"Depuis cent cinquante ans la France semble en proie à une contradiction indépassable : une nation qui se veut ethniquement homogène, fonde sa richesse sur l'exploitation d'une main -d'œuvre étrangère"
Alessi Dell' Umbria. Histoire universelle de Marseille- éditions Agone.
" Et chaque nuit pendant que tu dors je réécris la vie. Dans une langue dont les larges lettres avalent de leur encre gourmande et grasse le pâle tracé des poésies enfantines.
Beata Umubyeyi Mairesse. Culbuter le malheur. édition Mémoire D'encrier
" C'est la bêtise du monde qui nous chatouille"
Nicolas Menain urbaniste, marcheur, clown
`
" Mais peut-on effacer l'histoire et son tragique sous le ripolinage des façades et la valorisation des terrasses ensoleillées ?
François Thomazeau - Marseille brûle-t-il ? éditions Gaussen
" Au Cameroun, j'étais bien, je voyais des gens qui me ressemblaient et qui avaient des postes de responsabilité"
Marie-Rose Frigière -Art -thérapeute- Open your art (OYA)
Un article de plus sur la violence et l'insécurité à Marseille ?
Est-ce bien nécessaire de parler une fois de plus de la guerre des gangs, des ravages de la drogue dans la cité phocéenne alors que les grands médias avec une rigueur exemplaire ne cessent d'informer les honnêtes gens sur les dangers qu'ils encourent face à ce déchainement de violence ?
Guerre des gangs à Marseille : « Tout le monde a peur dans les quartiers »Sept morts par balle en 15 jours à Marseille. Une spirale criminelle qui ne devrait pas s’arrêter cet été à en croire les observateurs locaux- le Point 10/07/2021
Trafics, réglements de comptes... Marseille face à l'explosion de la violence
Le Figaro le 03/04/2023
Fusillades à Marseille: record d'homicides dans la cité phocéenne en 2023
Le Figaro le 04/04/2023
Qui pourrait se réjouir de voir le sang couler ? Qui, mis à part les tenants des différents circuits de drogue et leurs bailleurs de fonds pourrait penser que la jeunesse d'un pays a vocation d'être abimée ,voire anéantie ?
Faut-il un article de plus pour tirer à boulets rouges sur les Deferre, Gaudin ,FO, leur syndicat ami, le clientélisme galopant qui ont sévi à Marseille depuis plus de 70 ans ?
Non, non et non et pour au moins deux raisons.
- D'abord parce que cette violence , certes des plus dommageables en cache une autre fondamentale. La violence faite au peuple à travers le mépris quotidien, les discriminations, le racisme et la répression. Cette violence n'est pas nouvelle. Pour ceux qui l'exercent depuis des siècles , elle est normale, naturelle, le temps et des oppositions jugulées lui ont donné force de loi. Les dominants sont faits pour dominer et leurs victimes pour pleurer.
Reste à démontrer et chacun en connait les difficultés, que cette violence peut être battue en brèche.
- Les turpitudes, le cynisme des uns et des autres responsables n'ont pas manqué d'être à maintes reprises dénoncés. Il s'agit moins aujourd'hui de stigmatiser des responsables irresponsables que de pointer ce qui à travers eux s'est érigé en système et surtout de mettre en avant les luttes et le courage de ceux qui tirent les leçons des échecs pour se porter en défense des intérêts populaires. La fatalité d'un ordre social injuste est une des armes de guerre des dominants, elle peut être combattue avec succès à condition que ceux qui sont l'objet de mépris cessent de croire que qu'ils ne méritant pas mieux.
A Marseille les murs hurlent
Jamais écroulés de rire, mais écroulés tout de même ou en voie de l'être, abimés, défoncés, troués, les murs des immeubles de Marseille comme ceux des écoles plutôt situées dans le nord que dans le sud de la ville entretiennent une sinistre conversation : toi aussi ! Toi aussi tu ne vaux pas la peine que l'on s'occupe de toi. Ceux qui t'habitent, comme ceux qui te visitent quotidiennement ne comptent pas, si on osait on pourrait dire qu'ils n'existent pas, alors cessons de geindre, de hurler, laissons faire, ceux qui sous le regard de dieu doivent gagner la partie et la gagneront comme dans le passé. la loi du plus fort sera toujours la loi.
