C'est sans précédent. Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge et président du groupe libéral au Parlement européen, saute à pieds joints dans la politique intérieure française. Pour démolir à l'artillerie lourde le «débat» sur l'identité nationale. Le tout, sur un ton d'une violence inhabituelle.
Guy Verhofstadt est un poids lourd de la scène européenne. Pas seulement parce qu'il fut premier ministre belge de 1999 à 2008, un record dans ce pays habitué à la valse des gouvernements. Mais parce que son nom est régulièrement cité dès qu'un poste important au niveau européen est à pourvoir. Ce fut le cas en 2004, lorsqu'il fut pressenti pour succéder à Romano Prodi à la présidence de la commission, ce fut encore le cas à l'automne dernier pour prendre la «présidence stable» du conseil européen, fonction prévue par le Traité de Lisbonne.
Libéral, Guy Verhofstadt préside au Parlement européen le groupe ALDE, l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe. Il n'est certes pas au PPE (groupe conservateur qui domine le Parlement), mais on l'imaginerait volontiers, en France, adhérent de l'UMP. Il a d'ailleurs toujours bénéficié du soutien de Jacques Chirac.
Cet itinéraire politique ne donne que plus de poids à la tribune qu'il publie ce jour dans Le Monde et titrée: «Il y a quelque chose de pourri en République française...» (à lire en cliquant ici). De quoi s'agit-il? Du «débat» sur l'identité nationale voulu par Eric Besson et l'Elysée.
«L'opportunité politicienne de ce débat, sa conduite hésitante et ses finalités floues donnent en effet l'impression désastreuse que la France a peur d'elle-même», écrit notre voisin belge. «Discussions de sous-préfetcure», «défouloir au remugle vichyste», «malaise national»: Guy Verhofstadt voit en ce débat «un réflexe de peur incompréhensible quand on connaît le poids et l'influence de la France en Europe et dans le monde».
L'ancien premier ministre qui, comme une bonne partie des Belges, suit avec passion la vie politique française, ne peut s'en remettre à cette France telle que voulue par Eric Besson et Nicolas Sarkozy. «Il existe certes une autre France, maurrassienne, chauvine qui ne s'est pas illustrée au mieux lors des grands chocs nationalistes du XXe siècle. Mais de la France qu'on aime et dont on a besoin, on attend des idées, des projets, et non pas le repli identitaire d'une vieille nation frileuse, plus occupée à ressasser les échecs du passé qu'à préparer ses succès de demain.»
C'est la première fois qu'un responsable européen dénonce avec tant de vigueur la crispation et l'isolement organisés par le pouvoir. La presse européenne s'en était donné à cœur joie. Sans parler de la presse africaine ou du New York Times qui avait fait, le mois dernier, un éditorial au vitriol contre ce débat et les polémiques entretenues sur la burqa.
Il ne reste à notre parlementaire européen qu'à rejoindre les 50.000 signataires de l'appel de Mediapart. C'est ici: