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Billet de blog 14 mai 2025

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Betharram : Les cadres de l'éducation démontent les mesures Borne

Les questionnaires anonymes sur les violences exercées sur les élèves ? Du vent ! déclarent les syndicats de personnels de direction devant la Commission d'enquête sur les violences sur élèves de l'Assemblée le 14 mai. Les inspections d'établissements privés promises ? Encore du vent démontrent les syndicats d'inspecteurs.

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Des questionnaires qui ne servent à rien

Illustration 1
Les représentants du Snpden Unsa devant la commission d'enquête le 14 mai 2025 © Flux vidéo de l'Assemblée nationale

Quand les cadres parlent, le bateau coule. Six syndicats, trois de personnels de direction (Snpden Unsa, ID Fo et Sgen Cfdt), trois de personnels d'inspection (Snia Ipr, Si.En Unsa et Sui Fsu) sont auditionnés le 14 mai par P. Vannier (LFI) et V. Spillebout (EPR), rapporteurs de la Commission d'enquête sur les violences sur élèves de l'Assemblée.

"Le recueil de la parole doit être systématisé dans les lieux où les élèves peuvent être les plus vulnérables. Les élèves en internat auront accès à des questionnaires anonymes en ligne à chaque trimestre. Les questionnaires seront aussi proposés à la suite de voyages scolaires, dès lors qu'ils comportent une nuitée... En fonction des réponses à ces questionnaires, et à la moindre alerte, des entretiens avec des professionnels sociaux, de santé et des psychologues seront organisés" Pressée par le scandale Betharram, E. Borne annonce le 17 mars une mesure qui doit libérer la parole des élèves et empêcher de futures violences sur élèves. Elle sera généralisée à la rentrée 2025 et devrait empêcher les scandales.

Pour une fois unanimes, les syndicats de personnels de direction en doutent. "Les questionnaires vont-ils sincèrement recueillir la parole des enfants ?", interroge Patrick Bedel, secrétaire général adjoint d'Indépendance et direction FO. "Il risque de parasiter le travail".  "Il ne faudrait pas reproduire l'échec du questionnaire anonyme sur le harcèlement", explique Eric Nicollet du Sui-Fsu. "Faute de personnel il n'a pas donné lieu à des suites concrètes. Comment les Dasen pourront-ils les traiter ?" Pire encore que l'absence de traitement, les personnels de direction craignent des retombées négatives. Ces questionnaires envoyés automatiquement au Dasen, pourraient générer des décisions sans raisons légitimes et empêcher un vrai travail sur les violences exercées sur des élèves.

Pas de personnel pour accueillir la parole des élèves

"Pour que la parole des élèves s'exprime, il faut un climat de confiance", explique Laurent Kaufmann du Sgen Cfdt. "La parole n'arrive pas spontanément à la direction. Il faut une équipe médico sociale dans l'établissement". Une affirmation soutenue aussi par Olivier Beaufrère, secrétaire national du Snpden Unsa. Des propos qui tombent le jour même où la ministre doit dévoiler son plan pour la médecine scolaire. Or les chiffres sont sévères : il n'y a que 7 533 infirmières et 2756 assistantes sociales pour 12 millions d'élèves, soit un pour environ 1200 élèves. Le questionnaire anonyme apparait ainsi pour ce qu'il est : un gadget de communication politique.

D'autant que l'appel à des associations partenaires pour traiter la question est devenue quasi impossible, se plaignent les organisations de personnel de direction. "Le plan Remplacements de courte durée (RCD) vient impacter nos velléités d'actions de prévention", déplore Christelle Kauffmann, secrétaire générale adjointe du Snpden Unsa. "On est dans l'obsession du RCD qui nous fait faire des choses délirantes", confirme Laurent Kaufmann du Sgen Cfdt.

Des rapports d'inspection sous contrôle

L'audition des syndicats d'inspection va s'avérer encore plus sévère pour E. Borne. Le 15 mars, la ministre a annoncé, dans La Tribune, 60 inspecteurs "déployés en 2025 et 2026 pour inspecter les établissements privés sous contrat, soit 30 par an. " 40% des établissements privés sous contrat seront inspectés dans les deux prochaines années, dont la moitié par des visites sur place", précise la ministre.

"Ce n'est pas avec 30 emplois ETP que l'on va avoir un programme ambitieux", souligne Eric Nicollet, secrétaire général du Sui Fsu. "La ministre nous dit que l'on doit faire 20% des établissements par an dont 10% en présentiel. Il faut donc 10 ans pour voir tous les établissements privés sous contrat controlés en présentiel". D'autant que Philippe Janvier, secrétaire général du Snia-Ipr, souligne les difficultés de recrutement des IPR.

Avec Patrick Roumagnac, trésorier du Si.En Unsa, Eric Nicollet déplore l'absence de feuille de route claire. "La réponse (de la ministre) est politique. Il y a un problème et on crée des emplois. C'est légitime. Mais il va falloir opérationnaliser et les discussions ne sont pas encore ouvertes". Les syndicats de personnels d'inspection veulent des feuilles de route claires sur ce qu'ils peuvent faire. "On marche sur des oeufs" , explique P Roumagnac. "L'inspecteur qui va dans un établissement sous contrat fait objet de pressions".

Eric Nicollet va plus loin. "Il n'y a pas de publication de nos rapports et cela pose problème. Car on constate que des parties de nos rapports peuvent être supprimées ou édulcorées. C'est reporté régulièrement par nos collègues. Il y a des relectures au niveau des rectorats".

Ces propos interpellent les rapporteurs de la Commission. Déjà indigné de voir le secrétariat général de l'enseignement catholique associé à la rédaction du vade-mecum des controles alors que les syndicats ne le sont pas, Paul Vannier demande des faits précis. On les lui promet. Sale journée pour E. Borne.

François Jarraud

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