Merci à ceux qui démontrent tant par leur action que par leur générosité que les relations entre exploitants et exploités ne relèvent en rien d'un loi naturelle mais plutôt d'un rapport de force, qu'il s'agit de faire évoluer au profit de la collectivité. Il est clair qu'il faut beaucoup d'intelligence de générosité, de conviction et de persévérance pour le faire. L'exposition à toutes les intempéries d'une population fragilisée est une donnée de base qu'il faut par la force des choses prendre en compte. L'action des associations sur le terrain démontre qu'elle n'est en rien rédhibitoire.
Sommaire état des lieux
5 Novembre 2018 rue d'Aubagne deux immeubles écroulés huit morts. Le scandale est immense , Les manifestations à la mesure de l'indignation générale. Des centaines d'autres immeubles pourraient bien du jour au lendemain subir le même sort. Des arrêtés de péril sont pris, les habitants sont délogés relogés provisoirement dans des hôtels indignes l'administration ne rechigne pas à payer des nuits d'hôtels. Quand une solution, même mauvaise, est trouvée il n'y a plus de problème.
Dire que les marchands de sommeil opèrent en toute impunité serait quasi- abusif puisqu'au moins l'un d'eux a été condamné. Il s'agit de Gérard Gallas condamné à cinq ans dont 4 ans de prison ferme et à 70 000 euros d'amende en Novembre 2023. Cet industriel de l'escroquerie et accessoirement ancien policier achetait des immeubles délabrés et par le biais de cloisons créait plus de 20 appartements là où à l'origine il y en avait cinq, sans se soucier de l'insécurité résultant de l'élimination des murs porteurs. Ces cases étaient louées à prix d'or et Gallas qui possédait plusieurs immeubles disposait de revenus mensuels exorbitants. L'intervention de deux associations a été décisive, le réseau Hospitalité de Jean-Pierre Cavalié et Un Centre -Ville pour tous, toutes deux parties civiles au procès .
En 2020 plus de 40 000 demandes de logement social étaient en attente dont 4000 ménages prioritaires. Le rapport Nicol observe que 40 000 logement du privé impliquant 100 000 personnes doivent être considérés comme dégradés.
Ce constat n'est pas seulement celui d'un abandon des intérêts vitaux d'êtres humains issus des classes populaires. Il est la résultante d'une véritable stratégie. Marseille est la seule grande ville française où une partie de la population pauvre occupe encore le centre-ville. la misère est d'autant plus tolérable qu'elle a la décence de rester cachée. Ici sa visibilité pourrait entraver le développement touristique de la ville. Dans cette optique le délogement forcé des habitants qui doivent faire face à un arrêté de péril est une bénédiction pour quelques-uns, une malédiction pour une population traitée comme du bétail.
Relations avec les bailleurs
Les habitants de la cité Air Bel, la deuxième en ordre d'importance après La Castellane, sont administrés par trois bailleurs : Erilia , Logirem,Unicil.
La seule relation qui existe entre bailleurs et habitants est le chèque que ces derniers versent mensuellement. Les locataires sont très rarement consultés avant une prise de décision. Les demandes de remplacement de matériaux défectueux ou d'équipement sanitaire sont le plus souvent refusées pour le motif qu'il n'y a pas d'argent, alors que les habitants paient régulièrement loyers et charges. Depuis la création on peut considérer qu'ils ont payé quatre fois le prix de leur appartement. Cinquante pour cent vivent en dessous du seuil de pauvreté ce qui n'empêche pas les bailleurs de trouver tous les artifices nécessaires pour les escroquer.
Plus grave est ce qui touche à la santé des habitants, sans que les bailleurs, parfaitement au courant des risques encourus face à une eau polluée, prennent la moindre mesure pour l'assainir. ( voir page 6) le combat mené par les collectifs d'habitants )
Les écoles
Les écoles primaires sont sous la responsabilité de la ville, les collèges du départements, les lycées de la région.
1/3 du parc scolaire soit 179 écoles impliquant 79000 enfants sont considérées comme dégradées. 30 ans de pur et simple abandon en sont la cause.
Si on prend en compte les dépenses des grandes villes par enfant de moins de quinze ans en 2018 :
Marseille 1355
Lyon 1688
Lille 2000
Bordeaux 2807
Lae chiffre très bas de Marseille ne rend pas compte des fortes disparités existant entre les quartiers Nord et sud.
