La nouvelle approche originale de PISA
 
    L'OCDE publie ce 18 juin un nouveau volume de PISA 2022. PISA étudie l'efficacité des systèmes éducatifs dans le monde à hauteur des jeunes âgés de 15 ans. Le nouveau volume, l'OCDE analyse pour la première fois la créativité des systèmes éducatifs de près de 80 pays. La France apparait comme le pays où la créativité des jeunes est la plus contrariée à l'école.
Qu'est ce que la créativité à l'école ? PISA évalue les réponses des jeunes âgés de 15 ans à des questions où ils doivent "penser en dehors de la boite". Ils ont eu une heure pour apporter des réponses à des problèmes mettant en jeu leur créativité en expression écrite ou visuelle ou dans la résolution de problèmes. Par exemple on leur a demandé de donner un titre à une illustration énigmatique. Ou encore de résoudre un problème d'accès aux livres dans une bibliothèque à l'ancienne.
Pourquoi s'intéresser à la créativité ? Pour l'OCDE, la créativité peut et doit s'enseigner. L'OCDE observe que les systèmes éducatifs les plus créatifs (Singapour, la Corée du Sud, le Canada, la Nouvelle Zélande, la Finlande et l'Estonie) sont aussi les pays ayant les meilleurs résultats scolaires. Au delà, la créativité apprise et encouragée à l'école adapterait davantage les élèves aux défis économiques et sociaux qu'ils vont devoir affronter dans leur vie adulte.
La créativité contrariée à l'école en France
Et la France dans cette nouvelle évaluation ? Les jeunes Français se situent, là aussi, dans la moyenne de l'OCDE, avec un peu moins d'élèves très performants et un peu moins de très faibles que la moyenne. Mais la France montre un très fort écart en créativité entre les élèves favorisés ou scolarisés dans des écoles favorisées et les moins favorisés. Dans ce domaine là aussi, comme pour ses résultats globaux, l'école française est marquée par les inégalités sociales. Mais la distinction la plus importante c'est que l'école française fait partie des systèmes éducatifs qui encouragent le moins la créativité à l'école.
 
    Agrandissement : Illustration 2
 
                    Selon l'OCDE, seulement 36% des élèves apportent de l'importance à leur créativité quand c'est 46% en moyenne dans 46% en moyenne dans l'OCDE. Résultat, seulement 51% des jeunes déclarent faire des efforts face aux difficultés quand c'est 62% en moyenne dans l'OCDE. Seulement 51% des élèves français déclarent que leurs enseignants les encouragent à apporter des réponses originales contre 64% en moyenne. Seulement 4 pays font moins bien que la France. Seulement 51% pensent que la créativité est encouragée dans leur école contre 70% en moyenne. Et sur ce point on est le dernier de la liste des pays !
Ces résultats, en forme de volée de bois vert, comment les expliquer ? Certes, il y a une tradition d'enseignement du second degré qui encourage la transmission passive des connaissances via le cours magistral. L'OCDE elle-même, à propos de l'enseignement des sciences, l'avait validé. Mais il y a surtout un encadrement idéologique et matériel de l'enseignement qui explique la faiblesse de la créativité.
Une idéologie éducative qui pénalise la créativité
Encadrement idéologique en raison de la perte de maitrise des enseignants sur leur métier. Les programmes du lycée ou de fin de collège (les élèves de Pisa ont 15ans) sont très peu problématisés. On demande aux enseignants de transmettre des connaissances brutes qui seront évaluées dans les examens. Par exemple l'apprentissage de notions qui vont se résumer en la mémorisation de vocabulaire. Les programmes encyclopédiques, totalement isolés dans chaque discipline, rendent quasi impossibles des démarches faisant appel à l'imagination et la créativité dans des horaires sans rapport avec les exigences attendues. Les injonctions à l'autorité, le rappel incessant aux fondamentaux aggravent encore cette situation. Ce que révèle aussi PISA c'est que les élèves français ont beaucoup moins de cours d'arts plastiques que la moyenne de l'OCDE (15% des élèves déclarent une pratique hebdomadaire contre 27% en moyenne), moins de pratique musicale (9% contre 22%), moins d'écriture créative (9% contre 16%). Après le rappel aux fondamentaux du gouvernement, le programme du Rassemblement National qui veut limiter l'enseignement primaire au français, aux maths et à l'histoire ne va pas améliorer cela.
Des politiques éducatives contre l'épanouissement des élèves
L'encadrement matériel de l'enseignement joue aussi beaucoup. Il est difficile d'accompagner la créativité de chaque élève quand on a les classes les plus chargées des pays développés. C'est aussi difficile quand le cadre éducatif est appauvri par les enseignants non remplacés et par la disparition des personnels qui s'intéressent aux élèves dans le développement de leur créativité. Les restrictions budgétaires (par exemple encore 500 millions de salaires retirés récemment dont 164 sur la "vie de l'élève") ont fait quasi disparaitre les médecins scolaires (il en reste environ 800 pour 12 millions d'élèves), affaibli le nombre d'infirmières, érodé celui des psychologues éducation nationale et même réduit celui des assistants d'éducation. Or on sait que le système éducatif français est aussi celui où règne une très forte indiscipline.
Aussi ces résultats de l'OCDE ne manqueront pas de surprendre les enseignants. Parce que de la créativité, ils en mettent dans leur métier ! Leur créativité elle passe essentiellement à faire en sorte que les collèges et des écoles tiennent debout. Alors que Pisa montre aussi qu'en France le rapport à l'Ecole se dégrade, avec par exemple la forte baisse du nombre de parents qui suivent la scolarité de leur enfant, il en faut de la créativité à chaque heure pour faire cours, pour que tout le système ne s'effondre pas.
François Jarraud
 
                 
             
            