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Billet de blog 14 mai 2025

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Santé scolaire : Borne lance la visite médicale de papier

"Notre système de santé scolaire ne répond plus aux besoins des élèves", affirme E Borne le 14 mai. Dénoncé depuis des années, l'état de la médecine scolaire nécessite un effort important. En conclusion des Assises, E Borne annonce le 14 mai un plan qui tire un trait sur un grand service de santé scolaire.

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Une médecine scolaire en disparition

Illustration 1
Dans une classe de l'école élémentaire © François Jarraud

Partons des bases. Selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale, celle-ci ne compte que 714 médecins scolaires et 7 533 infirmières pour 12 millions d'élèves. Et leur nombre décroit rapidement. On compte un médecin pour 16 000 élèves et une infirmière pour 1600 jeunes. Aussi ne sera t-on pas surpris de constater que la visite obligatoire à 6 ans n'est effectuée que par 18% des élèves  et le bilan infirmier à 12 ans par seulement 62%.  L'âge moyen des médecins scolaires est de 56 ans et celui des infirmières de 49 ans. Pour la première catégorie le ministère entrevoit l'extinction de l'espèce à courte échéance. Ce n'est pas faute de poste. Mais celui-ci est tellement mal rémunéré dans un pays qui manque de médecins que les postes mis aux concours ne trouvent pas de candidats. La ministre promet "des mesures en faveur des métiers de la médecine scolaire en 2026" et une revalorisation des médecins. On évoque 500€ (sans promettre) mensuels bruts par mois en début et fin de carrière si Bercy l'accepte. Mais serait-ce suffisant ?

Alors que faire face à ce désastre ? Depuis des années les rapports s'accumulent. Le plus marquant est celui de la Cour des Comptes de 2020. On en retrouvera les recommandations dans les annonces d'E Borne à l'issue des Assises de la santé scolaire le 14 mai.

Une visite médicale de papier

La principale annonce c'est la suppression du caractère obligatoire de la visite médicale à 6 ans. Certes celle-ci n'était plus effectuée que pour moins d'un enfant sur cinq. E. Borne ne tente pas de la rétablir. Elle la transforme en une visite de papier. "Tous les enfants bénéficieront d'un examen de leur dossier médical" se réjouit-on dans l'entourage de la ministre. Le "pôle de ressources de la circonscription", regroupant médecin, infirmière et psyEN analysera le dossier médical de chaque enfant. Ce dossier sera  alimenté par les documents transmis par les parents, comme le carnet de santé, ceux venus de la visite à 4 ans par la PMI (un peu plus assure que celle de 6 ans). A l'issue de cette visite sur papier, l'enfant sera orienté soit vers une visite médicale avec un médecin scolaire (qui est de droit aujourd'hui), soit vers une consultation infirmière ; soit vers un bilan réalisé par un psyEN.

Une réorganisation de la santé scolaire

Sans l'afficher, cette mesure matérialise les nouvelles orientations de la santé scolaire, telle qu'elles étaient recommandées par la Cour des Comptes en 2020. Elle regroupe médecine scolaire et médecine de ville, notamment la PMI. Elle prépare ainsi le passage de relais de l'une vers l'autre. Elle réorganise le fonctionnement de la santé scolaire. La Cour déplorait que chaque corps travaillait de son coté. Dans cette nouvelle organisation, les médecins, infirmières et psyEN entrent dans un pool commun dirigé par un pilotage départemental. C'est la fin de l'indépendance relative de chaque corps. Enfin elle intègre les psyEN dans le service de santé scolaire ce qui représente un apport nombreux, même si leur formation n'est pas médicale.

Cette réorganisation va se traduire par un pilotage au niveau des Dasen comme le souhaitait la Cour des Comptes. "Dans chaque département nous allons créer un pole "psycho - médico-social autour du Dasen", annonce E Borne. "Il sera chargé de définir et de déployer une stratégie et des priorités adaptées à chaque département". C'est exactement la réorganisation du service que la Cour demandait et c'est un des points les plus importants de cette réforme, même s'il n'est pas mis en avant.  La Cour demandait aussi la création de CESC de bassin à la place des CESC d'établissement. On verra si ce sera l'étape suivante...

Des PAP sans avis médical

E Borne a aussi annoncé des mesures "de simplification" pour "libérer du temps médical". Ainsi les PAP ne nécessiteront plus d'avis médical. il seront mis en place par "l'équipe éducative". La circulaire de 2015 demandait un constat fait par un médecin après examens. Ce n'est plus la cas. Le ministère semble considérer que les enseignants ont la formation nécessaire suffisante pour détecter des troubles. Plus grave, les visites médicales pour autoriser les lycéens professionnels à utiliser des machines dangereuses n'auront plus lieu qu'en début de cycle. Elles n'étaient effectuées qu'à 80%. Mais il y va de la vie de ces jeunes.

Une gestion bureaucratique de la santé mentale

Les autres mesures concernent la santé mentale. Elles sont nombreuses... sans pour autant être couteuses. Alors qu'un cas  récent à Nantes a montré l'urgence de la détection des troubles mentaux, le ministère décide de "systématiser des protocoles dédiés à la santé mentale" dans toutes les écoles, collèges et lycée d'ici fin 2025. Pour cela, il fera appel à de vrais spécialistes. Les inspecteurs IEN et les personnels de direction auront une formation à distance (Magister) pour mettre en place ces protocoles. Deux enseignants référents seront mis en place dans chaque lycée, collège et circonscription d'ici la fin de l'année scolaire prochaine. Enfin le ministère envisage de redéployer 100 psyEN (un par département) qui seront les conseillers techniques des dasen. Des lycéens seront aussi formés. Sans qu'on sache très bien si c'est un cadeau à leur faire.

Ce résultat des Assises est remarquable. La problématique de la santé mentale devient une question d'administration. Les élèves deviennent responsables de leurs camarades. Mais tout cela cache l'essentiel. La ministre supprime le droit à une visite médicale alors que pour certains enfants c'est la seule occasion qui leur est offerte. En même temps ses mesures se traduisent par une réorganisation bureaucratique d'un service qui bientôt ne concernera plus que des infirmières.

François Jarraud

Le dossier de presse

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