La négation de l'autre, de sa spécificité et de ses droits, a toujours été une des caractéristiques de la suffisance des peuples européens se considérant comme les porteurs de flambeaux de la seule vraie civilisation et de la seule vraie foi"
Félix Tiouka. congrès des amérindiens de Guyane française.1984
Aujourd'hui Marseille c'est la jungle...
Pourquoi je mettrais mes enfants dans une jungle ?
... alors on va tenter de vivre
Nawyr Haoussi Jones cinéaste
"Comment vivre et créer une fois que l'on est marqué au fer rouge par la domination"
Virginie Aymone comédienne
J'ai eu de la chance. Très jeune, très tôt, mes parents m'ont appris a regarder ce qui se passe dans l'ombre.
Sise Ici rappeuse
Marseille résiste
Ils sont des milliers de femmes et d'hommes à tout donner, cœur, énergie, intelligence, pour que leur ville, Marseille, puisse continuer à affirmer une humanité ouverte à tous, une humanité aussi diverse que généreuse.
Ici, ils sont nombreux à vouloir tout partager, pour s'enrichir mutuellement. Malgré, une municipalité de gauche plus à l'écoute de se habitants, malgré un plan gouvernemental pour la rénovation des écoles, la ville se désagrège, plus de 25% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Des gangs de baby tueurs, DZ Mafia, Yoda (2) multiplient les assassinats, obéissant à une logique de marché libérale qui veut que tout concurrent dangereux soit éliminé. Les apprentis tueurs, ont entre treize et 25 ans. Les sommes touchées pour ces nouveaux contrats sont plutôt modestes, preuve que la vie des invisibles, des inexistants a peu de prix. Les drogues ont de plus en plus d'adeptes et font de plus en plus de ravages. Est-ce à dire que Marseille est devenue la ville la plus dangereuse de France, un territoire en voie de mexicanisation ?
L'écart entre une histoire complaisamment racontée par les médias et certains responsables politiques est largement démentie par les statistiques.
Classement des villes les plus dangereuses de France (3)
N°1 : Lille
25 389 crimes et délits en 2023 contre 27 598 en 2022 pour une population de 236 710 habitants, Lille présente un risque d'être victime d'un crime ou d'un délit de 107,258 pour 1000 habitants, soit 10.7%
N°2 : Bordeaux
27 043 crimes et délits en 2023 contre 25 169 en 2022 pour une population de 261 804 habitants,10.3 %. ,classement en hausse de 6 places sur un an, 8e en 2023.
N°3 : Paris
219 986 crimes et délits en 2023 contre 229 329 en 2022 pour une population de 2 133 111 habitants. 10.3 %.
N°4 : Rouen
11 598 crimes et délits en 2023 contre 11 077 en 2022 pour une population de 114 083 habitants, 10.2 %.
N°5 : Puteaux
4 419 crimes et délits en 2023 contre 4 433 en 2022 pour une population de 43 672 habitants, 10.1 %..
N°6 : Saint Denis
11 498 crimes et délits en 2023 10.1 %. classement en baisse de 3 places sur un an, 3e en 2023.
N°7 : Grenoble
15 115 crimes et délits en 2023 9.6 %..
N°8 : Lyon
50 050 crimes et délits en 2023 contre 54 304 en 2022 pour une population de 522 250 habitants 9.6 %., classement en baisse de 4 places sur un an, 4e en 2023.
N°9 : Marseille
83 525 crimes et délits en 2023 contre 84 521 en 2022 pour une population de 873 076 habitants. 9.6 %. classement en baisse de 2 places sur un an, 7e en 2023.
N°10 : Angoulême
3 700 crimes et délits en 2023 contre 3 115 en 2022 pour une population de 41 086 habitants, 9 %. classement en hausse de 9 places sur un an, 19e en 2023.
N°11 : Cannes, N°12 : Saint Ouen, N°13 : Roubaix, N°14 : Avignon N°15 Melun, N°16 : Aubervilliers, N°17 : Valenciennes, N°18 : Bobigny, N°19 : Annemasse, N°20 : Vénissieux.
Marseille est en neuvième position. A l'évidence les villes en tête de liste de la dangerosité font rarement la une des médias. Il est par ailleurs difficile de nier l'importance croissante du narcotrafic et des meurtres que cette activité entraine. Aujourd'hui responsables politiques et médias n'hésitent pas à parler de mexicanisation du problème. En 2018, le Mexique a recensé environ 33 000 morts en lien avec le narcotrafic et environ 30 000 en 2022. Alors qu'en 2023 on comptabilisait en 315 homicides ou tentatives d'homicide entre malfaiteurs" liés au trafic de stupéfiants en France. le taux d'homicide en France est de 1,5 pour 100 000 habitants, alors qu'il atteint 23 homicides pour 100 000 habitants au Mexique, soit quinze fois plus. "Il y a eu en dix-huit ans plus de 450 000 morts et presque 100 000 disparus" au Mexique.( Frédéric Saliba, correspondant du Monde.)
"La réalité de la violence n'est pas niable, mais si Marseille connait toutes les affres de la société contemporaine, la responsabilité première en incombe à ceux qui délibérément ont choisi d'abandonner une population vulnérable plutôt que de la protéger. On préfère croire ou laisser croire qu'un mal extérieur viendrait pourrir la vie des gens. Alors que c'est le pourrissement de la vie des gens qui génère un mal intérieur, profond"
Philippe Pujol.
L’auteur de Cramés (2) ajoute " l'argent pour ces gosses symbolise le concret, l'école le chômage"
Pire. A lire Philippe Pujol sur Marseille, Roberto Saviano sur Naples (4) ou Morgan Audic sur Moscou et l'Ukraine (5), il apparait qu'au-delà d'histoires bien spécifiques un trait commun se fait jour au sein d’une population d'invisibles. Meurtres et assassinats sont considérés comme des actes d'héroïsme. Pour une partie de cette jeunesse en totale déshérence supprimer l'autre permet enfin d'exister. Constat sinistre à méditer !
Qui a le droit de raconter son histoire ?
Face à cette guerre impitoyable faite au peuple, la responsabilité de ceux qui ont pour mission d'informer est énorme, elle met déjà à mal une conception froide et objective du journalisme. La réalité est une construction. Qui cherche à l'éclairer ne peut le faire au- dessus de la mêlée. Face au mépris, le minimum est de lui opposer le respect. Sur cette base tout redevient possible. On n'a pas à rougir d'être ému, d’exprimer un attachement, une solidarité, avec en tête l'espoir fou de faire bouger les choses... ne serait-ce que de quelques millimètres! On n'a pas à rougir de se poser des questions et de chercher des réponses, ensemble. Les associations, collectifs, personnalités qui ont l'audace en toute lucidité d'organiser résistance et survie font un travail considérable interdisant de désespérer du genre humain. Leurs actions et démarches méritent plus que notre attention et empathie, elles doivent être questionnées. On peut, on doit supposer que la confrontation d'idées et surtout d'expériences, permet d'aller plus loin, que le déplacement du regard autorise les emprunts, créations, réinventions.
L'objectif n'est pas seulement de réouvrir le champ des possibles, mais aussi et surtout de persuader tout un chacun que ce n'est ni utopie ni folie d'y travailler.
A l'écoute des personnes et collectifs rencontrés il nous semble se dégager quatre axes dont la combinatoire, détermine la possibilité ou l'impossibilité pour une collectivité de prendre la parole. Les mots ne sont pas que des mots, ils façonnent des couperets, avalements, escamotages, mais aussi des chemins, plages, naissances, inventions qui nous autorisent à mourir à plus ou moins petit feu ou à vivre intensément et ensemble. Bref s'ils ne veulent pas que leur histoire soit celle de leurs os, il vaudrait mieux que les agneaux ne confient pas, les yeux fermés, la défense de leur existence aux crocodiles.
