Maintien des groupes en 6ème et 5ème

La ministre de l'Education nationale présente ce 12 novembre "l'Acte II du Choc des savoirs". Elle se place dans "la continuité" de Gabriel Attal. Pour son entourage, les mesures de l'Acte II veulent "vaincre toutes les formes d'assignation". "Face au populisme et au déclinisme, l'Ecole est la solution", affirme t-il. Un an après les annonces de G. Attal qui ont été rejetées par les syndicats enseignants, Anne Genetet veut "aller plus loin". Mais sans pouvoir mettre de moyens dans ses réformes. Résultat : il ne reste du "Choc des savoirs" que des mesures qui abaissent un peu plus le métier enseignant.
Malgré l'opposition des syndicats enseignants, pas question de revenir sur les groupes de niveau en 6ème et 5ème décidés par G. Attal. La ministre maintient ces groupes. Son entourage rappelle qu'ils sont obligatoires en 6ème et 5ème. Ce qui confirme que la mise en place sur le terrain est très élastique. L'évaluation de ce dispositif ne vise donc pas à les remettre en cause mais à détecter "les pratiques efficaces" qui pourraient être généralisées.
Des groupes low cost en 4ème et 3ème
Anne Genetet veut "aller plus loin". Les groupes "de besoin" vont être introduits en 4ème et 3ème. Mais pas comme en 6ème et 5ème. Le budget ne le permet pas. Donc ce sera "une heure de groupe hebdomadaire, en alternance maths / français dans le volume horaire annuel actuel". Les groupes ne seront donc pas obligatoires pour tous les collèges.
Pour rendre obligatoires à raison d'une heure seulement des groupes réduits, il aurait fallu, pour les 50 000 classes de 4ème et 3ème, au moins 3000 postes. Le ministère annonce souhaiter y consacrer 1000 postes seulement. A condition de les trouver. L'entourage de A Genetet espère que le débat budgétaire allonge d'autant le nombre de postes de l'Education nationale. Sinon il envisage des redéploiements de moyens. On se demande comment. Les collèges ont déjà utilisé leurs marges pour les groupes de 6ème et 5ème. Et le ministère promet qu'il ne supprimera pas d'heures dans d'autres disciplines, comme il l'avait fait en 6ème pour permettre les groupes aux dépens de la technologie.
L'heure en groupe visera "la préparation du brevet". Il semble pourtant que c'était déjà ce que faisaient les enseignants de français et maths...
Dans le cas le plus favorable, seul un collège sur trois environ pourrait avoir des moyens pour mettre en place cette fameuse heure hebdomadaire en groupe réduit. Le ministère affirme que ce seront les collèges ayant le plus de difficulté. Mais ce seront les académies qui flècheront les moyens. Les autres pourront toujours inscrire l'heure dans l'emploi du temps actuel sans rien changer. Là où elle sera appliquée, cela se traduira par davantage de cours en barrette. Ce qui générera de nouvelles tensions dans les emplois du temps des enseignants de maths et français, déjà très contraints par les groupes de 6ème et 5ème.
Pour regonfler le désert pédagogique de cette annonce, la ministre annonce que ces groupes seront complétés par de nouveaux moyens pour "Devoirs faits" et les "stages de réussite". Certains collèges pourront doubler l'horaire de Devoirs faits (soit 2h hebdo) pour les élèves en difficulté et qui le voudront avec des crédits prélevés sur le Pacte. L'histoire de Devoirs faits montre que ce sont rarement les élèves qui en auraient besoin qui en profitent. Et les accompagnants seront rarement des professeurs de français ou de maths.
Nouvelles pressions sur les pratiques enseignantes
Après Blanquer, après Attal, Anne Genetet veut, elle aussi, marquer son passage par une nouvelle refonte de tous les programmes de la maternelle à la terminale. A la rentrée 2025, de nouveaux programmes de maths et français entreront en vigueur de la maternelle à la 6ème (incluse). Les programmes des cycles 1 et 2 sont parus. Par exemple, on y enseigne les fractions dès le CE1 ce qui donne une idée du volontarisme à l'oeuvre ou de l'irréalisme. Les programmes du cycle 3 seront publiés début 2025.
Toujours à la rentrée 2025, de nouveaux programmes de langues sont annoncés pour la 6ème et le lycée. A la rentrée 2026, A Genetet annonce de nouveaux programmes dans toutes les matières du collège. Ces programmes reposeront sur des repères annuels, ce qui enterre, de facto, les cycles.
