin d’eux : pour nous livrer de la nourriture, pour nous servir en caisse, pour nous transporter nos marchandises, récolter, transformer… On a tellement besoin d’eux que Sibeth Ndiaye ne serait pas contre qu’on y aille tous de notre petite personne mettre la main à la patte, quitte à cumuler les activités et les revenus… Vous comprenez… Vous n’êtes rien, mais on a besoin de vous.
Nous, on est bien. On est confiné chez nous, on fait sauter l’internet à force de se regarder dans le blanc des yeux en visioconférence Skype, à se raconter à quel point c’est la merde, et qu’on ne peut rien faire. Nous, on regarde Netflix, on télécharge nos jeux sur la PlayStation, et je prierais le livreur d’Amazon de bien vouloir venir me délivrer ma version disque de Resident Evil 3 dans ma boite aux lettres dans les prochains jours. Merci. Et sans trop toucher l’emballage si c’est possible. Il va falloir que je désinfecte tout ça.
Pestiférés !
Le dilemme de la chloroquine
Quand tout un gouvernement se met en exergue afin de faire payer les conséquences de leurs erreurs à la population victime des conséquences, il ne faut pas s’attendre à grand-chose. Et certainement pas à un peu de décence. Quand on a plusieurs labos sur le coup, qui ont payé des millions pour lancer des études en phase deux, sur des molécules brevetées, on aimerait mieux que ça soit ces labos-là qui profitent du virus, si vous voyez ce que je veux dire. Alors c’est un petit peu pénible qu’un traitement déjà existant, génériqué, pas cher, puisse être une solution toute trouvée à ce fléau qu’est le COVID-19.
Si le Pr Raoult est probablement un excentrique, j’ai envie de dire, quel scientifique de sa trempe pourrait ne pas l’être ? Quand un homme de son statut a dans le cerveau tant de connaissances précises et pointues, on peut envisager qu’il trouve acceptable l’idée de ressembler à Astérix. Je dirais même qu’au fond c’est rassurant. Ça veut dire que sa priorité à lui, c’est son travail. C’est sa science. Pas le futile. Pas le pognon donc.
Mais qu’un homme comme lui vienne perturber le petit système en place, gêner des « médecins » qui se font entretenir par les labos pour participer à des études, et qui viennent chouiner sur les plateaux télé contre la chloroquine, comprenez bien qu’il va falloir le détruire ce marginal. On va chercher tout ce qu’on peut trouver. Pour peu qu’un jour il ait cliqué sur un sex toy, faudrait que ça se sache.
On va chercher les poubelles pour voir comment le salir.
Moi, comme vous probablement, je ne suis pas médecin. Cependant, je connais la science. Et si l’on peut tout à fait dire que les études sur lesquelles il se base ne soient pas aussi rigoureuses que du double aveugle randomisé multicentrique, on peut aussi dire que les études observationnelles, ou les méta-analyses, sont aussi tout à fait recevables au sens qu’elles ne cachent pas leurs biais, et permettent donc de se faire une opinion en conscience, pour peu qu’on soit assez érudit pour les comprendre et faire la part des choses. En l’état, et du fait qu’il n’existe pas d’étude plus rigoureuse, les médecins se rendent à l’évidence : il y a des éléments qui laissent penser que la chloroquine donne des résultats. Reste à le confirmer. Faute de mieux, ils ne peuvent pas l’ignorer, et ils ne le font pas, heureusement. Et en regard de l’urgence face à la pandémie, il faut savoir penser out-of-the-box, sortir du confort de la prescription préremplie par un système mortifère. Et faire son travail de soignant. Heureusement, la majorité le fait. Merci à eux.
En guerre contre son monde
Cette crise du coronavirus aura servi à une chose au moins : la prise de conscience.
L’économie de la santé ne doit plus être régie par les mêmes règles que le reste de l’économie de marché. Il n’est pas normal de gérer un hôpital comme une startup. On ne doit pas laisser les labos faire de l’argent. Ça ne doit pas être leur but. Leur but doit être de trouver des moyens de sauver des vies. Pas de nous faire vivre avec nos maladies parce que ça rapporte plus de prendre en charge une maladie qu’on garde chronique que de vacciner.
Et encore, je ne vous ai pas parlé de l'Europe. Cette Europe qui protège. Il est encore un peu tôt pour ça. Remarquez juste que les frontières sont revenues. Et qui dit frontières, dit difficultés de circulation. On parle déjà de soucis d'approvisionnement en bouteilles à oxygène. Attendez, ça n'est que le début.
Mais pire que tout, pour le monde Macron, cette crise démontre que la seule solution à la plupart de nos problèmes, c’est l’arrêt complet de son monde à l’échelle mondiale.
Ce qu’il nous faut, c’est hiberner, désormais chaque hiver. Fermer boutique. On reprend notre souffle, on respire. Et on laisse la planète faire de même. Ce n’est pas si mal, il y avait déjà urgence.
En médecine, quand vous interrompez un traitement ou une activité pour un moment, on appelle ça faire une fenêtre thérapeutique.
Comme quoi, il est grand temps de remettre la santé comme seule et unique priorité dans nos vies. Toute autre idéologie est désormais tellement vieux monde.
Et c’est cette guerre-là que l’on doit mener ensemble. Pas contre un virus. Ça, c’est peine perdue. On vaincra peut-être celui-là, mais il y en aura d’autres.
Non. S’il doit y avoir une guerre, c’est contre son monde. Sans quoi, non seulement cela se reproduira, mais nous serons les seuls à payer.
Et ça, c'est hors de question.