Ces axes seraient les suivants :
La culture
Si elle n'est pas la culture dominante, celle de l’élite, à défaut d'être reconnue dans sa noblesse populaire elle devient la culture d'en bas, celle des laissés pour compte ou des marginaux, déviants et autres extrémistes. L'accès à la culture reconnue comme un bien essentiel est réservé à une minorité. Toute personne ou groupe qui n'occupe pas une position sociale dominante n'y a pas accès. Il faut posséder les codes d'entrée et être reconnu par ses pairs pour être intégré dans le cercle. Cette vision conforme à une hiérarchie sociale verticale figée ignore la pluralité, la diversité.
Elle se prive du plaisir de la découverte et de la refondation de soi et du groupe qui s'opère dans le partage, donc dans le mélange.
Le territoire/ le lieu
Seule une minorité reconnue socialement est fondée à disposer d'un territoire conforme à son statut. Elle est légitime et en paye le prix. Pour la population des cités, le territoire est une terre de relégation. La distance physique et symbolique entre ces terres de rejet et les quartiers centraux est à la mesure du mépris ambiant. Mais l'énergie, la mobilisation des habitants et de leurs alliés est de nature à contrarier cette exclusion. Il importe alors qu'un ou plusieurs lieux puissent au terme d'un patient travail collectif être identifiés comme appartenant à toute personne souhaitant être reconnue parmi les siens. Il n'est pas indifférent de savoir que le lieu commun qui devrait être considéré comme un aboutissement collectif soit synonyme de banalité sans intérêt. A contrario, on considérera que ces lieux définissent un espace de liberté, solidarité, inventivité.
L’expérience
Si toute action, démarche sur le terrain peut gagner à être conceptualisée, Il n'en reste pas moins que la mise en avant de concepts comme déclencheurs d'action peut avoir un effet fortement restrictif. Que signifie la notion d'engagement pour les générations en phase avec les réseaux sociaux? Il est commode de considérer que la jeunesse d'aujourd’hui s'investit dans des activités privilégiant l'individualisme et les satisfactions de court terme. Cette vision pourrait bien surdéterminer ce qu'elle dénonce. Dans une société sclérosée où les assignations à jouer tel et tel rôle sont dominantes, c'est l'ouverture à l'expérimentation comme aux enseignements de l'expérience passée qui devraient permettre de faire bouger les lignes. Les collectifs et associations rencontrées ne cessent d'y avoir recours. Les conforter ne peut avoir qu'un effet bénéfique. A la limite nous ne savons rien et avons tout à apprendre des nouvelles configurations que nous expérimentons.
L'hospitalité
La personne qui reçoit et la personne reçue dans la définition de base de l'hospitalité sont toutes les deux considérées comme des hôtes. Chacun donne et reçoit. Cette égalité n'est positive que si elle s'inscrit dans le temps. Physiquement une porte fermée s'ouvre sans délai si chacun le veut. Dans la vie en société, la notion de fermeture a une sanction immédiate. Toutes les personnes que l'on juge sans intérêt, vulgaires, de mauvais esprit, trop différentes pour être dignes de partager, sont refoulées.
Face aux stéréotypes, aux visions rigides de la société, l'hospitalité ne va pas de soi. Celle ou celui à qui on a martelé jour après jour qu'ils n'étaient pas légitimes ont intériorisé leur soi-disant infériorité et ne s'estiment pas aptes à être admis. Il faut une volonté, de l’empathie, une capacité à créer un espace favorable, une nouvelle donne et bien sûr du temps.
Le temps nécessaire au lâcher prise, à accepter que le regard de l'autre puisse vous valoriser. A un moment où le refus de l'autre, de la différence trouve de plus en plus de partisans, la mise sur orbite de l'hospitalité peut devenir un véritable projet d'une société d'ouverte à la diversité et à la solidarité sur une planète où la nature comme tous les êtres vivants ont le droit d'exister (6).
Voyage à travers les couleurs du nous
Il faut trouver les moyens d'écouter la richesse du nous, notre richesse en proie à la difficulté de raconter notre histoire. Elle nous a été volée. Nous sommes alors devenus étrangers à nous-même. Dans l'inconfort le plus total nous ne pouvons que ratifier l'opprobre des puissants. Si nous sommes invisibles, si nous n'existons pas, c'est que nous ne méritons pas d'exister. Mais les êtres vivants que nous avons parfois la chance de croiser, n'acceptent pas de cautionner cette injustice, alors ils tentent l'impossible et à force de patience, empathie, générosité ils sont en mesure faire tomber les murs qui nous séparent des autres. L'irréversibilité d'un destin funeste peut alors se faire rhabiller. La générosité comme la solidarité n'ont pas qu'un seul visage. Le pluralisme des approches sollicite notre éveil et pourquoi pas notre remise en question.
Ce lieu est à nous
Le Zef
Une scène nationale plantée au milieu des quartiers Nord, bordée par un commissariat de police et un centre commercial. A proximité la cité de la Busserine, le centre social Agora, l'Après M. Que fait un lieu dédié au théâtre, à la danse, à la musique, cinéma, liberté d'expression.... dans des quartiers où la quasi- totalité de la population, entre précarité et rejet ne peut se trouver qu'à des années -lumière du divertissement réservé aux gens qui ont du temps, de l'argent et un capital culturel en phase avec leur position sociale. Très simplement , au moins dans la formulation, le Zef et toute son équipe sont là pour, jour après jour, nuit après nuit, démontrer que l'espace qu'il occupe est celui de tous et que si des murs aussi solides qu'invisibles tendent à prouver le contraire, il faut mobiliser toutes les énergies disponibles pour les abattre. Pour cela il faut une vision et des actes. Francesca Poloniato et de son équipe l'assument au quotidien. Une équipe qui de l'accueil à la comptabilité partage les mêmes valeurs, les mêmes combats pour faire exister ce lieu lui donner de la chair et de l'âme. Ouvert à toutes les expressions, le Zef a une bande d'artistes qui le suit, le critique, le conseille pour que jamais l'entre-soi ne vienne étouffer le mouvement. Sous l'impulsion de Bertrand Davenel accompagné par Bérangère Chaland, au moins cinq collaborateurs du Zef vont à la rencontre des publics, à travers ateliers, centres sociaux, rencontres dans les écoles, collectifs divers.
A tous ceux qui ont autant de doutes que d'envies et des talents dont ils ne soupçonnent pas vraiment l'existence, les équipes du Zef offrent des possibilités de s'exprimer en s'appropriant très progressivement un lieu qui leur était à priori étranger. On notera au passage que face à un blocage culturel que l'on retrouve partout, le Zef n'a jamais perdu son temps à vouloir faire admettre qu'une conception culturelle faussement élitiste n'est pas la sienne. A celles et à ceux qui l'ignorent il s'agissait déjà de faire savoir que le lieu est là, dans un espace ouvert au dialogue avec tous ceux qui le souhaitent. A l'intérieur tous peuvent se réchauffer au feu d'un accueil ouvert et la possibilité de tenter des expériences en toute liberté. C'est bien sur le terrain, à travers les expériences menées que le Zef est devenu un lieu commun. J'ai pu, avec la complicité de l'équipe de Bertrand Davenel, dialoguer avec quelques-uns des jeunes accueillis:
Daouda
est éducateur de rues dans les années 2000 il a vécu un moment où le milieu associatif du quartier n'était pas encore en place. Là il a pu très vite se rendre utile, se rendre compte que les discussions pour faire venir les membres d'une association portaient aussi sur des problèmes de trésorerie.
L'énergie des équipes de Bertrand a contribué à réduire de plus en plus la distance qui existait avec la population du quartier. Mais rien n'était donné d'avance. Un jour Daouda termine un match de foot plutôt en retard, il est attendu à 19h pour faire l'accueil du Zef. Il n'a pas le temps de se changer. Il court, il court, un policier le voit, le plaque contre un mur , lui demande où il va comme ça. Daouda répond au théâtre. Abasourdi et sans doute scandalisé le policier lui balance une énorme gifle. Cette blessure le jeune homme s'est promis qu'il en ferait quelque chose de positif. Il consacrera donc encore plus d'énergie à faire venir des jeunes du quartier au zef.
