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Billet de blog 26 septembre 2025

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Retraite des fonctionnaires : de la transparence à la révision du statut ?

La multiplication des études et rapports sur la retraite des fonctionnaires à un moment de disette budgétaire ne vise pas que la transparence budgétaire. Le récent rapport de C. de Courson, rapporteur de la Commission des Finances de l'Assemblée, envisage une réforme qui ne serait pas sans conséquence sur le statut des fonctionnaires.

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Ouverture de la boîte de Pandore

Illustration 1
C de Courson le 24 septembre 2025 © Flux vidéo de l'Assemblée nationale

Le système de retraite des fonctionnaires est-il équilibré ? Sinon, à quelle hauteur se situe le déséquilibre et comment y remédier ? Il y a plusieurs façons de répondre à ces questions. En février 2025, dans une note adressée au Premier ministre, la Cour des Comptes,  semblait avoir clos la question en déclarant d'office le système de retraite des fonctionnaire en équilibre puisque c'est ce qu'impose le statut de la Fonction publique. Les fonctionnaires ne cotisent pas à la retraite générale. Ils ont droit à une pension de l'Etat.

Ces dernières semaines, une série de rapports, celui des économistes de  l'Institut des politiques publiques (IPP), une étude du Conseil d'Analyse Economique (CAE), un organisme lié au premier ministre, et finalement le récent rapport du rapporteur de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, Charles de Courson mettent en débat la présentation comptable du déficit du régime de retraite des fonctionnaires et finalement la réponse à apporter.

De la question de transparence budgétaire...

Alors que le gouvernement Bayrou boucle son projet de loi de finances 2026, fin juin 2025, l'Institut des politiques publiques publie une étude sur les retraites des fonctionnaires. Elle montre que la règle de présentation comptable utilisée pour les retraites des fonctionnaires gonfle artificiellement le budget des ministères. La compensation apportée par l'Etat se répercute dans le taux de cotisation de l'employeur. Et cela pompe une partie importante du budget de chaque ministère. Au premier lieu se distingue l'éducation nationale, qui regroupe à lui seul la moitié des fonctionnaires d'Etat. Le surcoût atteint selon l'IPP 11 milliards. De ce fait "en l’absence de correction, la France affiche une dépense d’éducation de 5,4 % du produit intérieur brut. Après correction, la dépense réelle n’est plus que de 5 % du PIB, ce qui situe la France juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE". L'IPP plaide pour une autre norme comptable permettant de savoir réellement combien est dépensé dans chaque ministère. Il demande une réelle transparence budgétaire.

Mi septembre, c'est le Conseil d'Analyse Economique qui reprend la question. Son étude augmente un peu plus le poids des retraites sur les missions budgétaires et donc l'écart avec la dépense réelle d'éducation. Ainsi, pour le CAE, "les dépenses consacrées à l’éducation (du pré-élémentaire jusqu’à l’enseignement supérieur) en France seraient inférieures à la moyenne européenne (4,6 versus 4,7 points de PIB) et à celles d’un grand nombre de nos partenaires". Et le CAE souhaite aussi une réforme comptable.

A la réflexion sur le système de retraite des fonctionnaires

C'est dans ce contexte que sort, quelques jours plus tard, le 24 septembre, le texte du rapporteur de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, Charles de Courson. Selon lui, les dépenses de pensions des fonctionnaires s'élèvent en 2024 à 63.7 milliards. Les fonctionnaires contribuent pour 7.5 milliards à leur régime de retraite, avec un taux de cotisation légèrement inférieur à celui des employés du privé (11.1% au lieu de 11.31%). Sept autres milliards viennent d'entreprises qui emploient des fonctionnaires (Orange, La Poste). Le reste est apporté par une contribution de l'Etat de 48.2 milliards qui augmente automatiquement d'environ 2 milliards chaque année du fait de la hausse des pensions et de celui du nombre des pensionnés.  Pour compenser, la contribution employeur de l'Etat est fixée au taux de 78.28% pour les ministères civils et même 126% pour la Défense contre 16.58% pour les employeurs privés !

Comme l'écrit C de Courson, " la convention comptable actuelle, reposant sur un équilibre du régime de retraite de la fonction publique d’État garanti par une contribution budgétaire, donne une image peu réaliste du déficit de l’ensemble des régimes de retraite. En outre, elle ne permet pas de mettre en évidence le financement par l’État de dépenses qui ne relèvent pas de la dimension contributive du système de retraite. Enfin, elle majore les dépenses de personnel de l’État et conduit à une surestimation de la dépense publique".

Il est vrai que le régime de retraite des fonctionnaires prend en charge des dépenses qui ne devraient pas revenir à l'Etat. Ainsi les 7.3 milliards pour les anciens employés de La Poste et Orange qui, pour C de Courson, devraient être payés par la mission Economie du budget. Ou l'invalidité, indemnisé par la branche maladie dans le régime général, est payée par l'Etat à hauteur de 3 milliards. La majoration pour enfants (1.2 milliard) devrait relever de la CNAF et non du régime de retraite.

Cela amène C de Courson à proposer d'imputer des financements spécifiques aux ministères concernés (par exemple les pensions militaires à la Défense) et à mettre en place une Caisse de retraite autonome des fonctionnaires de l'Etat, à l'image de ce qui existe dans le régime général.