Témoignages d'enseignants
concernant le bâti des écoles
Charlotte Magri est professeure depuis neuf ans. Depuis la rentrée, elle enseigne dans une école des quartiers Nord de Marseille. Une école primaire dans une «cité pas trop mal, plutôt bien entretenue. J'étais heureuse en arrivant, je me disais que mes élèves n'avaient pas un cadre de vie trop catastrophique.» (1)
C'était avant de pénétrer dans l'établissement. «Lugubre. Le bâti est dans un état, vous ne pouvez pas imaginer», commence-t-elle. Elle décrit ces portemanteaux qui se dévissent, des trous dans le sol de sa classe. Elle raconte aussi ces deux planches de bois de deux mètres de long, pointues d'un côté, qui se sont détachées du mur et auraient pu blesser un élève. La température, élevée en été, basse en hiver, faute d'isolation. «Quand tu vois dans ta classe que tes élèves ont les lèvres bleues, tu as honte. J'ai honte.»
Josette Furace, adjointe à l'éducation à la mairie de secteur (arrondissements 15 et 16) soupire. «Cette enseignante n'en rajoute malheureusement pas. J'aurais préféré qu'elle en fasse trop, comme on dit chez nous. Mais même pas… Un rapport datant de 2007 établit la présence d'amiante dans la structure de l'école. Or, le revêtement au sol est décollé par endroits. Il y a danger. J'ai alerté l'agence régionale de santé, il en va de la santé des élèves. Quant au gymnase, il est fermé depuis douze ans faute des travaux d'entretien !» Sur les 75 écoles de son secteur (les quartiers Nord), une bonne moitié a besoin de travaux, estime l'adjointe. Elle jure tempêter tout ce qu'elle peut auprès de la mairie centrale, seule compétente en la matière. (2)
Géraldine Amadieu, Sonia Breuze ... professeurs en école primaire à Marseille depuis 2016
Pour se former à travers différentes expériences diminuer la charge mentale qui est celle du professeur exposé aux mêmes problèmes sans pouvoir les résoudre, Géraldine a choisi de travailler en brigade, c'est à dire de faire des remplacements selon les besoins dans plusieurs écoles classées en zone d'éducation prioritaire. L'état du bâti présente un véritable danger, avec des plafonds qui tombent, des trous dans les murs. L'état d'insalubrité est hallucinant. Le manque de locaux oblige parfois à faire cours dans les couloirs...
L'argent va au privé au détriment du public. La situation des écoles à Marseille , comme le logement relève d'une incurie au long cours.
Sébastien Fournier enseignant depuis plus de 20ans à l'école élémentaire de la Busserine.
Cette dernière située dans la proximité du futur autoroute a été détruite et reconstruite rénovée à proximité; Une chance ? oui . Ce qui n'empêchait pas de constater un certain nombre de problèmes. Ainsi trois ans après la mise en service de l'école on a découvert que les toilettes n'étaient pas reliées au tout à l'égout. Ainsi tout le contenu des latrines se déversait dans l'école par ailleurs surchargée , il manquait au moins une salle de classe. Résultante de 30 ans de politique Gaudin à Marseille.
Etienne Castel professeur au collège Alexandre Dumas
Son collège précédent Marie Laurencin a été construit en préfabriqué. Face à la croissance de la population scolaire une autre structure en préfabriqué a été ajoutée quelques années plus tard. En hiver les classes étaient surchauffées ou glaciales. Quand il pleuvait les classes étaient mouillées. Les parents d'élèves primo-arrivants ne sont pas choqués , car ils n'ont pas de points de repère concernant le fonctionnement du système scolaire.
Fonctionnement des écoles
Sébastien Fournier
On est arrivés dans une école où plus de 40 nationalités et langues coexistent, l'équipe précédente était quelque peu épuisée par un climat de violence très fort régnant entre les élèves. Avant il y avait des détritus devant la porte de l'école que les élèves devaient chaque jour enjamber.
... Dès que l'on entre le matin, on est confrontés à un tas de difficultés pour pouvoir faire notre métier, massivement c'est un sentiment d'échec qui nous étreint, malgré l'investissement sans limite de chacun. Alors que les manques sont le fait de l'institution chacun culpabilise et les prend à son compte, c'est quelque chose de terrible. C'est la difficulté principale avec celle des sur-.effectifs. Avec une classe de 18 élèves on en fait 1,5 fois plus qu'avec un classe de 25. La suppression de l'aide individuelle aux élèves préoccupe les enseignants. C'est un véritable virage de ne considérer les difficultés scolaires qu'à travers les difficultés individuelles de chaque élève et de ne plus questionner la reproduction scolaire. les élèves des quartiers populaires réussissent moins bien que ceux des quartiers favorisés. L'école accroit les inégalités sociales. Il y a très peu de réflexion au niveau d'une problématique collective.