Mohamed
A 14 ans, il a été émerveillé par le passage à la Busserine des centaures de Camille et Manolo. Des dizaines de chevaux blancs parcourant le quartier et au milieu un cavalier tel un centaure mythologique délivrant un message. Un jaillissement de beauté et de sens. Tout d'un coup le quartier existe. Ce qui était banal, gris prenait les couleurs de l'extraordinaire, fulgurance et magie. Tous les enfants du coin émerveillés couraient après les chevaux. C'est Anne-Marie une éducatrice qui l'a fait venir au Zef, déjà pour assurer la signalétique de l'opération centaures. Il est revenu, a participé à d'autres ateliers, à des débats, il fait venir plusieurs de ses camarades qui passaient à côté du Zef sans avoir la moindre idée de ce que l'on pouvait y faire. Il a participé à un collectif Jeunes. Connu dans le quartier il a monté sa propre association, il en est le président. Il est là pour donner envie à chacun de faire des choses par lui-même. Il aime diriger une équipe et anime un quartier où tout le monde se connait. Il se sent adulte et responsable, à l'écoute et respecté. Même s'il n'est sûr de rien, en particulier de l'impact de son action, il se dit qu'au moins il aura essayé.
Assane
Elle a 19 ans, habite le quartier des Hirondelles dans le13ème.Elle est aujourd'hui étudiante en psychologie et a trouvé son équilibre depuis qu'elle est à l'université. Elle porte le voile sans que personne ne lui fasse des remarques. Il y a peu elle a découvert la politique... du côté de l'émancipation sociale. Alors qu'elle était en troisième elle fait un stage au Zef. Le théâtre ne faisait pas du tout partie de son univers , ce n'était pas du tout son monde. A priori c'est l'aspect technique qui la motive. Bertrand Davenel lui conseille d'intégrer le Groupe Miroir animé par le metteur en scène Alexis Moatti, un endroit où elle pourra faire tout ce qui lui plaira, être avec des gens qui l'accompagneront et ainsi devenir capable de se connecter aux autres autant qu'à soi-même, sur scène. Elle participe à un spectacle, fait venir ses proches. Elle s'est senti stimulée, aidée, capable d'admettre ses blocages et les surmonter. Ainsi, accepter sa vulnérabilité est tout sauf une faiblesse. Le Zef parle à tout le monde. la proximité géographique se transforme en affinité. Il faut donner envie, faire comprendre que chacun compte. Chacun est bienvenu tel qu'il est .
Fella
est née en Algérie. Elle est arrivée à l'âge de 8 ans en France . Passionnée par le cinéma, elle se projette dans les personnages qu'elle voit à la télévision et les incarne pendant un à plusieurs jours, c'est dire si elle aime jouer. Un stage au Zef l'ouvre au théâtre. Après le collège, elle choisit un lycée éloigné de son domicile mais qui lui permet de garder une option théâtre. Là, elle est la seule qui vient des quartiers nord. Les autres ont une pratique du jeu depuis l'enfance. Elle a peur d'être ridicule, qu’on lui dise " ce n'est pas ton truc" Elle ne sent pas légitime, mais petit à petit découvre qu'elle n'est pas si nulle que ça, que l'on peut lui faire confiance pour des rôles plus importants que le frère mort d'Antigone. Elle est encouragée par un professeur de français qui a des amis qui font passer une audition. Elle est stressée mais elle y va. Elle est sélectionnée et sera intégrée dans le groupe miroir d'Alexis Moatti et Carole Costantini. Depuis 2023, ce groupe réunit une vingtaine de jeunes de 15 à 20 ans et multiplie les pratiques théâtrales, les rencontres avec des artistes. Les metteurs en scène ont volontairement déstabilisé Fella afin de lui permettre d'améliorer son jeu. Dans le feu de l'action elle a senti que les différences de classe pouvaient s'effacer. Pluridisciplinaire et tenant à le rester, Fella a été admise à l'école de la Ciné- Fabrique. Elle s'est ainsi intéressé à l'écriture de scénario et au montage. A Marseille, il y a plein d'endroits où elle sent l'Algérie. Ici toutes les nationalités ont leur place. Marseille, c'est le chez soi de tout le monde.
A quoi sert le théâtre s'il ne parle pas à tout le monde ?
" Manifeste Rien" est un collectif de théâtre donnant une importance de premier plan aux sciences humaines Il a été créé par la comédienne, metteuse en scène, Virginie Aimone et l’auteur, metteur en scène Jérémy Beschon. Depuis sa création, le collectif est convaincu que la culture est un facteur de lien social et d'éducation. Il travaille à rassembler des populations d'âge, de milieux sociaux et d'origines diverses autour de l'art et des sciences, dans un souci de partage, d’égalité, d’excellence. Par-dessus tout le collectif entend s'exprimer et laisser s'exprimer les publics sur les questions qui les préoccupent :
- Comment comprendre la société dans laquelle nous vivons ?
- Sommes-nous, condamnés à subir la domination des puissants avec les discriminations et inégalités, qui lui sont inhérentes ?
- La culture telle quelle est conçue peut-elle constituer un outil d'émancipation ?
Première réponse de Virginie Aimone : s'intéresser aux gens.
"On ne peut pas demander aux gens de s'intéresser à nous si on ne s'intéresse pas à eux. Ça demande du temps"
Ouvrir les portes d'un théâtre c'est aussi franchir une barrière symbolique. "Il faut les péter."
La réalité qu'elle soit celle du colonialisme, de la lutte des classes, du racisme ou des violences sexuelles est complexe. Cette complexité, certains s'abritent derrière pour que rien ne bouge, D'autres, les chercheurs passionnés et compétents la décryptent à travers livres, mémoires, etc Ils ont littéralement l'intelligence du réel. Ceux qui les lisent, les apprécient à leur juste valeur. Ceux qui ne les lisent pas parce qu'ils pensent que les livres ne sont pas faits pour eux, qu'ils n'ont rien à voir avec leur quotidien, leurs émotions, sont-ils pour autant condamnés à subir?
Virginie Aimone et Jeremy Beschon disent non. Les livres aussi puissants soient-ils n'ont pas de corps, de chair. Alors, ils décident de travailler avec des chercheurs, ceux qui apportent des analyses autorisant à avoir une vision critique du vécu. Leurs talents mêlés pourront passer la rampe, à condition de créer un accompagnement émotionnel rapprochant le public de la création produite. Des ateliers conçus à leur intention sont donc organisés avant et après chaque spectacle. Il ont trois objectifs :
- accompagner voire expliciter la pièce de théâtre
- développer une réflexion critique sur les sujets d'actualité traités.
- produire une réflexion commune sur les thèmes traités.
Ainsi "la domination masculine" adaptée du livre au titre éponyme de Pierre Bourdieu avec la collaboration de Tassadit Yacine. L'objectif est moins de torpiller la domination des males en mettant mal à l'aise les jeunes générations, que d'en comprendre historiquement les ressorts et de démontrer que le jeune homme qui se voit dans l'obligation de ne jamais montrer sa faiblesse n'a sur le fond rien à y gagner. Les ateliers abordent en toute liberté les problèmes, de sexe, de genre, on peut rire sans se moquer, on peut parler ensemble, créer de la confiance du lien.
