Ridley Scott est l'auteur de plusieurs films à prétention historique. J'ai vu il y a un temps « Gladiator », qui se passe sous les règnes des empereurs romains Marc-Aurèle et Commode. Tout est pratiquement inventé, à part l’existence de ces deux empereurs. Mais finalement, cela n'a que peu d'importance, car personne n'utilisera « Gladiator » à l'appui d'une thèse politique.
Les enjeux sont beaucoup plus importants avec « Exodus », car l'histoire racontée a servi de base, et sert toujours, à des doctrines religieuses et nationalistes.
Les films ou récits historiques peuvent être la meilleure comme la pire des choses.
La meilleure car ils peuvent nous faire connaître, découvrir ou redécouvrir une époque, des personnages, avec parfois une part de romance qu'il faut savoir distinguer des faits connus.
La pire, car ils peuvent présenter un vision totalement erronée des faits, qui passera pour la vérité historique auprès de gens qui n'ont pas le temps ou les moyens de savoir si ce qui est raconté est exact.
Ridley Scott est l'auteur de plusieurs films à prétention historique. J'ai vu il y a un temps « Gladiator », qui se passe sous les règnes des empereurs romains Marc-Aurèle et Commode. Tout est pratiquement inventé, à part l’existence de ces deux empereurs. Mais finalement, cela n'a que peu d'importance, car personne n'utilisera « Gladiator » à l'appui d'une thèse politique.
Les enjeux sont beaucoup plus importants avec « Exodus », car l'histoire racontée a servi de base, et sert toujours, à des doctrines religieuses et nationalistes.
Cette histoire devrait être analysée comme on analyse l'Iliade d'Homère, en cherchant à distinguer ce qui repose sur un fondement historique (les cités de Mycènes, Troie) et ce qui est l'invention du poète. Aujourd'hui, un film sur la guerre de Troie serait perçu comme une belle histoire, mais pas comme une histoire vraie.
Passons à l'histoire de Moïse et du pharaon.
En 1939, Sigmund Freud avait, dans « Moïse et le monothéisme », supposé que le nom même de Moïse était égyptien et fait le rapprochement entre le monothéisme biblique et la révolution monothéiste en Égypte à l'époque du pharaon Akhenaton.
Il faut aller plus loin et poser la question de l'historicité de la Bible.
La plupart des peuples ont élaboré des récits sur leur origine, où interviennent puissances surnaturelles et personnages humains plus ou moins mythiques. Les différents livres de la Bible racontent une histoire en continu, avec des durées de règnes, le détail des générations, etc.. qui permettent d'élaborer une chronologie, de la création du monde aux Macchabées.
Pendant longtemps, les historiens n'ont eu qu'un seul moyen de raccorder cette histoire à d'autres : la prise de Babylone par Cyrus le Grand, racontée par la Bible et par Hérodote. Ce qui datait à rebours la « création du monde » à il y a environ 6 000 ans.
Depuis deux siècles, les récits bibliques ont pu être confrontés :
- aux textes eux-mêmes, dès lors qu'on y accédait dans la version d'origine, et non plus à partir de traductions.
- aux données de la paléontologie, de l'archéologie.
- aux récits historiques des peuples voisins, enfin compris après des déchiffrements des hiéroglyphes égyptiens, des différents cunéiformes.
Le texte lui-même n'a pas été élaboré d'un seul jet, même quand la tradition attribuait plusieurs livres à un seul auteur. Les livres « historiques » ont été écrit en compilant des sources diverses, dont des traditions orales. Ils l'ont été en fonction des objectifs politiques et religieux des rédacteurs ou de leurs commanditaires. Ils ont été parfois réécrit (par Esdras notamment).
Dans beaucoup de cas, la date de la rédaction est éloignée de plusieurs siècles des événements racontés.
Aujourd'hui, les scientifiques estiment que l'univers existe depuis plusieurs milliards d'années, la vie sur Terre depuis des centaines de millions d'années, « homo » depuis des centaines de milliers d'années et « homo sapiens » depuis des dizaines de milliers d'années. Les plus anciennes citées connues sont datées de 7000 ans avant notre ère (Çatal Höyük, en Turquie). Nous sommes bien loin des 4000 ans avant JC de la Bible.
Nous savons également que certains faits sont matériellement impossibles : le déluge universel, arrêter le soleil.
Une fois admis le principe que le début de la Bible est une belle légende, mais ne correspond pas à des faits scientifiquement prouvés, mais que par contre les derniers récits (Macchabées), presque contemporains1 des faits, peuvent être considérés comme des sources historiques, la question se pose de savoir quand on passe de la création pure au récit historique, et dans quelle proportion, livre par livre.
Depuis que nous comprenons les hiéroglyphes égyptiens, les écritures cunéiformes, nous pouvons confronter le récit biblique à ceux des peuples voisins. Cette confrontation est enrichie par les recherches archéologiques.
Je résume les constats :
Il n'y pas de références extérieures à des royaumes juifs (Israël, Juda) avant le neuvième siècle.
Aucun texte égyptien ne fait référence à une série de catastrophes (les dix plaies d'Égypte), ni au soulèvement et à la fuite de centaines de milliers de personnes.
Ces centaines de milliers de personnes auraient séjourné pendant 40 ans dans un désert sans laisser aucune trace (tessons de poteries, etc.).
A l'époque où est sensée se dérouler son siège et sa prise, la ville de Jéricho n'est pas fortifiée. A la même époque, le « pays de Canaan » est divisée en de multiples royaumes, sous protectorat égyptien. Les Hébreux auraient donc fui l'Égypte, pour revenir 40 ans après, dans un protectorat égyptien, le tout sans aucune trace égyptienne.
Par contre, l'existence des royaumes d'Israël et de Juda est attestée ultérieurement. Il y a débat pour savoir s'il y a eu un royaume unique (David et Salomon) et quelle a été son étendue.
Les fouilles menées à Jérusalem n'ont pas mis en évidence une cité de grade taille à cette époque, ni de traces d'un éventuel temple de taille imposante.
Donc, nous devons avoir la même démarche que pour l'histoire des origines de Rome ou de la guerre de Troie : il s'est peut-être passé quelque chose, mais le récit a été fortement enjolivé de détail merveilleux.
Des sociétés hénothéistes, puis monothéistes, sont apparues dans la partie centrale de la Palestine, se sont données des institutions politiques propres et un système théologique original. Évolution des sociétés indigènes, infiltration pacifique ou violente d'éléments extérieurs, un peu de tout ? Le débat reste ouvert.
Mais l'histoire de Moïse est inventée à au moins 99 %, et Exodus doit être pris pour ce qu'il est : une œuvre de fiction et de propagande, Comme le serait un film chinois sur « L'empereur jaune »,
1Un récit contemporain, par des témoins privilégiés, n'est pas en lui-même une garantie de véracité absolue. Le récit de la « Guerre des Gaules » par Jules César est aussi une œuvre de propagande.