A travers l'expérience de Sébastien Fournier, une équation dynamique semblerait pouvoir se dégager face à l'abandon d'en haut. Pour résister à l'enfermement que subissent les professeurs comme les élèves, dans le quartier populaire où exerce Sébastien Fournier l ''école se situe au cœur d'un tissu relationnel qui la nourrit et incite les uns et les autres à ne pas baisser les bras. Ainsi elle est faite des relations ouvertes des professeurs avec les élèves. les parents sont avec profit régulièrement consultés. Enfin à travers les professeurs et les parents l'école est associée à la vie du quartier. Les professeurs travaillent en équipe et initient des projets culturels ouverts à tous. La stabilité de l'équipe est à la mesure de son répondant. En échangeant avec les professeurs travaillant dans les quartiers favorisés , les professeurs des quartiers populaires ont compris que dans les quartiers nord une solidarité parents / professeurs se développe beaucoup plus facilement que dans les quartiers où les parents jouissant d'un statut social élevé ont tendance à regarder de haut les enseignants d'un statut social beaucoup plus bas.
Etienne Castel
La violence est au cœur de la vie de beaucoup d'élèves. Ils ont tellement de problèmes à la maison que l'école ne peut pas être leur priorité. Ils arrivent très vite à comprendre qu'à l'école ils ne marqueront pas de points. Ils ont l'échec dans la tête. De fait les standards d'exigence sont très très bas. On ne peut pas dire que les parents ne les suivent pas, mais ils n'ont pour la plupart pas les codes et les méthodes pour bien les accompagner. Dire que l'on veut l'égalité pour tous est un leurre de l'école républicaine. Il faut donner à chacun sa chance de progresser. Alors que l'on voit de la 6ème à la troisième les gamins régresser. D'où le recours souhaité par certains à des groupes de niveau par ailleurs plus que controversés. Etienne Castel très investi dans son métier ne semble guère optimiste. Combien d'années pourra-t-il encore enseigner Impossible de le savoir.
Géraldine Amadieu , Sonia Breuza
On est obligés de faire des choix, de trier les enfants, de ne pas en prendre certains sinon les effectifs sont trop lourds. Le discours de la mairie est toujours le même. L'héritage est très lourd. on récupère 50 ans d'inertie, on n'a pas d'argent , on ne peut rien faire. Il y a également le poids des emplois de complaisance On est en souffrance, obligé de s'asseoir dans les couloirs pour faire la classe. Depuis le 2 Septembre je ne peux plus aller dans ma classe en raison d'un dégât des eaux Avoir de quoi financer les sorties contrairement au passé est un problème, comme si marcher dans la campagne n'était pas une activité physique. Le nombre de piscines est très limité. A Marseille, apprendre à nager au enfants est un casse-tête.
Depuis 2020 la possibilité d'une rupture conventionnelle à été ouverte. Les enseignants le la jeune génération pourraient très vite y avoir recours. Ce n'est pas l'amour du métier qui est en cause mais l'impossibilité de l'exercer dans des conditions satisfaisantes à savoir donner à tous les élèves les connaissances aptes à favoriser leur émancipation et leur équilibre. Les enseignants pratiquant le métier depuis des dizaines d'années ont bénéficié de conditions de travail plus favorables. La participation à des stages à des séminaires leur donnait le recul, la bouffée d'oxygène indispensable à la poursuite de leur activité exercée dans des conditions tendues.
Résister pour gagner
On voudrait nous faire croire que la violence est exclusivement le fait des gangs de mafieux armés de kalachnikovs et distributeurs de drogues anesthésiantes et parfois mortelles. De fait ce qui ronge, écrase, anéantit les classes populaires est une violence qui ne dit pas son nom. Elle s'abrite derrière la supériorité supposée des uns pour enfermer tous ceux qui ne font pas partie de l'élite dans une prison mentale où les portes et les fenêtres n'existeraient pas. Enfoncer dans le crâne de ceux qui subissent ce mépris qu'ils ne méritent pas mieux est une arme supplémentaire brandie avec succès. Il se trouve qu'à Marseille (et vraisemblablement aussi dans d'autres villes et régions de France) des associations ont compris qu'en face d'eux se trouvaient des gens, entreprises, institutions aussi intelligents que puissants se donnant les moyens de maintenir, renforcer leur domination à travers des stratégies savamment orchestrées. Donner de son temps, de son énergie, de sa générosité pour résister à un ouragan dévastateur est louable mais pas suffisant. Si ceux d'en face ont une stratégie, la seule façon de les contrer est d'en développer une, tenant compte de ce qu'ont subi les habitants des quartiers populaires ,de ce qu'ils veulent, tenant également compte des échecs d'une militance en surplomb.