Allèssi del Umbria a écrit une volumineuse et érudite "Histoire universelle de Marseille" démontrant que les grandes villes du moyen âge, les communes, par leur organisation politique et culturelle avaient inspiré les mouvements populaires dont la Révolution française est issue. Notre démocratie doit tout à la commune située à la base de la société et non à l'état, en surplomb. Le collectif Manifeste Rien en a fait un spectacle. Ainsi les idées sont incarnées. L'important pour chacun est de pouvoir se situer, trouver des repères. A Première vue la réalité de la colonisation de l'Algérie permettant entre autres sévices au général Bugeaud d'enfumer une population refugiée au fond d'une grotte, n'a rien à voir avec la crise des Gilets Jaunes. Et pourtant ,Virgine Aimone assise dans un café assiste à une charge de police contre les manifestants. Les policiers pénètrent dans le café y lancent des grenades lacrymogènes qui agressent, étouffent les clients assis tranquillement dans l’établissement. Le théâtre se nourrit de la vie dans ce qu'elle a de plus beau mais aussi de plus sombre, de plus révoltant. Ainsi La pièce "Fadhma & Louise- 1871, le cri des peuples" retrace le parcours et la rencontre en exil de deux militantes révolutionnaires Fadhma N'Soumer pour l'insurrection algérienne et Louise Michel pour la Commune de Paris. La poésie, l'écriture théâtrale, la musique éclairent sous un jour aussi contemporain, politique, qu'intime, un combat social qui s'inscrit dans la nécessité d'une transformation profonde affective, culturelle et sexuelle. Ces deux femmes sont aussi les sœurs des féministes d'aujourd'hui. Encore une fois il est démontré qu'en mettant en perspective des évènements on se donne la possibilité de dégager un point commun majeur : la réalité de l'oppression. Revisiter l'histoire en établissant des liens, donne les moyens à chacun de remettre en question les rapports de domination. La compagnie a produit, en collaboration avec l'historien Gérard Noiriel, une pièce sur "Le massacre des Italiens" à Aigues Mortes dans le Gard en 1893. Le battage et le levage du sel dans les Salines d'Aigues -Mortes fait appel à chaque saison à des ouvriers venant de l'Ardèche et du Piémont, ainsi qu'à des trimards sans domicile fixe et sans emploi. Le 16 Aout 1893 une bagarre éclate entre les Piémontais et les Ardéchois. Les Piémontais sont plus forts, plus musclés et leur rendement est meilleur. Il se plaignent d'être associés à des ouvriers qui les ralentissent. L'écho de la bagarre parvient aux oreilles des habitants. Le bruit court qu'il y aurait eu un mort. la foule ameutée crie vengeance et s'attaque aux Piémontais. Bilan officiel 8 morts. Officieusement des sources différentes parlent de 50 et même de 150 morts. Le contexte est celui d'une crise économique, s’ajoutant à des conditions de travail et d'habitat très dures. Par ailleurs la France est en conflit avec l’Italie alliée à l’Allemagne-Autriche- Hongrie. La Presse est en mutation, elle devient progressivement d'envergure nationale, donc de plus en plus influente. Avant même ce massacre, la France qui manque de main-d’œuvre fait appel aux travailleurs italiens qui sont mal vus et déjà objet de racisme. La médiatisation de la bagarre a transformé le conflit Péiemontais/ Ardéchois en un conflit Italo- français dans un contexte politique déjà très tendu. Ainsi la pièce nous ouvre les yeux sur une mécanique raciste où la réalité d'intérêts économiques divergents est masquée par une construction identitaire avalisée et amplifiée par le bruit médiatique. Le collectif a également travaillé avec Benjamin Stora, Anne Saouter, Jean Pierre Garnier, Said Bouamama, Tassidit Yacine.
Savoir où aller
La Base
à Marseille l'écologie a une adresse
Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à avoir conscience de l'importance fondamentale des enjeux et choix de société permettant de faire face à la transition écologique, mais trop souvent les réponses à ces questions fondamentales sont portées par tellement d'acteurs différents que beaucoup de bonnes volontés ont les plus grandes difficultés à passer à l'acte. Les habitants de Marseille ont la chance depuis 2020 de disposer d'un lieu exceptionnel " La Base " où curieux, militants, citoyens plus ou moins politisés, habitants du quartier des Chartreux peuvent se retrouver sur un terrain aussi ouvert que bienveillant pour faire face aux défis écologiques et sociaux. A la Base règne tant la diversité que la volonté de transformer la société, déjà en mettant en place une organisation égalitaire, démocratique où les bénévoles assurent à tour de rôle les taches du quotidien et de l'accueil. Plus de 120 collectifs et associations sont domiciliées à la Base, Parmi elles on retrouve :
A ï o l i b r e, A l t e r n a t i b a, l e s A m is d e l a T e r r e , E x t i n c t i o n R é b e l l i o n, l a F r e s q u e du C l i m a t, G r e e n p e a c e ,
l e s G i l e t s J a u n e s , M a r s e i l l e e n T r a n s i t i o n , l e s P a n i e r s d e M a x i m e ( m a r a î c h e r ) L a R o u e M a r s e i l l a i se R é s e a u S a l a r i a t , S t o p C r o i s i è r e s , l e T h é â t r e d e l ’ O p p r i m é , T r a n s a t , V é l o c è n e et Zéro W a s t e .
Les 200m2 de l'espace offrent des salles de débats, ateliers conférences. Le prix payé pour une réservation de salle varie en fonction des moyens du collectif. La solidarité et des relations conviviales impliquent les habitants du quartier. Tous les dimanche un collectif Cuisine prépare un repas à leur intention. La Base est un lieu solidaire, prospectif de brassage et d'expérimentation. Marie Bonichon qui nous a accueilli fait partie des 60 bénévoles qui assurent à tour de rôle le fonctionnement de la Base. Comme beaucoup ,Marie s'investit dans l'activité de plusieurs associations, ainsi "La Fresque du climat" association qui par le jeu veut accélérer la prise en charge par le plus grand nombre des enjeux climatiques, "Yes we give " que Marie a créé oriente les donateurs potentiels vers des associations dont la fiabilité est assurée, "Samedi bien", un collectif initié par Tharik Ghézali de "La Fabrique du nous", où chacun a la possibilité de s'investir pendant quelques heures pour préserver la qualité de vie de son quartier. "L'atelier 2 tonnes" qui a pour ambition de donner aux individus et aux organisations les moyens de comprendre comment agir et contribuer à une transition réaliste et inspirante qui assurera un monde plus juste et sûr. A la différence d'un passé où militer pouvait impliquer le sacrifice de sa personne, un lieu comme La Base et les activités qui gravitent autour sont synonymes d'épanouissement. " La joie militante est la meilleure énergie pour résister et le rire pour dénoncer" assure la chanteuse Gwen.
Pour les entrepreneurs des quartiers Nord:
Le Carburateur
La réalité des quartiers nord de Marseille est plutôt celle de l'abandon que de la protection. A lire les médias, chômeurs, cas sociaux voire cas psychologiques graves côtoient dealers et baby gangs. Ainsi, on a beau jeu d'oublier ou de passer sous silence la démarche de nombreux jeunes qui veulent s'en sortir et qui ont donc le courage de vouloir créer leur entreprise, conscients ou non que c'est par l'activité économique et en particulier par la création d'emploi que l'on apportera des solutions pérennes aux problèmes sociaux. Malheureusement cette démarche volontariste s'est heurtée à un cumul d'obstacles : beaucoup d'autodidactes sans diplôme et surtout sans mode d'emploi ne savent pas à qui s'adresser pour pérenniser leur projet, d'autant que la multiplicité des expertises et conseils requis n'a d'égal que leur dispersion. Résultat, un gâchis incroyable avec une majorité de projets en échec au bout d'un à deux ans d'exercice. L'analyse de la situation a amené les pouvoirs publics à créer un lieu dédié aux entrepreneurs des quartiers nord, une sorte de guichet unique où les porteurs de projet et les jeunes entreprises pourront trouver, conseils, expertises, apport de connaissances, accompagnement, partage de réseaux. en fonction de leur besoins et de leur volonté. Au Carburateur toute demande individuelle fait l'objet d'un diagnostic gratuit, en introduction à la consultation également gratuite des experts et conseillers qui débouche sur la création d'une nouvelle entreprise ou la consolidation d'une activité existante. Le Carburateur dispose également d'ateliers de production ouverts pendant trois ans aux nouvelles entreprises moyennant un loyer très modéré. Au bout de la ligne de métro, station capitaine Gèze,10 à 15 minutes de marche sur le chemin de la Madrague- ville avant d'arriver au 211. Une rue de petits immeubles plutôt délabrés, de nombreux commerces fermés et puis soudain s'impose à la vue une architecture moderne, spacieuse, accueillante : Le Carburateur.Ici l'architecture est totalement au service d'une volonté d'échanges et de solidarité. Coursives et terrasses facilitent les rencontres. Porteurs de projets et nouveaux entrepreneurs ne peuvent que mettre leurs expériences, succès comme échecs au service des autres. Ils sont donc à égalité avec " les sachants", source de progrès, de créativité, de mouvement. Le Carburateur est au service d'une dynamique où il est prouvé que l'acceptation de l'autre est source d'enrichissement réciproque. Chacun parle à tous. la rencontre avec Muriel Bernard Raymond la directrice du Carburateur est à l'image d'une mission où l'ouverture aux autres, la mise à profit de conseils, ne cesse de prouver que la coopération entre humains est porteuse autant d'efficience que de joie et bien-être. Le Carburateur est au cœur d'une dynamique de territoire couvrant la ZFU nord, la ZFU 14, 15, sud soit plus de 6000 entreprises et de nouvelles implantations en croissance continue. Si le malaise social et politique est une des constantes de notre société, le succès du Carburateur prouve que loin d'une fatalité de circonstance, une politique volontariste dotée de moyens, compétences et d'ouverture bienveillante à l'autre a les plus grandes chances de réussir.
