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Billet de blog 23 octobre 2024

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Anne Genetet colle les groupes de niveau

« Ambitions lycées » prendra la place des « groupes de besoin » en 4ème et 3ème, a annoncé Anne Genetet le 23 octobre. Intervenant devant la Commission de la Culture du Sénat, Anne Genetet a manifesté son intention de poursuivre les réformes. Mais concrètement, elle anticipe plutôt leur inévitable enterrement.

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Amplifier les réformes ?

Illustration 1
Anne Genetet devant la Commission de la Culture du Sénat le 22/10/2024 © flux vidéo du Sénat

Le Sénat n'est pas pour rien dans les réformes éducatives portées par Emmanuel Macron. Dans cette chambre, on n'hésite pas à manifester son soutien aux réformes Attal. "Les groupes de besoin ne sont pas une hypothèse de travail", s'exclame par exemple Max Brisson, sénateur LR. Pour lui il faut des "groupes de niveau", comme le souhaitait G Attal. Son projet de loi sur l'Ecole, adopté par le Sénat, est la charte éducative des droites, à mi chemin entre les projets Attal et ceux, encore plus réactionnaires, du Rassemblement national.

Alors, Anne Genetet prend soin de saluer tous les travaux de la majorité conservatrice de la Haute Assemblée. Surtout elle manifeste sa volonté d'aller au bout des réformes. "Ma priorité est d'élever le niveau en poursuivant et en amplifiant l'agenda des reformes de mes prédécesseurs", assure t-elle. Des propos vite démentis quand la ministre entre dans les détails.

Ainsi sur les "groupes de besoin" mis en place à la rentrée en 6ème et 5ème. G Attal voulait des groupes de niveau. N Belloubet parlait de groupes de besoin. Ces groupes ont consommé officiellement 2300 postes et largement asséché les marges des collèges. Partout il a fallu mettre fin à des dispositifs et des projets éducatifs pour financer les groupes.

Un nouveau dispositif à la place des groupes de 4ème 3ème

Anne Genetet se félicite "de l'autonomie de mise en oeuvre" des groupes. Car sur le terrain, chaque collège a du faire comme il pouvait faute de moyens pour la mise en oeuvre. Souvent les principaux ont du faire face aussi à l'opposition des professeurs à la mise en place de groupes de niveau. Si les groupes existent partout, c'est rarement dans le volume et la configuration voulus par G Attal.

Reste la question des 4èmes et 3èmes. En principe les groupes de niveau devaient y apparaitre à la rentrée 2025. "J'annoncerai prochainement comment nous allons adapter ce dispositif pour les 4èmes et les 3èmes", déclare A Genetet. "L'extension en 4eme 3eme c'est à voir selon les moyens que l'on aura".

Elle annonce un nouveau dispositif "Ambitions lycées" en 4ème et 3ème qui englobera peut-être, à la rentrée 2025, les groupes de besoin. Ce dispositif associerait préparation au brevet et effort dans les matières "fondamentales". Ce serait suivi d'une réforme du brevet pour la rentrée 2026.

Pour pouvoir mettre en place les groupes en 4ème et 3ème c'est bien plus que 2500 postes qu'il faudrait trouver. Car les fonds de tiroir ont déjà été largement ramassés dans les collèges. Or au moment où elle parle la ministre ne connait pas le sort qui sera fait aux suppressions de postes inscrites par le gouvernement dans le budget 2025. Ces suppressions rendent impossible toute extension des groupes en 4ème et 3ème. En annonçant un nouveau dispositif, la ministre enterre la généralisation des groupes de niveau et se donne de la marge pour camoufler cela.

De nouvelles suppressions de postes en perspective

C'est que le ministère a déjà travaillé sur de nouvelles suppressions de postes en 2026. Un rapport de l'Inspection générale, publié cet été, envisage 3 scénarios pour supprimer des milliers de postes.

Interrogée par les sénateurs, la ministre écarte celui de la remise en question des dédoublements de classe en éducation prioritaire de la grande section de maternelle au CE1. A Genetet reconnait que les dédoublements ne sont déjà plus intégralement appliqués. On serait à 14 élèves par classe au lieu de 12.

Restent les deux autres scénarios : celui d'une réallocation des moyens en éliminant les classes "à effectifs trop réduits par rapport aux taux d’encadrement constatés dans les établissements de même catégorie" et celui d'un autre maillage territorial, en fermant les écoles et établissements jugés trop petits.

Anne Genetet ne se prononce pas sur ces deux scénarios et s'en tire en promettant de renvoyer au local. Mais elle estime qu'on ne peut pas ne pas tenir compte de la baisse démographique. " A quoi devra ressembler l'école dans ces territoires qui se dépeuplent ?", dit-elle...

Une réforme de la formation initiale amendée

Attal avait décidé une réforme de la formation initiale des enseignants avec une formation prise en mains par l'Education nationale, à la place d'une formation universitaire, et un recrutement au niveau licence. Réforme là aussi vivement soutenue par la majorité du Sénat. Anne Genetet affirme la soutenir et avoir la volonté de la faire. "Mais rester dans un environnement universitaire me parait nécessaire", dit-elle. Elle ne se prononce pas sur l'autre enjeu qui est de créer des postes pour les étudiants de master qui seraient fonctionnaires stagiaires.

La seule réforme Attal que Anne Genetet peut annoncer vouloir poursuivre est celle de la labellisation des manuels scolaires. La ministre estime qu'un label " est un repère utile, tout en gardant la liberté de choix des enseignants". Elle a un argument. Elle dénonce des exercices genrés dans des manuels de maths. "Avoir des manuels labellisés est une réponse". La France rejoindrait le petit groupe de pays qui préfèrent la labellisation d'Etat à la liberté d'éditer.

Au final, la ministre n'est pas capable de s'engager sur un budget qui n'est pas voté. C'est bien là qu'est la priorité. Les réformes et les politiques menées seront dictées par Bercy. Pas par la rue de Grenelle.

François Jarraud

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