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Billet de blog 6 janvier 2017

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La LICRA règle ses comptes (3)

Le numéro de décembre du Droit de vivre, mensuel de la LICRA, est long réquisitoire contre ses nouveaux ennemis : les militants de l'antiracisme politique. Analyse (3)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Instrumentalisation de l'accueil des réfugiés.1

Après le président, le rédacteur en chef Antoine Spire titre son article sur l'accueil des réfugiés. Pour en dire quoi ?

Eh bien, rien de très concret sur les réfugiés et sur leur accueil. Simplement, les antiracistes politiques ne feraient rien pour accueillir les réfugiés, et ils saboteraient même cet accueil en jouant le communautarisme (les Noirs défendent les Noirs, etc..) et la concurrence des mémoires.

Et ils ne lutteraient pas contre l’antisémitisme. Je n'ai pas encore trouvé le lien entre les gens qui se noient en essayant d'arriver en Europe, l'accueil riquiqui des réfugiés par la France officielle et l'antisémitisme.

En revanche, j'ai trouvé ce texte signé par des militants connus de l'antiracisme politique sur le site du PIR. On y parle des migrants et de la nécessaire solidarité avec eux.

Et les exemples de solidarité avec les migrants, les réfugiés, ceux qui les soutiennent sont nombreux du côté de l'antiracisme politique.

Antoine SPIRE sait-il que des associations ont obtenu devant la Cour de cassation la condamnation de l'État pour faute lourde à cause de certains contrôles au faciès, contrôles que le gouvernement « qui lutte aussi bien contre le racisme » a tenté de justifier au nom de la lutte contre l'immigration illégale ? Il semble que non.

Il y a aussi plusieurs articles (pages 7 à 11) sur l'accueil des réfugiés, en France et en Allemagne dans la revue (hors dossier sur sur les « pseudo-antiracistes »). Il s'agit de mettre en valeur l'action des bénévoles, des structures associatives, de certaines collectivités qui se sont mobilisées en ce sens.

Cet hommage est bienvenu, mais il manque (ce sera peut-être le prochain dossier de la LICRA ??) des analyses sur les causes de cette arrivée de réfugiés et sur la politique officielle du gouvernement français, qui fait par exemple beaucoup moins que son homologue allemand.

Il est surprenant de lire des analyses de la LICRA sur l'action du gouvernement allemand, mais pas sur le gouvernement français.

Est-ce au nom du refus de la « politisation de l'antiracisme. » ?

J'ai aussi remarqué en page 12 une pleine page de publicité pour la région Rhône-Alpes-Auvergne, présidée par Laurent Wauquiez. Le même qui refuse d'accueillir dans « sa » région des migrants venus de Calais, au point de se faire sermonner par le pape François.

Le même qui a voulu réduire la subvention à l'association gérant la maison d'Izieu, lieu de mémoire de la déportation des enfants juifs.

Les publicités des collectivités territoriales (régions, départements, communes) sont souvent des subventions déguisées ou des moyens d'améliorer leur image de marque auprès d'un lectorat choisi. Alors ?

Toujours signé d'Antoine Spire, ces dogmes assénés sans preuve :

Mais si on peut porter toutes sortes de critiques à l’appareil de l’État, on doit reconnaître que jamais la lutte contre tous les racismes n’a été aussi bien accompagnée par l’État, qui traque le racisme en justice et sur les réseaux sociaux.

Le racisme s'exprime aussi sur les réseaux sociaux, et c'est à la justice de le sanctionner. Il y a bien une plate-forme de signalement, et un logiciel de traitement (PHAROS), mais elle ne traite pas que les infractions liées au racisme, et son bilan est pour d'instant mitigé.

Le « repérage » sur les réseaux sociaux et Internet en général est surtout le fait d'associations qui effectuent ensuite des signalements, auxquels la justice donne suite, mais pas toujours.

Quant au bras armé du gouvernement, la DILCRA, elle s'est surtout fait remarquer par sa propension à hiérarchiser les racismes et dénoncer ses adversaires politiques.

Et ce n'est pas sa transformation en DILCRAH (H pour homophobie) qui va améliorer son efficacité.

Le satisfecit délivré à l'action gouvernementale est pour le moins prématuré.

« Ce qui est inquiétant, c’est le refus de ces organisations de combattre l’antisémitisme. »

C'est une accusation gratuite, qui ne repose sur rien.

