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Billet de blog 15 juillet 2024

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Le vote enseignant bien ancré à gauche

Résistants. Les premières données des élections législatives 2024 montrent que les enseignants restent un bastion pour la gauche. Reste à comprendre pourquoi.

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Un vote majoritairement à gauche

Illustration 1
Enseignants dans la cur d'un lycée parisien le jour de la rentrée. © François Jarraud

Alors qu'un tiers des fonctionnaires d'Etat ont voté pour la gauche aux élections législatives de juin 2024, les enseignants se distinguent avec 51% de vote pour les candidats de la gauche, soit un score plus important qu'aux présidentielles de 2022. Ces premiers résultats dévoilés par Luc Rouban (Cevipof Sciences Po) sur Twitter montrent que la singularité du vote enseignant perdure.

Aux élections législatives de juin 2024, 16% des enseignants ont voté pour la gauche radicale (LFI +PCF), 8% pour les candidats écologistes et 27% pour les candidats PS. 17% ont voté pour les candidats macronistes. 9% ont choisi la droite LR. Et seulement 17% ont préféré l'extrême droite (RN et Reconquête). La gauche est majoritaire chez les enseignants alors qu'en 2022 une majorité avait voté pour le centre et la droite.

Les enseignants se distinguent nettement des autres cadres de la Fonction publique. Ceux-ci ont voté pour l'extrême droite à 29%. Et seulement 39% a voté à gauche.  Ils se différencient aussi des cadres du privé qui ont opté pour la gauche à 30% et pour l'extrême droite à 26%.

Rééquilibrage à gauche

Les élections législatives de 2024 montrent aussi des évolutions du vote enseignant. Si les professeurs préfèrent la gauche, le rapport entre la gauche radicale et le PS s'est inversé. Aux présidentielles de 2017, 19% des enseignants avaient voté pour le PS et 27% pour la gauche radicale. Aux présidentielles de 2022, le PS était pulvérisé avec un score de 3%, alors que la gauche radicale recueillait 33% des voix enseignantes. 2024 voit à la fois un rebond du vote à gauche (de 36% des voix à 51%) et un rééquilibrage. Le PS connait une forte hausse avec 27% des voix enseignantes (9 fois plus qu'aux présidentielles de 2022 !). Le "lien historique" avec le PS que Luc Rouban considérait, en 2022, comme "définitivement rompu" est renoué.

L'ancrage de l'extrême droite

Autre singularité du vote enseignant : son rapport à l'extrême droite. Alors que celle ci a connu une très forte hausse dans le pays à l'occasion des élections législatives 2024, les enseignants votent moins pour l'extrême droite qu'en 2022. Aux présidentielles 2017,8% des voix enseignantes s'étaient portées sur l'extrême droite. En 2022, au premier tour, l'extrême droite recevait 20% des voix enseignantes. En 2024, c'est 17%. On assiste donc à un reflux. Mais aussi, et c'est nouveau, à un ancrage. Alors que l'extrême droite était marginale dans le monde enseignant, elle est maintenant bien installée chez les professeurs. Dans chaque salle des professeurs, un peu plus encore dans les salles des maitres (l'extrême droite atteint 18% des voix chez les professeurs des écoles), il y a des enseignants qui préfèrent l'extrême droite.

Une réponse à la politique éducative d'E Macron

Cela pose la question du moteur de ces votes. En 2022, Luc Rouban interrogeait le poids des cultures familiales et professionnelles. Il montrait que les fonctionnaires sont plus souvent issus d'une famille votant à gauche que les autres catégories de la population. Mais plus déterminant semblait être la culture professionnelle. Ainsi, en 2022, les enseignants manifestaient une nette opposition à la privatisation des services publics. 78% d'entre eux estimaient que l'Etat ne devait pas faire appel à des cabinets privés et 80% dénonçaient une trop forte dépendance envers les groupes privés.

Aussi, ce vote enseignant est aussi une réponse à la politique éducative d'Emmanuel Macron. Le président de la République a tenté d'augmenter son influence dans le monde enseignant. D'abord en choisissant des ministres qui semblaient compatibles avec les valeurs professionnelles, comme P. Ndiaye puis N. Belloubet. Ensuite, en tentant une revalorisation. Il a clairement échoué. Seulement 17% des enseignants ont voté pour les candidats Renaissance. La revalorisation a laissé de coté des catégories entières d'enseignants. Et les réformes, comme "le choc des savoirs", prennent le contre pied de ce en quoi croient les enseignants.

C'est peut-être cela le grand enseignement de cette élection. Il y a bien un lien entre  le choix politique des enseignants, leur vision du monde et leurs valeurs professionnelles. Cela amène deux interrogations. D'abord sur la place des professeurs d'extrême droite dans les salles des profs. Ensuite pour l'avenir. La politique éducative d'E Macron est largement partagée par la droite et l'extrême droite. Elle dispose d'une large majorité à l'Assemblée nationale. Les enseignants sont condamnés à être des résistants.

François Jarraud

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