Gagner avec le collectif CHO3
Né en 2017 dans le troisième arrondissement de Marseille et regroupant dans un premier temps un petit nombre de personnes, le collectif a pris au moins deux années pour aller à la rencontre des gens du quartier, les écouter, en ayant la volonté de créer à terme une culture commune pour lutter contre les injustices. A quoi servirait d'expliquer à ceux qui subissent les méfaits de l'ordre existant depuis de nombreuses années qu'il faut se révolter pour le renverser ? C'est non seulement impossible mais pire cela ne ferait que renforcer le désordre existant en suractivant le sentiment d'échec qu'éprouve une population sans cesse malmenée. A quoi bon ?
Il existe dans le 3ème arrondissement de nombreux petits groupes qui luttent chacun dans leur coin. L'idée du collectif CHO3 était de monter un syndicat d'habitants regroupant des personnes de toutes origines sociales et culturelles sur des combats diversifiés et directement concernés par les injustices vécues, qui s'organisent et décident de ce qui va être fait. Le collectif est une structure informelle s'appuyant sur l'an 02 association pouvant effectuer selon les normes légales toutes les démarches administratives.
Face au sentiment trop bien ancré que ce sont toujours les puissants qui gagnent , le collectif a compris que pour surmonter ce blocage il fallait se mobiliser sur des luttes de moindre importance mais qui pouvaient être victorieuses. Ainsi obtenir la réouverture des espaces verts du Couvent Levat fermé par l'ancienne municipalité, suivi par la nouvelle. Ainsi obtenir l'ouverture d'un compte en banque pour tous, conformément à la loi. De nombreuses personnes dont les sans-papiers avaient ce problème avec la banque postale. Ils auraient dû y avoir accès avec un passeport et une attestation de logement. Les protestations nombreuses n'y firent rien . L'idée fut alors de tout faire pour obtenir une lettre de refus de la haute direction de la banque postale Méditerranée, qui sera ensuite envoyée à la Banque de France qui conformément à la loi donnera un aval permettant d'ouvrir un compte ans n'importe quelle banque. Face à cette discrimination illégale il a été démontré que l'union fait la force sur un terrain où l'on s'est donné le mal de comprendre comment fonctionne le système. Pendant le confinement, beaucoup de personnes se sont retrouvées sans ressource. Il y eu une forte mobilisation pour faire des colis. Les personnes en difficulté ont été recensées à partir de l'école qui appelait les familles. Des chèques alimentaires ont été distribués. les bailleurs ont participé à cet élan de solidarité. Le collectif a étudié comment des pays comme l’Italie l’Allemagne procédaient. Ainsi sur le modèle allemand une permanence téléphonique fut mise en place de 16 à 18h avec bascule sur le groupe d'entre-aide. Un travail important fut mis en place afin de récupérer des aides financières pour payer les courses des familles.500 ont appelé la plateforme pour venir en aide à 2500 personnes. Le collectif a mis en place une solidarité de proximité mais a également procédé à des actions revendicatives face à l'abandon subi par une population, tant au niveau de la mairie, de la métropole que du pouvoir central. Il s'agit d'aider les habitants à se structurer, de bâtir des initiatives visant à terme une transformation sociale. Démontrer preuves à l'appui qu'il est possible de gagner. Ainsi 15 mois de lutte pour qu les bénéficiaires de l'AME obtiennent un demi-tarif dans les transports publics, soit 13000 personnes concernées. Toutes les actions concernant le quotidien visent également à se réapproprier le politique entendu comme participation active à la vie de la cité. Se battre, négocier prend du temps en trois ans on ne peut venir à bout de quarante ans d'abandon. Le collectif CHO3 est soutenu par la fondation Abbé Pierre, la fondation un monde par tous. Il est clair que l'union fait la force mais aussi que sortir de son périmètre de base demande beaucoup d'énergie, sans disposer de moyens et avec peu de temps disponible. Le collectif est dans la rue, les écoles frappe aux portes. Il est avec les habitants pour qu'ils deviennent pleinement acteurs de leur vie. Toutes ces actions ne peuvent se faire sans argent. 50 000 euros sont nécessaires pour passer à la vitesse supérieure, proposer de nouveaux projets. Quels que soient vos moyens n'hésitez pas le collectif CHO3 est tout aussi réaliste qu'humainement et socialement ambitieux. Si vous pensez comme lui qu'une transformation sociale ne peut être effective qu'en partant de la base et en prenant le temps de respecter le tempo des personnes et groupes considérés, investissez là où le monde peut se reconstruire à travers la mobilisation de chacun(2)
La cité Air Bel face aux bailleurs
1200 familles, soit 6000 habitants, habitent la cité Air Bel située à l'est de Marseille. 50% de cette population vit en dessous du seuil de pauvreté. ( voir page 6)
Les faits obligent à dire qu'en règle générale, même quand les puissants ont tort, ils ont finalement raison. Pourquoi ? D'abord parce qu'ils sont puissants, ensuite et surtout parce qu'une propagande aussi insidieuse que bien menée décourage toute velléité de s'opposer à eux. Pourtant le collectif des locataires animé par Rania Aougaci, n'a cessé de marquer des points. Sans doute persuadés qu'ils avaient affaire à une population d'analphabètes incapables de mettre son nez dans les méandres d'une comptabilité aux charges volontairement surévaluées, les bailleurs ont tenté en vain d'abuser les locataires de la cité. Sur huit procès , huit ont été gagnés.
