François BURGAT

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Billet de blog 30 mars 2025

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Poursuites contre François Burgat : la liberté d’expression en procès

Avec les poursuites contre le chercheur François Burgat, c’est la liberté d’expression qui est en procès Le délit d'"apologie du terrorisme" s’apparente à la haute trahison : il permet d’imputer la charge criminelle d’attentats passés ou futurs à quiconque refuse la ligne officielle du gouvernement relayée par la plupart des médias.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’islamologue et politologue François Burgat, directeur de recherche au CNRS aujourd’hui à la retraite, a notamment publié en 2016, aux éditions La Découverte, Comprendre l’Islam politique : une trajectoire de recherche sur l'altérité islamiste, 1973-2016 ; il y retraçait quarante-trois années de recherches, de l’Algérie à la Syrie, en passant par la Tunisie, le Yémen, la Libye, l’Égypte, la Palestine et la France.

C’est ce chercheur internationalement reconnu pour ses travaux sur l’islam politique, qui s’est retrouvé d’abord mis en garde à vue en juillet 2024, puis assigné en justice le 24 avril 2025, pour « apologie du terrorisme ».

Ce délit s’apparente à la haute trahison : il permet d’imputer la charge criminelle d’attentats passés ou futurs à quiconque refuse la ligne officielle du gouvernement relayée par la plupart des médias.

Il est reproché à François Burgat d’avoir écrit sur le réseau social X : « J’ai infiniment, je dis bien infiniment plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël. » Son opinion est fondée sur ses recherches mais aussi, bien entendu, sur son engagement en défense des droits des Palestiniens, dans un contexte de totale asymétrie des rapports de pouvoir entre les Palestiniens et l’État d’Israël. Une telle opinion peut et doit être discutée, et non proscrite. Si elle peut être contestée, il est particulièrement dangereux et inique de la qualifier de délit, selon une interprétation à la fois très large et particulièrement floue de « l’apologie du terrorisme ».

Est-il légitime de comparer les uns et les autres ? Le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, et en même temps contre le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif. Nombre de voix ont alors dénoncé ce qui leur apparaissait comme une mise en équivalence ; mais d’autres ont jugé le rapprochement justifié. C’est une question d’opinion.

Si les positions de François Burgat ne font pas l’unanimité, sa compétence de chercheur est reconnue. Et la controverse est précisément un élément essentiel de la recherche libre. Si, par ailleurs, ses opinions, exprimées publiquement, peuvent être contestées, c’est le principe même de la liberté d’expression. L’assigner en justice est une mesure d’intimidation qui vise à bâillonner, au-delà de François Burgat, le monde de la recherche. Or la confrontation des points de vue, au lieu d’être étouffée, devrait éclairer le débat public par l’analyse des situations et la contextualisation de l’actualité contemporaine. Un objectif qui ne devrait pas être passible de poursuites judiciaires, et encore moins de persécutions politiques.

L’administration judiciaire n’est pas censée valider un jugement au détriment d’un autre, sauf à mener des procès politiques. C’est d’autant plus important de le rappeler au moment où une autre islamologue, dont les travaux n’ont, eux, guère de crédit dans la communauté scientifique, reçoit la Légion d’honneur, comme pour légitimer ses prises de position radicales contre l’islam. L’État qui récompense une opinion semble ainsi vouloir en réprimer une autre. Or un État démocratique n’a pas vocation à imposer une vérité politique.

François Burgat ne fait nullement l’apologie du terrorisme, mais bien plutôt l’analyse de ses contextes. La CAALAP souhaite donc lui apporter son soutien. La question n’est pas de savoir si, saluant son travail de chercheur, nous partageons l’intégralité de ses opinions ; l’enjeu, pour nous, c’est d’affirmer le droit de les exprimer. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de ce chercheur, mais beaucoup plus généralement des chercheurs critiques et plus précisément de ceux qui, travaillant sur l’islam, ne s’alignent pas sur les directives du ministère de l’Intérieur.

Avec les libertés académiques, dans le monde de l’enseignement et de la recherche, c’est donc la liberté d’expression qui est menacée par l’État censé en être le garant.

Pour soutenir François Burgat, signez ici :

https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdLurco27yDz7r3RRGDJLjeRtuEbUQxQjmNDyJdyKx0Z78Txg/viewform?usp=header

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