Amener le régime des fonctionnaires vers le régime général

Dans le débat devant la commission des Finances, C de Courson souligne que le système actuel nuit à la transparence des comptes et surévalue le coût des politiques publiques artificiellement. "Une caisse autonome apporterait un dialogue avec les partenaires sociaux et clarifierait le taux de cotisation". Mais il va au-delà. "On voit la convergence des 42 régimes de retraite du régime général vers leur extinction. On doit réfléchir au régime public et sa convergence d'autant que la part de contractuels augmente". Au delà de la transparence budgétaire, surement nécessaire, établir une caisse autonome serait amener le régime de retraite des fonctionnaires vers celui du régime général.

Or les fonctionnaires ont des missions particulières. Par exemple, comme le reconnait le rapporteur, l'armée ne peut pas conduire tous ses effectifs jusqu'à 64 ans. Le déséquilibre démographique est incontournable. Les soldats doivent être jeunes. C'est pour cela que, pour lui, le régime militaire doit être financé par la Défense.  Ajoutons que le budget de la Défense a connu un effondrement des effectifs depuis les années 1990.

Le régime de retraite des fonctionnaires est aussi déséquilibré par deux politiques publiques. D'abord la réduction des effectifs. L'éducation nationale, par exemple, n'a jamais retrouvé la totalité des postes supprimés par N Sarkozy. Et elle voit s'annoncer de nouvelles suppressions massives de postes puisque l'Etat veut suivre et même anticiper la baisse du nombre des élèves au lieu de réduire les effectifs par classe. Le déséquilibre entre les cotisants et les cotisés ne peut qu'augmenter.

Une autre politique publique impacte le régime de retraite des fonctionnaires et aggrave le déséquilibre : l'appel croissant aux contractuels. Ainsi , en 2015, l'éducation nationale comptait 158 045 non titulaires pour 930 731 titulaires. En 2023, le rapport était de 299 904 contre 911 952. Le nombre de titulaires a baissé de 2%. Celui des contractuels a augmenté de 90% entre 2015 et  2023.

Les choix politiques, la RGPP puis la loi de transformation de la Fonction publique en 2018, ne font que déséquilibrer le régime de retraite des fonctionnaires.

Ce que les fonctionnaires ont à y perdre

La perspective de la création d'une caisse autonome et de son alignement sur le régime général apporterait de la transparence. Mais elle remettrait à plat le statut des fonctionnaires. Les salaires de la Fonction publique sont nettement plus bas que dans le privé et c'est particulièrement vrai dans l'éducation nationale. Finalement le seul avantage de ses salariés c'est un régime de retraite qui est un peu plus avantageux que dans le privé.

Rappelons que le taux de cotisation est un peu inférieur. Le calcul des droits à la retraite est une autre spécificité des régimes de la fonction publique. Le montant de la pension est égal à 75 % du traitement indiciaire brut, à l’exclusion de la majorité des primes, correspondant à l’emploi et au grade effectivement détenus depuis au moins six mois au moment du départ à la retraite, multiplié par le rapport entre le nombre de trimestres de service et le nombre de trimestres requis pour sa génération. Dans le régime général, à taux plein, la pension est égale à 50 % du salaire annuel moyen calculé à partir des 25 salaires annuels les plus élevés.  Dans le secteur privé, le calcul sur les 25 meilleures années est plus pénalisant qu’un calcul sur les six derniers mois parce que les salaires progressent plus vite que le coefficient de revalorisation des salaires portés au compte. Les règles de la fonction publique sont favorables aux fonctionnaires les plus modestes, dont le taux de remplacement est généralement supérieur à ce qu’il aurait été dans le secteur privé, tandis qu’elles sont défavorables aux cadres supérieurs de la fonction publique du fait de l’importance des primes dont le taux est croissant selon l’indice.

L'âge de départ en retraite est avancé pour certaines catégories (15% des fonctionnaires : policiers, personnel pénitentiaire...). Les plus avantagés partent en moyenne à 57 ans, les autres à 61 ans contre 64 ans pour les autres fonctionnaires et salariés du privé. Cela représente environ 5 milliards. La majoration pour enfants (1.2 milliard) est aussi plus avantageuse dans le public ainsi que le calcul de la pension de réversion (1.3 milliard).

Ainsi " envisager la mise en place à terme d’une caisse de retraite autonome des fonctionnaires de l’État", comme le préconise C de Courson interrogerait automatiquement le maintien de ces particularités.

Un vieux rêve près d'aboutir ?

Comme l'a remarque , lors du débat en commission des Finances, le député LFI J. Legavre, "la caisse autonome est un vieux rêve poursuivi par les gouvernements qui veulent mettre fin au statut de fonctionnaire d'Etat. Si on crée une caisse autonome, on casse la colonne vertébrale du statut des fonctionnaires". C de Courson répond que s'opposent à la caisse "ceux qui ne veulent pas du dialogue social

".

Ce qui est sur, c'est que le débat sur la transparence du régime de retraite des fonctionnaires est en train de changer d'objectif. Il n'est plus question que de transparence budgétaire. Il est encore moins question de rééquilibrer à la hausse certains budgets comme l'éducation nationale. A l'Assemblée nationale, c'est la question du statut des fonctionnaires qui est  interrogé par le biais des retraites. Au vu de la qualité du dialogue social depuis 2017, alors que l'Etat cherche des milliards, c'est une question à suivre.

François Jarraud

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