Le serment de M Castex
Dans le cadre de la mission « d’impact, de gestion et de conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19 » de l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre Jean Castex a été auditionné Mardi 17 Novembre 2020. En prêtant serment devant les membres de la mission, M Castex a donc satisfait à l’Article 6 de l’Ordonnance du 17 Novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qui impose aux personnes auditionnées par les commissions d’enquêtes des assemblées « de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité »
Mais a-t-il effectivement respecté son serment ? C’est ce que ce texte souhaite étudier.
L'imprévisibilité de l'augmentation brutale de l'épidémie en question
Dans sa première réponse aux questions des membres de la mission, le Premier Ministre a souhaité souligner combien l’ampleur de la reprise épidémique était imprévisible, et ce, graphique à l’appui. M Castex a en effet présenté aux membres de la mission un graphique, « que (…) tous les français et toutes les françaises connaissent » (20 :15) montrant les courbes du nombre de cas covid- 19 quotidiens pour différents pays européens (voir la vidéo à 20:15).

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S'appuyant sur ce graphique, M Castex argumente (20:30) : « Depuis le mois de juillet, on a effectivement, une courbe, des courbes, là, on a plusieurs pays, (…) - mais je le tiendrai à la disposition de la commission - des courbes qui évoluent, comme diraient les mathématiciens de façon linéaire, et donc, face à cette linéarité, nous prenons des mesures, un cocktail de mesures, des mesures de freinage.(...) » M Castex poursuit(21:45) : « Brutalement, quelque part en Octobre, là ça change. Selon les pays se produit pour des raisons que les scientifiques eux-mêmes n’expliquent pas bien, une très brutale accélération de l’épidémie ; très brutale qui nous prend à tous, je le dis, de revers, il y a un petit décalage de jours, on le voit encore aujourd’hui, si on suit de façon extrêmement précise la situation pays par pays, la situation n’est évidemment pas exactement la même dans tous mais on a soudain une accélération très forte [pour tous les pays] » (les retranscriptions ont été faites par nous)
Je ne ferai que souligner ici l’affirmation très discutable du Premier Ministre, à savoir que tous les pays européens auraient été surpris. C’est, en effet, faire peu de cas du gouvernement allemand qui a pris des mesures sanitaires de prévention de la diffusion du virus alors qu’un nombre de cas covid bien plus faible qu’en France était constaté. Pourtant, dans son propos liminaire, M Castex avait indiqué aborder la période avec "humilité" (14 :15) : « Je tire beaucoup profit de ce qui se passe dans les pays étrangers, notamment européens (…) Cette crise présentant un caractère tellement inédit, parfois tellement surprenant, je dirais, qu’il me semble, à la fois, l’humilité et le souci de l’efficacité nous conduisent à regarder ce que font les autres (pays) et dans quelles mesures il est possible de nous en inspirer » L’apprentissage de M Castex et de son gouvernement semble donc bien insuffisant.
Mais revenons au graphique lui-même : j’ai repris à partir des données disponibles sur le site du gouvernement data.gouv.fr le nombre moyen journalier (sur 7 jours) des cas covid en France depuis fin mai jusqu’au 15 Novembre, représenté ci-après.

