Un très net rejet de la politique éducative

Chaque année la publication du Baromètre Unsa est attendue. C'est la plus large consultation des personnels d'éducation. Le Baromètre concerne tous les métiers, et pas seulement les enseignants. Il permet de suivre les évolutions sur une décennie, du quinquennat Hollande à celui d'E. Macron. L'édition 2025 compte plus de 50 000 participants.
Le chiffre le plus attendu est celui de l'accord avec les politiques éducatives menées par le gouvernement en place. Il n'a jamais été très élevé. En 2016, pourtant une année budgétairement faste, 26% des personnels d'éducation soutenaient la politique suivie. Le décrochage s'est produit en 2019 où on passe à 10% de personnels en accord avec la politique d'E Macron. En 2025, seulement 6% des personnels d'éducation soutiennent la politique de l'exécutif. C'était 7% en 2024, 9% en 2022. Entre temps, on a vu passer des ministres. Mais l'attitude ambigüe d'E. Borne avec le maintien de la quasi totalité des réformes lancées par JM Blanquer puis G Attal expliquent cet abysse.
Plus grave peut-être. Ce discrédit touche tous les métiers de l'éducation. Seulement 3% des enseignants (1er et 2d degrés) sont en accord avec la politique gouvernementale. Chez les directrices et directeurs d'école, qui ont fait récemment l'objet de la loi Rilhac sensée améliorer leur sort, on atteint tout juste 4%. Les personnels de direction comptent 13% de soutien. Il est vrai qu'ils voient se multiplier des mesures dont ils doivent assumer l'impopularité et la mise en place. Les corps d'inspection étaient , sous F Hollande, majoritairement en accord avec les choix de politique éducative. Ce n'est plus vrai que pour un quart des IPR (24%) et un tiers des IEN (29%). Même les cadres, qui sont les supports du système, marchent à contre coeur.
Un rejet qui concerne E. Macron
Ce ne serait pas grave si la politique éducative ne découlait que du gouvernement. Mais Emmanuel Macron s'est largement emparé du sujet. Que l'on repense, par exemple, au discours de Marseille le 2 septembre 2021, de celui du 17 mars 2022 sur les enseignants, de celui sur la formation des enseignants le 5 avril 2024, de celui sur la réforme de la voie professionnelle le 5 aout 2022, de la lettre aux professeurs de septembre 2022 ou des Assises de la maternelle le 27 mars 2018. Emmanuel Macron s'est occupé de tout. Il a dirigé de près la politique éducative menée depuis 2017. Dès 2019, les personnels d'éducation s'en étaient détournés. Aujourd'hui elle leur est devenue insupportable.
Le pouvoir d'achat en berne
L'adjectif est fort. Mais le Baromètre permet de saisir les contours de ce refus net de la politique suivie. Les personnels d'éducation ne se sentent pas respectés dans leur pratique professionnelle. Selon le baromètre 32% des personnels d'éducation sont dans ce cas. Là on note une différence entre les cadres et les enseignants. La majorité des inspecteurs et personnels de direction se sentent respectés. Mais ce n'est la cas que de 25% des enseignants.
Seulement un tiers des personnels d'éducation estiment avoir des conditions de travail satisfaisantes. Là aussi c'est en forte baisse depuis 2016 (44%). On descend à 27% chez les enseignants (contre 40% pour les IPR).
Alors que l'exécutif déclare qu'il y a eu une revalorisation, le pouvoir d'achat est la revendication prioritaire pour 58% des personnels d'éducation. C'était 60% en 2016. La revalorisation n'a concerné que les tout débuts de carrière. Pour tous les autres, l'inflation a plus qu'annulé la revalorisation du point FP et les mesures catégorielles de ces dernières années. Les enseignants sont les plus concernés (60%), les inspecteurs et personnels de direction un peu moins (40%). Par contre les cadres se plaignent de l'aggravation de leur charge de travail : 77% des IEN, 76% des IPR et 69% des personnels de direction.
Changer de cap
Les personnels de l'éducation envisagent pour 37% d'entre eux de changer de métier dans le secteur public et pour 25% dans le privé. Les cadres se verraient bien dans un autre emploi public (45% des perdirs, 44% des inspecteurs) quand 27% des enseignants aimeraient quitter leur métier pour le privé. Ce ne sont pas des souhaits à prendre à la légère. Alors que l'Education nationale n'arrive plus à remplir les postes d'enseignants qu'elle propose, le nombre de départs volontaires ne cesse d'augmenter. Il y en avait 1232 en 2016-2017 et 2473 en 2022-2023. Le taux de départ volontaire a été multiplié par trois sous E Macron. Encore le ministère bloque t-il la plupart des demandes de rupture conventionnelle. Alors que ces départs concernaient majoritairement des stagiaires sous F Hollande, aujourd'hui ce sont à 80% des enseignants chevronnés.
Ce que montre ce baromètre sur une décennie c'est la rupture des années JM Blanquer. Le décrochage a eu lieu jusqu'à l'incident d'Ibiza. Mais les personnels d'éducation voient se perpétuer le même discours et la même politique portées par des ministres interchangeables. Le vrai ministre est à l'Elysée. Et l'Ecole n'en peut plus qu'il change de politique. Comme dit Morgane Verviers, secrétaire générale de l’UNSA Education, "le problème c'est le cap".
François Jarraud