Le bar-restaurant le Foyer du peuple 50 rue Brandis.
A Marseille l'entre-aide, la solidarité, la laïcité, la culture , l'éducation , la convivialité, l'humanisme se retrouvent volontiers au Foyer du peuple.
Interrogeant Internet lors de la préparation de ce reportage à Marseille, je tombe sur le Foyer du peuple. Intrigué je téléphone au responsable Guy Delanoix qui m'accueille chaleureusement en m'expliquant déjà que le foyer est un lieu de convergence pour tous ceux pour qui la solidarité est un véritable art de vivre, une priorité donnée à l'humain. Guy me propose une date, en se chargeant de réunir autour de la table les responsables des différentes associations et activités représentées dont le Secours populaire. Le quartier qui abrite plusieurs universités et établissements de santé, était dans le années 50 un quartier ouvrier. Les travailleurs allaient à l'usine, ainsi les ateliers des aciéries du Nord, là où ils habitaient. Cette proximité entre le lieu de travail et l'habitat facilitait grandement les relations, discussions et débats autour des organisations syndicales et du parti communiste. Il y avait là un concentré de ce qu'une famille politique pouvait offrir de mieux à tous ceux qui entendaient vivre au plus haut point d'intensité la générosité d'un engagement visant la transformation de la société et une convivialité locale constituant un lien solide entre des êtres humains différents, complémentaires et toujours soucieux d'élever le niveau de chacun comme de tous.Le Foyer du peuple de Marseille est des rares lieux à l'intersection vivante de deux époques La première correspond à une France en reconstruction après la deuxième guerre mondiale. Sous l'impulsion du parti communiste, la classe ouvrière défend les droits des travailleurs et par la formation, l'apprentissage de la culture, la solidarité avec tous les combats contre l'oppression et l'exploitation, elle porte au plus haut la dignité comme l'excellence populaire. Face au combat idéologique mené par la bourgeoisie et ses alliés, les communistes démontrent qu'on ne peut pas gagner totalement une bataille si on n'a pas la maitrise des mots. Cette période d'un Marseille ouvrier et solidaire n'est plus d'actualité. Le Foyer du peuple serait-il désormais le lieu où les militants du passé cultivent leur nostalgie? Certainement pas. Ici l'entre-aide, toutes appartenances confondues est bien vivante. L'aide alimentaire avant, pendant et après le Covid en assume une forte part. Le Secours populaire issu du Secours rouge, avec ses 4200 bénévoles sur le département est en pointe, tant pour la distribution alimentaire que pour créer des opportunités culturelles. Les collectifs et associations réunis au Foyer du peuple ont des activités des plus diversifiées ainsi: l'Useca Union sportive et culturelle des 4eme,5eme, et 10éme arrondissement, assure l'aide aux enfants, la mutuelle Solimut des activités de prévention. Elle a créé des centres de santé sans doute les premiers à proposer une prise en charge assurée par une équipe de médecins donnant la priorité au bien-être de la personne, avant toute considération financière, Le Foyer organise la fête de la musique du quartier et du14 juillet. Les artisans du monde sont également là. Les ateliers pour la promotion du logiciel libre sont ici très actifs, l'usage de l'informatique devant sans restriction d'ordre économique être à la portée de tous. Le Foyer du peuple accompagne l'agriculture paysanne et biologique et promeut les circuits courts producteur/consommateur. Le Foyer situé au 50 rue Brandis avec son bar, sa salle de café, sa terrasse et ses salles de réunion est un lieu unique où l'intimité, la prise en compte de l'autre ne cessent de se confronter aux tragédies et avancées de la planète. Le Foyer est lieu de rencontre où la bienveillance comme la lucidité font front commun. Ainsi un petit café bar, restaurant enraciné dans son quartier peut en toute modestie et simplicité pénétrer l'universalité du monde, tant dans son imaginaire poétique que dans son quotidien.
Un lieu dédié aux arts de la rue
La Cité des arts de la rue située dans les quartiers nord de Marseille aux Aygalades se trouve au 225 avenue Ibrahim Ali. Ibrahim Ali jeune musicien de 17 ans a été assassiné par un colleur d'affiche du front national le 21 février 1995. L'attribution d'un nom de rue, 26 ans après son meurtre est la résultante d'un long combat pour la reconnaissance d'un crime raciste. Cette précision permet déjà de saisir à quel point l'adresse de la cité est chargée de sens. Cet espace couvre 36000 m2 dont 11000m2 de bâtiments.Créée en 2013 la Cité accueille une dizaine de structures créatives autonomes. La Cité dans sa vocation première est considérée comme un laboratoire créatif de production de spectacles assurés par des artistes professionnels. Le rapprochement et intégration dans le groupe "Lieux publics" travaillant à l'échelle nationale et internationale va changer la donne et surtout la nomination d'un nouveau directeur, Alexis Nys, va témoigner d'une nouvelle ambition. Ce dernier s'est déjà investi pendant plus de dix ans en île de France dans une démarche d'enracinement des initiatives créatives en collaboration étroite avec toutes les structures locales travaillant dans le domaine culturel et socio-éducatif. Ainsi les fêtes de quartier, un marché de produits alimentaires bio, etc... Comme Alexis Nys le précise il s'agit de pratiquer une politique de l'hospitalité ouverte aux initiatives d'un public considéré comme un acteur d'un projet exigeant reliant chacun à lui-même comme aux autres, sur un territoire connu mais toujours à redécouvrir. La mise en avant de l'hospitalité comme clé de voute d'une approche des relations sociales privilégiant la coopération et la convivialité plutôt que les rapports de force et une concurrence acharnée n'est pas l'apanage exclusif de la Cité des arts de la rue. Sur le plan de la réflexion comme de la mise en pratique, le réseau hospitalité de Jean -Pierre Cavalié a déjà beaucoup apporté (6). Par ailleurs des assises de l'hospitalité doivent se tenir à Marseille au printemps prochain. A tous les niveaux il s'agit de décloisonner tant les pratiques que les différents quartiers dont celui de la Viste. L'idée est de créer un espace public traversant et végétalisé. Le ruisseau des Aygalades jusqu'à sa cascade a fait l'objet de travaux menés par des chantiers d'insertion Tout au long du parcours des mécanismes créatifs peuvent être actionnés. des manèges ont été également construits et utilisés une première fois pour le spectacle "Jour de fête" lors du passage à Marseille de la flamme olympique. La vision d'aménagement sur le moyen et long terme ne pouvait s'inscrire dans les faits sans une assurance de stabilité assurant la pérennité de la démarche. C'est ce qu'a bien compris la municipalité en concédant à la Cité un bail emphytéotique sur l'espace public.
Contributions à la souveraineté populaire
Face aux rouleaux compresseurs qui ne cessent d'affirmer que la supériorité de ceux d'en haut a pour corollaire naturel l'infériorité de ceux d'en bas, le combat d'individus, de groupes qui mettent toutes leurs forces, leur intelligence, comme leur amour de l'autre à démontrer l'inadéquation de cette vision du monde est aussi réjouissant que vital. Ce qui augmente chacun affirme la noblesse de notre humanité. Ce qui diminue le plus grand nombre est une atteinte insupportable à la dignité de tous.
Vincent Beer Demandeur
Il est explorateur, catalyseur, explosion tranquille des cadres établis, amour de la vie dans le plus généreux partage. D'autres seraient fondés à dire qu'il est une star mondiale de la mandoline, compositeur chef d'orchestre, professeur, il est celui qui reçoit beaucoup parce qu'il donne énormément. Vincent Beer nait à Toulouse dans une famille nombreuse, sans grands moyens, ouverte à l'éducation populaire. Il a 8 ans quand Francis Morello, un chef d'orchestre grand pédagogue visite sa classe et propose à qui veut de suivre l'apprentissage de la mandoline. C'est gratuit et Vincent lève le doigt. Au bout d'un an il en a assez, mais Francis Morello ne le lâche pas, Il deviendra ami avec son petit fils guitariste qui sera comme un frère pour lui. Lorsqu'il débarque à Marseille en 1999, il tombe amoureux de la ville. Marseille terre d'immigration italienne jusques dans les années 50 disposait d'un orchestre de mandolines dans chaque quartier de la ville. En France il est de bon ton de séparer musique savante et musique populaire. Les États-Unis, l'Amérique Latine ne sont pas dans cette option clivante. VBD prend autant de plaisir à travailler sur les deux pôles, sachant que les musiques populaires ont toujours inspiré les grands compositeurs. Il sait aussi ce qu'il doit aux amateurs qui l'ont formé. Un amateur c'est d'abord quelqu'un qui aime et fait aimer. La musique est aussi acceptation du corps de ses mouvements comme de ses émotions. La sensualité étant également une source de connaissance. Si certains sont nés pour s'opposer, séparer, d'autres comme VBD ont le goût et le talent de réunir. Il accepte pendant le Covid d'organiser un stage pour des enfants qui ne peuvent partir en vacances. A partir de là une école lui adresse une demande similaire ,puis une autre. Professeur dans un conservatoire qui a ouvert la première classe de mandoline en France, VBD prend appui sur ce terreau pour créer dans les quartiers les plus déshérités l'orchestre de mandoline des minots de Marseille. Jean Vilar travaillait à ce que soit reconnu l'élitisme populaire, dans sa lignée VBD prône l'élitisme pour tous. Lui sait qu'en déchiffrant une nouvelle œuvre avec ses élèves et en oubliant que c'est lui le maître, ces derniers seront aussi capables que lui, d'apporter un regard innovant et constructif sur le travail en cours et parfois de le devancer. VBD est-il un opportuniste ? Sûrement pas dans le sens que l'on donne le plus souvent à ce terme. Son sens de l'opportunité s'inscrit dans une éthique de synergie,de ré-union, là où tout ce qui peut concourir à enrichir individus et collectivités doit être pris en compte pour tenter d'atteindre une excellence partagée. Ainsi la musique est bien une invitation à la danse, à la vie. Le 18 Janvier, salle Gaveau à Paris, VBD avec l'ensemble classique 1001 notes, dialoguait avec le rappeur Dooz Kawa. Harpe, violons, mandoline, batterie et voix inventaient une musique ouverte où mélodie d'ailleurs et cri contemporain étaient à l'unisson d'une liberté magique,appréciée par une jeunesse en quête de découverte .
La Busserine ou la résistance heureuse
Le quartier et la cité de la Busserine sont au cœur des quartiers nord, terres que les pouvoirs successifs ont voulu le plus éloignées du centre-ville tant par les moyens de transports, les services, que les financements alloués. Sont -ils pour autant une terre de relégation, une prison à ciel ouvert où le seul trait d'union entre les habitants serait la discrimination ? Sébastien Fournier professeur des écoles, enseignant depuis plus de vingt ans à l'école de la Busserine a accepté de réunir quelques habitants au centre social Agora , pour nous permettre de mieux connaitre le quartier. C'est ici à la Busserine qu'ont été construites les premières cités de la ville. La plupart des premiers habitants disposaient d'une culture politique et syndicale les amenant à argumenter, débattre et à faire front face aux injustices et tentatives de les soumettre. Cette capacité à être ensemble tant pour manifester contre une injustice que pour innover, proposer a irrigué la vie d'une génération et s'est transmise à ses enfants. Dans ce quartier comme dans d'autres, le racisme, les discriminations mais aussi le trafic et la consommation de drogue ont posé problème. Plutôt que d'en rester à des réactions individuelles les habitants de la Busserine se sont longuement concertés et ont créé une structure d'alerte permettant de faire face aux évènements affectant la vie du quartier. Depuis 2016 cette prise en charge collective a prouvé son efficacité. Une charte a été rédigée encadrant les relations avec les institutions. Militants, syndicalistes, éducateurs, parents, professeurs ont par les actions menées sur le terrain, les fête, apporté la preuve que la générosité, l'imagination en mouvement, la solidarité, au-delà de la défense du statut de chacun, les nourrissait de façon unique. Cette joie à vivre ensemble, cette capacité à faire face aux injustices, inégalités et discriminations, impossible de la retrouver ailleurs. Ceux qui ont tenté l'aventure sont revenus à la Busserine, même après la retraite. Ici on crée des projets ensemble, on expérimente; on fait appel sans préjugé à la capacité de chacun à éprouver des émotions artistiques. Ainsi les blocages d'enfants refusant d'apprendre à lire par les méthodes traditionnelles peuvent disparaitre. Ces derniers peuvent avoir le plus grand mal à sortir du quartier en essuyant les regards désapprobateurs des passants. A contrario, être membre d'une chorale ou jouer dans une pièce de théâtre appréciée permet d'être reconnu, d'accéder à une légitimité que l'appartenance à un quartier stigmatisé interdit à priori. Avoir des projets en commun donne une force incomparable, une énergie permettant de résister sans céder au découragement face aux discriminations et injustices vécues.
Ph'art et balises
Plutôt créer qu'être Assigné
Il existe un récit national destiné à servir de miroir et de moteur à un peuple qui y trouve sa légitimité. Malheureusement tous les jeunes issus de la diversité et qui ont la volonté d'être inclus dans ce récit en y apportant leur contribution originale se voient systématiquement refoulés. Pas tout à fait blancs, pas issus des classes dominantes, ils sont assignés à tenir des rôles conformes aux préjugés ambiants soit : délinquants, femmes ou hommes de ménage, vigiles, manœuvres, etc... Ces représentations en héritage direct de la colonisation ne sont pas acceptables pour qui veut que le récit national s'enrichisse de l'apport des différentes cultures contribuant à une histoire en train de se faire, là où chacun est fondé à trouver sa légitimité. Cette situation n'est pas seulement dommageable pour ceux qui en sont les victimes directes, elle appauvrit une communauté nationale qui voudrait aller de l'avant en refusant discriminations, exclusions et mépris. L'association Ph'Art et balises animée par Yasmina er Rafass est de ceux-là. Elle veut offrir un espace de création sécurisé à une jeunesse issue de la diversité qui a vocation à raconter sa propre histoire en symbiose avec les différents récits qui enrichissent le roman national. L'association propose ateliers, stages, apprentissages, contact avec des professionnels aux jeunes qui n'ont pas eu une formation diplômante dans les domaines du cinéma formation acteurs et réalisation), théâtre, musique. Les jeunes font parte d'un groupe où ils peuvent échanger, s'encourager. Ph'Art et balises organise des concerts, conçoit des spectacles tel que Moovida le 15 mai 2025 à la Belle de Mai. L'association accompagne les jeunes dont elle a conforté la démarche jusqu’aux écoles spécialisées leur permettant de devenir des professionnels reconnus. Ainsi Hannil Ghilas qui a reçu de nombreux prix pour son court métrage "Merlich, Merlich.