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Effectivement, on constate une légère augmentation des cas à partir de fin août (zone pointée en bleu) avant une très nette accélération « quelque part en octobre » (zone pointée en rouge). Apparemment, il aurait été très difficile, à partir de telles courbes d’anticiper la reprise aussi forte de l'épidémie.
Pourtant, le 9 Septembre, J.-F. Delfraissy, président du Conseil Scientifique, avait qualifié d'inquiétant le niveau de l'épidémie de Covid-19 en France. Le gouvernement, déclarait-il, "va être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles" "dans les huit à dix jours maximum » (source AFP) ce qui n'a pas été le cas . D’autres médecins de la santé publique avaient alerté sur la nécessité d’agir dès début septembre également. Dans un article d’Ellen Salvi publié le 9 Octobre sur Mediapart, William Dab, ancien Directeur Général de la santé déclarait : « On voit la courbe épidémique repartir nettement à la hausse » depuis la fin du mois d’août." « Il fallait, à partir de ce moment-là, organiser la priorisation des tests, le traçage des cas contacts et leur isolement complet. Or ce n’est toujours pas ce qu’on fait, dit-il. Si on avait réagi correctement début septembre, on n’en serait pas là. Aujourd’hui, c’est fini. On a perdu le contrôle. Nous n’avons plus qu’à subir. Le virus va circuler, il y aura deux fois plus de cas dans deux semaines, et une tension hospitalière. »
Alors quoi ? Sur quoi se fondaient et se fondent ces médecins pour prononcer de tels avis ?
Quand le caractère exponentiel de la diffusion de l'épidémie n'est pas une figure de rhétorique
La presse écrite et audio-visuelle s'était pourtant bien faite l’écho d’une progression exponentielle de l’épidémie, d’un nombre de cas positifs qui doublent tous les 10 ou 15 jours selon les estimations. La progression exponentielle n’est pas, comme a voulu faire croire M Castex, une figure de rhétorique pour exprimer le caractère « explosif » de la diffusion de l’épidémie. C’est bien au sens épidémiologique et mathématique que la notion d’exponentielle doit être entendue.
Je reproduis donc ici les données de la courbe précédente, mais en reportant le nombre de cas covid cette fois-ci à l’échelle logarithmique …
Et que constate-t-on ? C’est bien dès fin juillet que la progression des cas covid se manifeste (zone soulignée en rouge), et la fameuse rupture de début octobre, mentionnée par M Castex, n’est que la continuité de cette croissance exponentielle continue (on note un léger tassement des cas covid fin septembre qui semble correspondre en réalité à une baisse temporaire du nombre de tests effectués sur cette période, pour une raison que je n'ai pas étudiée précisément : des articles évoquent un changement de directive du Ministère de l'Education Nationale qui n'oblige plus, dans les écoles primaires, à tester tous les élèves d'une classe systématiquement, en deçà de trois cas déclarés).

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Pourtant lors de l’audition, M Castex persiste : « Début septembre, effectivement vous avez raison, il y a une augmentation, mais qui est quand même faible. Vous avez cité des scientifiques qui auraient dit "il faut faire ci ou faire là", je me suis permis d'en trouver d'autres.»
Le mensonge de M Castex
On ne peut concevoir que M Castex, par ailleurs, M Déconfinement sous le gouvernement Philippe, ne sache pas ce qu'est une croissance exponentielle et n'ait pas eu sous les yeux à un moment ou à un autre de tels graphiques en échelle logarithmique bien connus en épidémiologie et en santé publique. Notre hypothèse est donc que M Castex a utilisé sciemment un graphique inadapté pour étayer faussement, auprès des membres de la commission sa thèse de l'imprévisibilité de l'explosion de l'épidémie. Il se paye même le luxe de se référer aux "mathématiciens" en évoquant, sur la période de juillet à août, la "linéarité" de la courbe de cas covid qu'il montre à la commission, alors que les médecins de santé publique évoquaient la linéarité de la courbe... logarithmique !
De deux choses l'une : soit M Castex est totalement incompétent et ignore ces éléments et l'on peut se poser la question de la pertinence d'avoir nommé une telle personne à ce poste dans cette situation difficile. Soit M Castex a délibérément menti devant la mission de l'Assemblée Nationale. Nous penchons clairement vers la seconde hypothèse. Dans ce cas, son comportement est passible du pénal.
Quand porter plainte contre M Castex pour parjure est un devoir citoyen
Dans la période actuelle où la pratique de la démocratie en France et dans le monde se dégrade de jours en jours, il est essentiel de porter en justice M Castex, Premier Ministre pour parjure devant une commission de l'Assemblée Nationale. On ne peut accepter que des personnes auditionnées devant des instances représentatives des électeurs se permettent de dire n'importe quoi pour servir leurs seuls intérêts.
Porter plainte contre M Castex est un devoir citoyen afin que les institutions de la République soient respectées.
Question : un simple citoyen peut-il porter plainte contre une personne pour parjure devant une commission de l'Assemblée Nationale ou seul le Bureau de l'Assemblée Nationale composé de son président, des ses vice-présidents et de ses questeurs est-il habilité à le faire ? Je crains que seulle la seconde option soit possible dans notre constitution actuelle, ce qui laisse de beaux jours aux membres d'un gouvernement pour raconter n'importe quoi devant les représentants du peuple.