Avec les nouveaux programmes, le ministère lance la labellisation des manuels scolaires dès la rentrée 2025 en maths et français de CP et CE1. L'entourage de la ministre rappelle la liberté des enseignants de les choisir ou pas. Sauf qu'ils seront payés d'office par l'Etat en Rep, Rep+ et dans les communes rurales. 9 millions sont prévus au budget pour cela. La ministre compte sur les maires pour imposer ces manuels.
Une laborieuse réforme du brevet
Anne Genetet veut elle aussi réformer le brevet, un examen retoqué pratiquement chaque année depuis 2017. La philosophie générale c'est d'affirmer le relèvement de son niveau. En même temps, l'entourage d'A Genetet dit viser 90% de réussite, comme aujourd'hui. En 2025, les notes d'EMC et d'histoire géo seront séparées pour "valoriser l'EMC" à petit coût. Une nouvelle mention sera offerte aux candidats ayant plus de 15 de moyenne.
Mais la vraie réforme est attendue pour 2026. La ministre veut rééquilibrer la part du contrôle continu et de l'examen terminal en passant à 40/60 (au lieu de 50/50 aujourd'hui). Surtout elle tranche contre la maitrise du socle. Le controle continu reposera sur la moyenne des notes. Là aussi un choix idéologique est fait : l'enterrement du socle commun. Mal supporté par les ministres, sauf entre 2012 et 2017, depuis ses débuts en 2005, il est finalement retiré de l'examen final d'un collège que l'on ne veut plus unique.
En 2027, si ce gouvernement existe encore, le brevet deviendra obligatoire pour entrer au lycée. Les candidats recalés, qui sont les plus défavorisés socialement, iront en CAP ou dans des classes "prépa lycée". On peut craindre que ce nouveau frigidaire scolaire augmente le taux de décrochage. Eliminer 10% des jeunes les plus faibles n'est pas que positif pour le budget. C'est aussi un moyen d'améliorer les statistiques, par exemple celles de Pisa...
Une épreuve de sciences en première
Une épreuve anticipée d'enseignement scientifique sera instaurée au bac général et technologique en juin 2026. Elle sera passée par les élèves de 1ère, à l'image de l'épreuve de français. Pour l'entourage de la ministre, qui parle d'épreuve "de maths", il s'agit de "replacer la culture scientifique au coeur d'un projet de l'Ecole". Il est vrai que la réforme de JM Blanquer lui a beaucoup nui. Mais pour des raisons plus profondes qu'une seule épreuve.
Une centaine de CPE supplémentaires
Des moyens seront ciblés pour améliorer le climat scolaire de certains collèges. Le ministère va recruter une centaine de CPE et 600 AED supplémentaires. Le concours de CPE pourrait proposer plus de postes. Surtout le ministère mise sur des contractuels. Cette mesure, peu onéreuse, est financée par redéploiement interne dans le budget.
Des mesures qui dégradent le métier enseignant
Faute de moyens budgétaires, l'Acte II du Choc des savoirs va surtout alimenter la communication gouvernementale. Il s'agit de répondre, par une communication habile, à une baisse réelle de niveau des élèves français que des évaluations internationales, comme TIMMS début décembre, pourraient mettre en évidence.
Ce que dit l'Acte II c'est qu'améliorer le niveau ne nécessite pas de moyens supplémentaires pour l'Ecole. Pour diminuer l'échec scolaire et lutter contre les inégalités sociales de réussite solaire, il suffit d'avoir de nouveaux programmes et un peu de soutien fait par n'importe. Si la situation ne s'améliore pas c'est que les enseignants ne suivent pas les programmes. L'Acte II c'est d'abord du populisme éducatif.
Mais l'Acte II vise un objectif. Avec les évaluations nationales, qui permettent d'évaluer le travail de chaque enseignant et, dans plusieurs académies, d'agir sur l'affectation des enseignants, le ministère se dote avec l'Acte II de nouveaux outils pour asseoir son contrôle sur le travail enseignant en imposant des pratiques ministérielles à des personnels qui ont été formés pour faire un travail d'expert. Avec le rétablissement de filières séparées au collège grâce aux groupes de niveau, ce gouvernement construit une prolétarisation du travail enseignant.
François Jarraud