En décembre 2023 un procès d'une toute autre envergure , puisque touchant gravement à la santé des habitants de la cité. À Air-Bel, la légionellose sévit depuis 2001. Le combat des habitants de la cité a permis de condamner les bailleurs le 22 décembre 2023. Toute contagion face à cette décision de justice sera la bienvenue. Le jugement prouve qu'aucune bataille n'est perdue d'avance. Le 22 décembre, le tribunal a condamné Les bailleurs d'Air-Bel pour trouble de jouissance exposant les habitants à un risque manifeste pouvant porter atteinte à la santé. Aujourd'hui, 12 dossiers sur 273 ont été retenus pour être indemnisés.
Cette victoire, les habitants la doivent principalement à trois femmes : Djamila Aouache, présidente de l'association "il fait bon vivre dans ma cité", Rania Aougaci, coordinatrice du collectif des locataires, et à Soraya Slimani, leur avocate. La pugnacité de ces femmes n'a d'égale que leur intelligence, leur expertise et leur esprit de solidarité.
2001 : un premier cas de légionellose est signalé dans la cité. Silence radio. 2011, Halia, la soeur de Djamila, est contaminée, elle en supporte encore les séquelles. 2017 : Djamel, le frère de Djamila, est à son tour atteint, il en meurt. Imaginez ce qu'ont pu vivre les habitants de la cité quand l'eau du robinet coule noire, brune, gorgée de saletés ? Pour toute réponse, les bailleurs ont chloré l'eau à un niveau inadmissible. Imaginez vos enfants fermant la bouche quand ils prennent une douche de peur d'absorber une eau polluée. Face à ce mépris du peuple, les locataires d'Air Bel n'ont jamais baissé les bras. Djamila, Rania, Soraya pour les plus connues, les ont galvanisés.
Le 22 décembre fera date dans l'histoire populaire de Marseille et de la justice.
Même si les indemnisations ne sont pas à la hauteur de ce qui était espéré, le jugement prouve qu'aucune bataille, si elle est menée, n'est perdue d'avance.
D'autres cas de légionellose ont été signalés à Marseille. Le jugement du 22 Décembre pourrait faire tache d'huile. D'autres procès sont en cours. Le premier concerne la mort de Djamel, le deuxième prend à partie Djamila, sa soeur, qui, devant le président Macron, a osé traiter les bailleurs d'assassins. Elle est poursuivie pour diffamation. Aujourd'hui, la justice a fait son travail. Honneur aux combattantes et combattants d'Air Bel, Marseille leur doit beaucoup. Rania à la tête du collectif pense qu'il n'y a pas de petits combats, ainsi pour améliorer le quotidien des habitants de la cité, elle a conçu un guide pratique d'AIR BEL
La petite enfance, la vie de quartier, l'emploi, la formation, la culture et les loisirs, le sport, les droits des habitants, les actions de solidarité, la défense des locataires y sont abordés avec toutes les informations nécessaires à une prise de contact. Rania s'est battue pour obtenir les subventions nécessaires.
