François Bougon
Journaliste, chargé du pôle International à Mediapart
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Billet de blog 4 févr. 2020

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Coronavirus: la Chine fustige les «méchants» et exalte les «bons»

La lutte contre le coronavirus 2019-nCoV bat son plein en Chine. Décrétée cause nationale, elle est l’occasion pour le Parti communiste de punir les cadres fautifs et d’exalter les héros positifs.

François Bougon
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Lundi 3 février, le comité permanent du bureau politique, présidé par le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) Xi Jinping, s’est réuni une nouvelle fois pour traiter de la lutte contre le coronavirus, qui touche tout le pays et dont l’épicentre est la ville de Wuhan dans la province centrale du Hubei. Aucune image n’a été diffusée de cette réunion d’importance – certains décèlent dans cette disparition de l’image de Xi Jinping une preuve de sa mise en difficulté – et le journal du soir de CCTV à 19 h 00 heure locale – la grand-messe pour connaître en détail les activités des maîtres du pays – en a rendu compte de manière sobre en récitant et publiant des extraits sur fond bleu.

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Le compte-rendu du comité permanent du bureau politique par CCTV lundi 3 février. © DR

Son compte-rendu occupait également une grande partie de la une du Quotidien du peuple, l’organe du PCC de mardi. Il est difficile d’en rendre compte en détail, mais à sa lecture, et en allant au-delà du jargon typique de ce genre de texte, on se rend compte à quel point cela chauffe à Zhongnanhai, le siège des dirigeants chinois, non loin de la Cité interdite à Pékin. Xi Jinping, cité dans la dépêche de l’agence officielle Chine nouvelle (Xinhua), a averti : « Le problème le plus critique est de mettre en œuvre le travail avec soin. » Traduction : certains n’en font qu’à leur guise, mais qu’ils fassent attention à leur carte du Parti, à leur poste et aux avantages qui en découlent…

Tout le texte est cependant un équilibre entre la nécessité de mobiliser les troupes – des cadres du Parti et de l’armée –, tout en menaçant ces satanés récalcitrants auxquels il faut rappeler la nécessaire discipline. Le PCC joue toujours gros lorsque sa légitimité est en jeu. Et les retards à l’allumage de la part des cadres locaux constituent un bon handicap. Pour tenter de contrer cet effet négatif, Xi Jinping promet au peuple des sanctions exemplaires à ceux qui se laisseraient tenter par ce qu’il appelle « le formalisme [faire semblant de remplir sa mission – ndlr] et la bureaucratie ».

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La une du "Quotidien du peuple" de mardi 4 février 2020. © DR

Les ordres ne sont bien entendu pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Dès le lendemain, la Commission de discipline de la province du Hubei avait trouvé un coupable idéal : l’un des pontes de la Croix-Rouge locale accusé d’avoir mal organisé la collecte et la distribution des dons. Limogeage et blâme, rien ne lui a été épargné.  

Pour mettre en musique cette exaltation des héros et la mise au ban des « méchants », l’appareil de propagande est essentiel, a souligné Xi Jinping. C’est ce qu’on appelle en Chine le travail « d’orientation de l’opinion publique ». « Nous devons faire connaître en détail les principaux mécanismes de prise de décision du Comité central du Parti, rendre pleinement compte de l’efficacité des mesures conjointes de prévention et de contrôle dans diverses régions et départements, évoquer de façon vivante les histoires touchantes en provenance de la ligne de front de la prévention des épidémies, raconter l’histoire de la lutte de la Chine contre l’épidémie et montrer l’esprit d’unité et de cohésion du peuple chinois. […] Il est nécessaire de faire face aux problèmes existants, de publier des informations faisant autorité en temps opportun, de répondre aux préoccupations des masses, d’améliorer la rapidité, la pertinence et le professionnalisme, et de guider les masses pour renforcer leur confiance. »

Au journal du soir de CCTV mardi, l’un des responsables du ministère de la propagande, Zhang Xiaoguo, a précisé que « dans la nuit même le ministère de la propagande a transmis et étudié les mesures à appliquer ». Plus de 300 journalistes ont été dépêchés dans le Hubei et à Wuhan pour cette tâche d’importance. Et sur son compte Weibo, l’équivalent de Twitter, le Quotidien du peuple a publié mardi un post, accompagné d’un dessin que le réalisme socialiste des années 1950 et 1960 – on y voit notamment deux médecins héroïques Zhong Nanshan et Zhang Dingyu – n’aurait pas renié, avec ce commentaire : « Dans de nombreux endroits, des cadres dirigeants ont été tenus pour responsables, la prévention et le contrôle de l’épidémie est un test important, certains obtiennent des scores importants, d’autres échouent. Bien faire ou mal faire ce n’est pas pareil, les récompenses et les punitions sont sans ambiguïté. »

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Le post sur Weibo du "Quotidien du peuple". © DR/Weibo

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