La réserve citoyenne de Marseille pour le nouveau front populaire
La Réserve citoyenne du Front pop’ - Marseille est un collectif ouvert, politique et citoyen, constitué de Marseillais·es qui agissent pour obtenir des victoires sociales, démocratiques, égalitaires et écologiques. Nous voulons améliorer la vie des gens, transformer la société et prendre soin du vivant au sens large. Nous nous opposons fermement à l’idéologie mortifère de l’extrême droite. Nous voulons sortir du système néolibéral et destructeur qui domine le monde. Nous proposons un espace pour que chacun·e puisse s’investir politiquement, à son échelle et à sa façon, dans son quartier et sa ville : une « réserve citoyenne » pour faire gagner les idées de gauche. Nous nommons ce document " Manifeste vivant"
9 Juin 2024, la liste du RN arrive en tête des élections européennes avec 31,36% des suffrages. La majorité présidentielle en deuxième position avec 14,6% Le PS 13,83%. Le président Macron décide de dissoudre l'assemblée nationale. Séisme. Le premier tour des législatives aura lieu les 29 et 30 juin, le second les 6 et 7 Juillet. L’extrême droite est au bord du pouvoir. Les rapports de forces sanctionnés par les urnes lui sont d'autant plus favorables que la gauche est désunie et une partie de la droite prête à se joindre au RN. C'était sans compter sur l'impact de ce coup de semonce sur les électeurs. Au pied du mur ou plutôt de l'abime, la gauche décide de s'unir et de présenter un programme qui sera celui du nouveau Font populaire. La référence historique est porteuse d'autant que le programme est sans ambiguïté en faveur des classes populaires. Il faut aller vite et répondre aux attentes de tous ceux ne veulent pas de l'extrême droite au pouvoir. A Marseille autour de Kevin Vacher sociologue et militant contre le mal logement, est créée sans délai "La Réserve citoyenne de Marseille. Face au péril d'extrême droite la Réserve citoyenne ne privilégie aucune appartenance politicienne. Elle parle à chacun comme à tous, citoyens ouverts aux valeurs de gauche, mais refusant de s'enrôler derrière la bannière d'un parti. En quelques jours à partir de boucles Whats' app, les premiers résultats sont sidérants. En moins d'une semaine plus de 4000 citoyens, citoyennes répondent à l'appel, mille ont vraiment été sur le terrain, d'accord pour faire du porte à porte, pour tracter, afficher, concevoir des argumentaires et surtout parler à tout le monde écouter tout le monde. Ils ne sont pas seulement là pour empêcher le RN de remporter les élections mais aussi pour comprendre pourquoi il n'a cessé de grimper depuis plusieurs décennies et comment faire face. Alors, que leur interlocuteur soit un partisan affirmé de l'extrême droite, un indécis ou même un individu pensant que voter ne sert à rien, il est indispensable d'engager le dialogue, sans pour autant oublier de donner de bonnes raisons, à ceux qui veulent bien les entendre, de ne pas voter pour un parti qui travaille contre les intérêts de la majorité des citoyens de ce pays. Le fait que la plupart des militants de la réserve citoyenne soient des néophytes de la politique a été positif. Leur sincérité, leur ouverture d'esprit, hors de tout formatage a joué en faveur de la cause qu'ils défendaient. Organisés par groupe ils ont essaimé dans tous les quartiers de Marseille . Des militants du centre-ville comme Julia ont dialogué sans problème avec les habitants du nord.Anaïs dans le 8ème a tracté pour la première fois de sa vie avec enthousiasme. L'idée étant de faire remonter les envies des citoyens, de discuter de leur vie, de leurs problèmes, de leurs souhaits, bref de comprendre les gens. En plus des réunions de militants et de la présence active sur les réseaux sociaux ont été mis sur pied des mee ting mi-teuf, histoire de ne jamais oublier que vivre ensemble, c'est aussi faire la fête ensemble. Les actions à la fois déterminées et très ouvertes de la Réserve, comme d'autres groupes dans d'autres régions ont été porteuses d'une dynamique inédite. Au second tour des élections législatives, le Nouveau Front populaire est arrivé en tête. Cette victoire relative est en soi un énorme succès. Malgré une conjoncture défavorable et un raidissement insensé du pouvoir, elle est riche d'enseignements et donc un encouragement pour les prochains combats. La Réserve Citoyenne se mobilise pour une citoyenneté active et inclusive allant bien au- delà des échéances électorales. Elle a donc mis sur pied un manifeste s'adressant de façon non partisane à tous les citoyens soucieux du respect des valeurs d'égalité et de justice sociale. Des actions de formation seront proposées afin de permettre à tous de dialoguer face défis et enjeux politiques et sociaux. Un événement est prévu dans les prochains mois pour rassembler tous ceux qui préfèrent agir plutôt que se résigner.
Faire Bouger les territoires
A défaut de déplacer les territoires, il serait stimulant d'oublier les préjugés que chacun peut avoir, en permettant aux habitants des quartiers qui s'ignorent de se rencontrer et de dialoguer. A cultiver, sans forcément en être conscient, l'entre-soi, nous en venons à privilégier, voire à être en contact uniquement avec ceux qui nous ressemblent, en tenant de plus en plus à distance ceux qui nous semblent différents. Moi je suis quelqu'un de bien, je me connais, alors que l'autre ne peut apporter que du négatif. Ainsi nous oublions que moi aussi je suis un autre pour tous ceux qui ne sont pas moi et donc portés à se méfier de tout ce qui est différent. Hors une société qui refuse l'altérité ne peut que s'appauvrir, privilégier le déterminisme social et à terme le refus de la démocratie. Marseille, ville fracturée mais profondément ville monde, a tous les atouts nécessaires pour s'ouvrir au mélange des traditions et civilisations. C'est du mélange qu'émerge une créativité individuelle et collective produit de la rencontre et confrontation de points de vue différents. "La Fabrique du nous", "Citizen corps" et "Rock corps" dont est issue cette dernière association travaillent souvent ensemble et ont pris acte du fait qu’à Marseille, l'habitat a été conçu de telle sorte qu'il produit de la ségrégation sociale. Il est donc nécessaire d'inventer d'autres solutions pour favoriser une mixité qui objectivement fait défaut. L'écart se creuse entre les différents Marseille comme le souligne Tarik Ghézali initiateur de nombreuses associations dont "La Fabrique du Nous". Constat : à Marseille, ville de la Méditerranée, la majorité des enfants des quartiers populaires, ne disposant pas de piscines, ne savent pas nager. Plutôt que de stigmatiser les riches des quartiers sud qui disposent de piscines, l'association a parié sur leur générosité et bonne volonté. Cette option s'est avérée positive, plus de 300 enfants ont pu ainsi apprendre nager. Avec "Citizen corps" association qui accompagne et valorise l'apprentissage des jeunes a été mise en place l'opération "Le Grand Bain". Depuis plus de trois ans des professeurs des écoles du sud et du nord accompagnés de leur classe se rencontrent, se visitent apprennent à se connaitre, à travailler et jouer ensemble, au moins quatre fois par an. Les enfants font visiter leur quartier à ceux de l'autre quartier. Les professeurs qui se plaignent d'être livrés à eux -même, quelque peu abandonnés par les pouvoirs publics, trouvent ici un soutien. Hors de toute verticalité, ils peuvent dialoguer entre eux et avec l'association qui pilote l'opération. Ils trouvent là une dynamique qui leur redonne le moral en leur permettant de partager une expérience aussi généreuse que productive. D'autres opérations innovantes sont initiées par "la Fabrique du nous" en association avec plusieurs structures. Ainsi " Samedi bien" Ici chacun accepte un samedi par mois de donner deux heures à l'amélioration de la vie de son quartier. Avec "l'assemblée citoyenne du futur" les citoyens sont amenés, après plusieurs tirages au sort, à devenir acteurs de l'avenir de leur cité en particulier en faisant des propositions concrètes sur la transition écologique et sociale. Avec "les murs ont des oreilles" il s'agit de rompre deux solitudes et rejets. D'un côté sont mobilisés des seniors, Ils sont au moins 500 000 en état de mort sociale et de l'autre côté des détenus, dont 60% n'ont pas de contact avec l'extérieur. Maintenant ils peuvent échanger, se téléphoner à partir du centre d'appel de la prison de Nantes. La majorité des collaborateurs travaillant avec Marion Chapulut de "Citizen corp" sont issus de "Rock corps", cette association s'appuyant sur le goût des jeunes pour la musique, leur propose de les inviter à un concert en échange de 4 heures de contribution à un projet citoyen. Cette approche prend acte du fait que les générations d'aujourd'hui nourries de réseaux sociaux sont très loin du concept d'engagement en phase avec les générations des années 60/ 70. Cette distance culturelle ne peut être assimilée à un refus. Elle est plutôt le constat d'une inadéquation entre la formulation ou conception d'une offre et la possibilité d'une réponse positive. Comment pourrais-je savoir si je suis intéressé si on me parle une langue que je ne comprends pas ? Par contre si on se situe dans mon univers, je peux prendre le risque de m'aventurer ailleurs en échange de la satisfaction de mes envies. Le retour au troc peut paraitre à certains archaïque, mais dans une période de recomposition, vue également comme une perte de repères, il présente l'avantage de mettre en avant une proposition aussi concrète que claire, sans avoir besoin de faire référence à la philosophie humaniste qui sous-tend l'opération. Ici encore, la primauté donnée à l'expérience terrain ouvre le champ du possible. Ainsi de nombreux jeunes ont pu satisfaire leur goût pour la musique et découvrir par eux même, hors de tout paternalisme, ce que la solidarité pouvait concrètement avoir d'enrichissant. Aucun prêchi-prêcha sur le sujet n'aurait pu les amener au même résultat. Ainsi les associations sont tout à fait fondées à penser que de nombreuses bonnes volontés seraient disposées à donner de leur temps et énergie pour aider leurs prochains, mais ne savent ni où aller ni comment faire.Face au vieillissement généralisé des animateurs d'associations et à la nécessité de mieux partager les biens matériels et culturels dont nous disposons, il serait sans doute d'un grand profit de mener sur l'aide et la solidarité une réflexion qui renouvelle et stimule l'envie que l'on pourrait avoir d'aider son prochain. Loin d'être incompatibles enrichissement de soi et des autres devraient apparaitre comme complémentaires.