Le réseau Hospitalité de Jean-Pierre Cavalié
Comme son nom l'indique le réseau Hospitalité a pour objectif principal de promouvoir, implanter une politique de l'hospitalité. Ce qui implique à terme tant un changement de mentalité, qu'une véritable révolution où l'autre, l’étranger n'est en rien un ennemi mais un humain au même titre que soi-même et que de l'accepter ,l'accompagner en toute solidarité a pour résultante de donner un contenu concret et positif à une conception de la vie porteuse d'un souffle nouveau capable de faire grandir chacun comme tous. Il ne s'agit pas de se contenter de pallier aux carences de l'état mais plutôt de mettre en place avec les intéressés des outils de transformation en partant des besoins exprimés. Ainsi peut s'opérer un distinguo important entre l'assistance et la solidarité. Ce qui doit être fait pour une personne, ne peut être fait sans cette personne qui alors devient acteur de sa propre vie. Chacun a des droits, il importe de les connaitre et d'en faire le meilleur usage possible. On sait qu'une personne à la rue est en position trop précaire pour les exercer.
Disposer d'un toit, s'alimenter sont des préalables à toute action de défense de ses droits. Le réseau hospitalité se bat contre les marchands de sommeil. Comme un Centre-ville pour tous, il s'est porté partie civile dans l'affaire Gallas ,marchand de sommeil qui a été condamné après s'être outrageusement enrichi sur le dos d'une population vulnérable et démunie. Ces escrocs bénéficient de toute les aides et subventions accordées sans discernement par l'administration. qui préfère distribuer des nuits d'hôtel plus que de remettre en cause des pratiques qui profitent la plupart du temps à des établissements très en dessous des normes acceptables.
Le réseau Hospitalité dénonce également des pratiques d'état qui pour faire face à une concurrence mondiale exacerbée prend sous Pasqua en 1986 les dispositions nécessaires à la création d'une main-d’œuvre bon marché parce que sans papiers. D'un côté on dénonce la présence de ces étrangers en illégalité sur le territoire français, de l'autre on les exploite sans vergogne.
le réseau Hospitalité est conscient que c'est en fédérant les initiatives , notamment à travers les associations en prise avec le tissus local qu'il sera possible d'avancer. Le constat sans complaisance est que jusqu'à maintenant ces différentes entités ont consacré beaucoup d'énergie à résister aux attaques des puissances dominantes, qui elles se sont donné les moyens de mettre en place des stratégies. Face à cet adversaire bien armé il est nécessaire de concevoir des stratégies alternatives sur le long temps terme.
Ainsi pendant l'été 2023 plus de 7000 membres d'associations se sont réunies sur le plateau du Larzac pour réfléchir, échanger sur une meilleure articulation des luttes locales et globales. Il est clair que jusqu'à maintenant ce sont les associations en phase avec les problèmes des classes populaires qui s'attellent à une réévaluation de l'action politique, sans que les appareils des partis en place qui ressemblent plus à des machines de prise de pouvoir qu'à des outils d'émancipation, manifestent une volonté de se remettre en cause.
Noailles debout et le patrimoine populaire Réussir à se tenir debout alors que les murs qui sont censés protéger s'écroulent, alors que les vivants délogés pour échapper au péril subissent le plus violent des traumatismes est une gageure. L'association Noailles debout est née pour faire face à cet impossible défi. Avant même sa consécration officielle une place du 5 Novembre 2018 est née de la volonté populaire de pouvoir se tenir en un lieu où mémoire d'une tragédie et volonté de résister puissent trouver un support. La vie d'un quartier est un agrégat d'émotions, de relations entre les personnes, d'images, d'habitudes, de parcours, de reconnaissance des uns par les autres. La vie d'un quartier appartient à ceux qui l'animent, c'est un patrimoine immatériel qui revient à ceux qui l'ont créé, fait évolué. Face à la l'effondrement du 5 Novembre qui à été une véritable rupture dans un continuum de vie difficile mais assumé, l'association Noailles debout à multiplié les initiatives permettant à ceux que le mépris dominant avait dépouillé de tout de dégager une ouverture autorisant une reconstruction de soi. Des photographes ont été sollicités, pour valoriser l'existence des habitants du quartier, leurs propos ont été affichés. Une exposition consacrée au quartier à été prise en charge par le musée d'histoire de Marseille. Chacun a pu sélectionner un objet auquel y tenait qui pourrait être exposé. Des chaines avec cadenas interdisant l'entrée d'un immeuble en péril ont été mises en avant. Ces chaînes sont toujours en place sur les portes des immeubles où l'arrêté de péril a été levé... on ne sait jamais. Un petit livre consacré à l'évènement tragique comprenant dessins et photos a été mis en vente. Chaque livre vendu a offert la possibilité d'en offrir un aux habitants; Des promenades ont été organisées, des rencontres avec d'autres associations. Beaucoup a été fait pour que ceux qui ont été dépossédé de tout puissent se donner le droit d'exister
Place Nette XXL ou enfumage
L'avant-première d'une opération nationale de lutte contre la drogue a eu lieu à Marseille le 19 Mars. La présence du chef d'état accompagné de plusieurs centaines de policiers et gendarmes a permis de mettre l'offensive anti -drogue à la une de tous les médias. Le réalisme des dealers qui sans sourciller ont repris leurs opérations après le départ du chef d'état se passe de commentaire . Ou plutôt on ne peut que déplorer le choix d'une politique spectacle qui entretient le mythe d'une croisade des bons contre les méchants, en oubliant que les familles ont à se nourrir, se loger tenter de donner à leurs enfants les moyens de s'arracher à leur condition subalterne.
