Depuis le 7 octobre 2023, le rythme de la dégradation de l’image d'Israël dans le monde s’est spectaculairement accéléré. Une par une, ses prétentions humanistes et universalistes se sont dissoutes pour ne plus laisser place qu’à la nudité crue et obscène d’une agressivité sectaire explicitement suprémaciste. Ce n’est pas “par erreur”, ni par la main égarée de l’un de ses militants extrémistes incontrôlés, mais par la voix et la volonté de ses dirigeants les plus officiels, qu'Israël peut lucidement décider aujourd’hui de bombarder des hôpitaux, d’assassiner froidement et systématiquement des soignants, d’établir la liste des journalistes les plus dangereux pour sa réputation (200?) et passer impunément à la phase de leur élimination physique.
Impunément ? Cela reste à voir.
Dans l’opinion occidentale, tout comme dans une partie au moins des opinions mondiales, Israël a eu depuis sa création trois visages successifs. Il a d’abord eu celui, angélique et messianique, qui a réussi à capitaliser les bénéfices des mythes mensongers qui lui ont permis d’exister. La “justice” “compensant” l’épouvantable shoah. “La terre sans peuple pour un peuple sans terre”, le “socialisme” généreux des bâtisseurs, etc. Puis, le 4 novembre 1995, l’assassinat d’Itsak Rabin par un juif “ultra nationaliste”, comme on disait alors, a consacré non point seulement l’existence mais la centralité - au coeur de la société israélienne - d’une composante radicale, suprémaciste et sectaire qui coincidait fort peu avec l’image jusqu’alors imposée au monde. Netanyahu, en ouvrant, pour sauver sa carrière, la porte du gouvernement aux colons extrémistes, a consacré le triomphe de cette composante nauséabonde. Il a explicité en effet non point seulement les fondements sectaires de cette partie de la société israélienne mais plus encore le fait qu’une écrasante majorité du reste de cette société, strictement silencieuse devant la barbarie de son armée et de ses colons, s’y identifiait pleinement. Ainsi, la fiction d’un sionisme “de gauche”, “à visage humain”, a désormais fait son temps.
Le 15 mai 2022, l’assassinat délibéré de Shireen Abou Akleh, si documenté ait-il été, n’avait pas été assumé par l’armée israélienne. Celui, dument planifié et cautionné de Anas Sharif l’a été ouvertement par le sommet de l’Etat.
Restera-t-il impuni? Demain peut-être. Après demain certainement pas. L’hémoragie de légitimité qui affecte aujourd’hui, dans le monde en général mais tout autant dans le monde occidental, Etats-Unis inclus, les dirigeants israéliens à titre personnel pèsera demain sur n’importe lesquels de leurs successeurs, d’extrême droite ou de gauche. Netanyahu n’a pas seulement creusé la tombe d’Anas Sharif, ni même celle de l’extrême droite israélienne, il a de fait bel et bien “creusé la tombe du sionisme”(1).
(1) Monique Chemisier Gendreau (juriste française) : “Netanyahu a creusé la tombe du sionisme”