François Bernheim
francoisbernheim32@gmail.com
Merci à mes amis de Marseille, comme à ceux qui connaissent bien cette ville de réagir à cet article
Depuis environ dix ans je viens et reviens à Marseille. Je rencontre des femmes et des hommes qui me bouleversent. Leurs pieds foulent le sol de la ville, leur cœur et leur énergie, leur générosité racontent une histoire où ce qu'ils ont dans le ventre rencontre une épopée du soleil et de la solidarité. Personne ici ne prétend être le modèle de quoi que ce soit. Face au mépris, face aux médias ravageurs, aux crimes et délits commis ici comme partout ailleurs, ils portent haut une contradiction humaine où le sublime dialogue avec le sordide. Depuis l'aube des temps Marseille résiste. Dans cette ville monde de la Méditerranée, impossible de renoncer à accueillir l'autre, à le traiter comme une personne dotée d'intelligences et d'émotions.Ici l'hospitalité est synonyme de vie. Les mots que j'aligne reportage après reportage tentent de dire le respect et l'amour que m'inspirent celles et ceux qui n'ont pas renoncé à faire danser la vie dans la diversité de ses rythmes et couleurs. Pour que cet article soit vraiment pluriel, je souhaite donner la parole à ceux de mes hôtes qui éprouveraient la nécessité de compléter le portrait de la ville que j'ai tenté d'esquisser. Pourquoi pas en répondant à quelques questions ou selon leur inspiration, avec des mots et pourquoi pas avec des dessins ou autres images. Je remettrai l'article complété en ligne un mois après sa première issue. D'avance merci et encore chaleureusement merci.
Des questions
- Faut-il changer de stratégie, voire de langage ou de concept pour répondre à la demande implicite de tous ceux et celles qui ne savent ni où ni comment mettre en pratique leur volonté de solidarité?
Est-il possible et souhaitable que les associations se concertent , unissent leurs efforts
pour plus d'efficacité , sans pour autant entrer dans une relation d'hégémonie ?
Dans les dix dernières années, à Marseille quelles actions de solidarité vous ont le plus émerveillé?
Y a -il ici ou dans une autre ville une ou plusieurs associations ou collectifs qui suscitent votre admiration.
Pourquoi?
Une ville comme Naples peut sembler être dans une problématique assez proche de celle de Marseille, qu'est qui fait que cette ville ou ces villes ne rentrent pas ou le moins possible dans le schéma réducteur tendant à homogénéiser, banaliser les regroupements urbains d'aujourd'hui.
Demain Marseille résistera-t-elle toujours ?
A quelles conditions ?
Notes
1/Résiste
Hommage à la chanson de Michel Berger ( paroles et composition) chantée par France Gall :
Résiste
Prouve que tu existes
Cherche ton bonheur partout, va,
Refuse ce monde égoïste
Résiste
Suis ton cœur qui insiste
Ce monde n'est pas le tien, viens,
Bats-toi, signe et persiste
(2) voir ouvrages consultés
3) https://ville-data.com/delinquance/classement-des-villes-les-plus-dangereuses-de-france
(4) Baiser féroce de Roberto Saviano - Folio
(5) De bonnes raisons de mourir de Morgan Audic - Albin Michel
(6) ) Le Réseau Hospitalité, créé en 2015 par Jean-Pierre, Cavalié est issu du réseau Sanctuaire de 2006 et vise à offrir un refuge aux personnes en danger, notamment les demandeurs d'asile et les sans-abri. En 2023, il a pris en charge 283 personnes sans abri, dont la moitié étaient des mineurs, en s'appuyant sur des fonds privés pour l'hébergement. Le réseau organise des rencontres pour coordonner les offres d'hébergement solidaire et aborde des problématiques liées à l'hébergement à Marseille, notamment lors de la 8ème rencontre prévue le 3 juin. L'expérience et la réflexion amènent Jean-Pierre Cavalié à penser que l'hospitalité pourrait être le vecteur d'une transformation de la société dans le sens du partage et de l'ouverture à l'autre, hors de la fringale de surconsommation.
Remerciements
Merci à toutes ces belles personnes qui m'ont permis encore une fois de découvrir, rencontrer Marseille, son âme, son énergie, ses abimes, son art de porter la vie au plus haut. Merci en toute complicité à : Mohamed Abdallah, Virgine Aimone, Assane, Vincent Beer Demander, Muriel Bernard -Raymond, Arielle Bernheim, Marie Bonichon, Fella Bziane, Marion Bacci, Alain Castan, Bérangère Chaland, Marion Chupulut, Daouda Danadir, Bertrand Davenel, Eric Dejoie, Christian Delage, Guy Delanoix, Fanny Diadema, Mireille Faure, Sébastien Fournier, Tarik Ghézali, Julia Lupinko, Serge Haguenauer Nawir Haoussi Jones, Lucien Marchettini, Nicole Meynier Monique Perez Chuecos, Muriel Modr, Alexis Nys, Anaïs Oddou, Fadela Ouidef, Benjamin Molleron, Monique Perez- Chuecos, Francesca Poloniato, Mireille Roche, Claire Seban, Jean Marie Sanchez, Size ici, Anne-Marie Tagawa, François Thomazeau, Michel Touzet, Kevin Vacher, Julien Valnet.
(2) Ouvrages consultés
Cramés, les enfants du monstre de Philippe Pujol - Julliard
Marseille Terminus de François Thomazeau - Gaussen
Tueurs à gages de Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau, Jérémie Pham- Lê.
Précédents reportages de F Bernheim sur Marseille :
https://blogs.mediapart.fr/francois-bernheim/blog/280324/marseille-en-guerre
https://blogs.mediapart.fr/francois-bernheim/blog/261223/cite-air-bel-ne-peut-pas-empoisonner
https://blogs.mediapart.fr/francois-bernheim/blog/210222/marseille-respect
https://blogs.mediapart.fr/francois-bernheim/blog/271222/marseille-venir
https://blogs.mediapart.fr/francois-bernheim/blog/301121/lapres-m-entrepreneur-de-vies-debout
etc...