Héritière de la Grèce antique, Marseille est bien l'agora pour ne pas dire la scène théâtrale où ceux qui devraient jouer le rôle principal ,les acteurs du peuple sont systématiquement relégués à des emplois subalternes. Plutôt que parler d'un destin qui condamnerait les justes à un sort injuste parlons plutôt d'un rapport de force, d'une idéologie dominante disposant d'une force de frappe impressionnante. Le virage à l'extrême droite annoncé comme inéducable à l'issue des prochaines élections, ne doit pas masquer le fait que cette issue n'est que la solution de dernier recours envisagée par les élites de ce pays face à la montée des revendications populaires A ce titre Marseille soi- disant gangrenée par les forces du mal reste un précieux bastion du tout est encore possible et pourquoi pas la mise sur orbite d'une stratégie victorieuse ! Si la maturité peut être entrevue comme le socle du renoncement, l'immaturité de Marseille finement mise en avant par François Thomazeau (3 )pourrait bien créer de très bonnes surprises,." Je me disais Marseille, c'est un membre de ma famille, je ne l'ai pas choisi, c'est elle qui m'a choisi, je suis tombé dans Marseille comme on tombe dans une marmite. Marseille c'est un peu comme ma mère, mais c'est une pute, c'est quand même ma mère... mais en écrivant, j'ai réalisé que ce n'était pas du tout ma mère et peut être pas une pute. Elle ne peut être ma mère, elle n'est pas protectrice, pas gentille, pas maternelle, pas sympa avec ses enfants. A la fin du livre que j'écrivais, j'ai compris qu'elle était ma fille. Malgré 2600 ans d'existence, c'est une adolescente, elle ne grandit pas, ne passe jamais à l'âge adulte. Elle a assez de potentiel pour être merveilleuse et aussi pour mal tourner. Elle est sublime, insupportable, un cloaque incandescent, elle n'est jamais finie, toujours en mouvement, elle n'arrête pas de se reconstruire, de se redétruire... je l'aime beaucoup"
Nous sommes quelques -uns à aimer Marseille immodérément. Ceux de ses habitant qui se battent pour plus de justice, moins de mépris connaissent bien la fragilité de leur ville. Si rien n'est définitivement gagné, rien n'est irrémédiablement perdu. L'incertitude demande plus de force de volonté , mais aussi de recul et pourquoi pas d'humour. Cette sensibilité fébrile, acceptée voire revendiquée cumule beauté et lucidité. Marseille est vivante, inclassable et c'est bien ce qui gêne ceux qui lui font la guerre.
François Bernheim
Merci à toutes les belles personnes ceux qui ont échangé avec moi, qui m'ont fait connaitre, rencontrer d'autres personnes essentielles:
Rania Aougaci, Djamila Aouache, Géraldine Amadieu, Andrée Antolini, Nassim Belgat, Karima Berriche, Sonia Breuze, Alain Castan, Etienne Castel,Jean-Pierre Cavalié , Collectif CHO3, Khadja Chapuis Sahraoui,Sébastien Fournier,Hélène Froment Nawir HaoussiJones, Cindy Joy, Nicolas Menain, Marlène Superbie, François Thomazeau, Julien Valnet
Notes
(1) Pour en savoir plus et contribuer
ttps://www.voxpublic.org/Victoire-des-habitants-de-Marseille-obtiennent-50-de-reduction-sur-les.html
https://qx1.org/lieu/cho3/
Mails : cho3@an02.org. / an02@an02.org
Jonas: 06 28 50 19 34
Arthur: 07 88 58 66 18
(2) Libération 21 Janvier 2016
(3)François Thomazeau : Marseille condidential 10/18 tome 2 Marseille brûle-t-il éditions gaussen
Autre ouvrage consulté: I
immigration et ségrégation spatiale. L'exemple de Marseille
sous la direction de marc Angeli et Charlotte Malterre- Barthes. éditions Parenthèses