L'un a perdu, l'autre pas. Le président italien du Conseil le rappellera sans doute lors de sa visite à Paris, ce vendredi. Nicolas Sarkozy a encore à apprendre de celui qui, il y a quelques années, se présentait comme le père spirituel de notre président. Car Silvio Berlusconi, confronté après deux années de pouvoir à des élections régionales, vient de créer la surprise en les emportant largement.
« L'amour l'a emporté sur l'envie et la haine», a-t-il triomphé. L'« envie » d'une gauche italienne toujours au fond du trou et qui perd quatre des onze régions qu'elle contrôlait. La « haine » des juges dont les multiples procédures qui visent le président du Conseil ou ses proches sont bloquées.
Cerné par les scandales sexuels et financiers, ses proches mis en cause dans des affaires de corruption, son gouvernement accusé d'incompétence crasse, une situation économique catastrophique : rien n'y fait. L'inoxydable Silvio s'est personnellement lancé dans cette campagne, ses trois chaînes de télévision et ses quotidiens faisant le reste. Et quand Nicolas Sarkozy faisait perdre des points à l'UMP à chacune de ses apparitions lors de la campagne des régionales, c'est l'inverse qui s'est produit. Berlusconi a empêché l'hémorragie des électeurs de droite.
A quel prix ? Celui de la montée en puissance continue du parti autonomiste et xénophobe de la Ligue du Nord. Car l'autre surprise est la victoire du principal allié de Berlusconi, le parti d'Umberto Bossi. En emportant les deux régions les plus riches du nord de l'Italie -le Piémont et la Vénétie (où la Ligue fait 35% des voix !)-, en dépassant les 12% des voix au niveau national, la Ligue du Nord est en situation de prendre l'ascendant sur l'autre allié de Berlusconi, l'ancien néo-fasciste Gianfranco Fini (qui a pourtant préfacé les livres de Sarkozy !).
Une fois de plus, le Cavaliere fait la démonstration qu'il est bien autre chose qu'un clown démagogue. Au centre de la scène depuis quinze ans, après avoir battu les records de longévité au pouvoir, il a su à plusieurs reprises remodeler son parti -désormais baptisé parti du peuple de la liberté- et restructurer la droite italienne en profondeur. La médiacratie, le poids sans équivalent en Europe de son empire télévisuel n'expliquent pas tout. Le berlusconisme est installé à tous les échelons de pouvoir en Italie.
Tous ceux qui, depuis des années, prédisent l'explosion de l'alliance Bossi-Fini-Berlusconi croient le moment venu : la Ligue du Nord demande la mairie de Milan pour 2011 et le «fédéralisme » fiscal qui permettrait au Nord de ne plus payer pour le Sud. Ils risquent fort de se tromper car la Ligue sait aussi s'arrêter. Contrôlant déjà le ministère de l'intérieur, des villes importantes et des régions, elle sait que l'ombre du Cavaliere lui permet de prospérer à son aise. Berlusconi a trois ans devant lui. Une éternité.
(chronique parue dans l'hebdomadaire Marianne du 3 avril)
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