Il faut tout d'abord remarquer que certaines de ces organisation (contre les violences policières, les contrôles au faciès) ne sont pas a priori concernées par les actes antisémites, pas plus que le CCIF ou la BAN (brigade anti-négrophobie). Ce n'est pas leur objet social. Donc leur absence éventuelle et supposée dans le combat contre l'antisémitisme ne signifie pas un refus de le condamner.

Au contraire, elles se sont en général exprimées pour récuser toute accusation d'antisémitisme et bien entendu pour le condamner :

« Le racisme n’est pas un accident, mais un système.

L’antisémitisme, l’islamophobie, la négrophobie, la xénophobie, le racisme anti-Roms, la haine des migrants, et toutes les formes d’intolérance et de rejet contemporaines ne sont pas des phénomènes erratiques, de génération spontanée, mais sont au contraire nourris et produits par la convergence de discours, d’attitudes et de représentations. Celles- là même qui permettent de viser et de problématiser des personnes ou des groupes de personnes en raison de leur couleur de peau, de leur origine ou de leur religion, réelle ou supposée.

Cet aspect systémique des racismes n’évacue en rien les responsabilités individuelles des discriminants et agresseurs, mais permet d’expliquer la nature organisationnelle, politique et parfois institutionnelle du rejet2. »

Je ne peux non plus m'empêcher de penser que la distinction entre le racisme et l'antisémitisme (faite par la DILCRAH, la LICRA) n'est pas le meilleur moyen de combattre le racisme sous toutes ses formes.

C'était d'ailleurs la raison pour laquelle le MRAP avait choisi en 1977 de changer le sens de son sigle3.

« Au plan de la logique. la juxtaposition des mots racisme et antisémitisme, dans le titre actuel du m.r.a.p.. apparaît anormale. L’antisémitisme est un aspect du racisme, comme le sont également la xénophobie, le racisme anti-arabe, le racisme contre les noirs (avec une forme particulière l’apartheid), le racisme anti-Gitan, etc... Le fait d’établir une équivalence entre le contenant et un des contenuspeut donner l’impression que l’on écarte ou minimise a lutte contre les autres aspects du racisme. Et comme on ne peut énumérer dans le titre toutes les catégories visées par le même phénomène, ne vaut-il pas mieux s’en tenir au terme général de racisme qui les englobe toutes ?

 Cette formule correspond aux conceptions que le mrap. a toujours défendues sur la liaison entre tous les racismes et la nécessité de mener contre tous un seul et même combat. Elle correspond à l’évolution des mots et des faits. aux études des sociologues. aux textes de [‘O.N.U.. ainsi qu’à la «loi relative à la lutte contre le racisme », du 1er juillet 1972, qui concerne les discriminations et provocations à la haine fondées sur la race, l’ethnie, la religion, et la nationalité.

 Le titre actuel reflète la situation qui existait lors de la fondation du m.ra.p. en 1949. au lendemain de la guerre. L’antisémitisme était l’aspect du racisme auquel l’opinion était le plus sensible; c’est l’introduction du mot racisme qui représentait alors une volonté d’élargissement. Aujourd’hui, au contraire, surtout pour les personnes qui ignorent le m.r.a.p. et son action tous azimuts, cette juxtaposition fait problème.

 Pourtant. ceux qui préconisent son maintien, sont guidés par la crainte que la suppression du mot antisémitisme soit interprétée comme un abandon de la lutte contre cet aspect du racisme, ou même entraîne un ralentissement de l’action dans ce domaine. Certains estiment que racisme et antisémitisme sont deux phénomènes différents et que le premier terme ne saurait inclure le second Par ailleurs, l’accord est total pour conserver les initiales m.r.a. p., universellement connues. Aussi, une autre modification a été conçue remplacer le mot paix, par amitié entre les peuples.

 Tous les membres du m.r.a.p. sont évidemment attachés fondamentalement à la paix. Car, sans elle, la lutte antiraciste est privée de perspective. Toutefois, l’expression proposée indique peut-être avec plus de précision la vocation et la spécificité du Mouvement. Elle peut concerner aussi bien les hommes que séparent des frontières que ceux, dans un pays comme la France. que les migrations ont fait se rencontrer. Elle appelle aux contacts, aux échanges pour une meilleure connaissance réciproque des hommes et des peuples »

Antoine Spire enchaîne :

« Impossible pour elles de prendre acte du fait qu’à nouveau, la haine des juifs tue en France. »

Contrairement à lui, je vérifie avant d'écrire quelque chose et je signale que le CCIF, cible favorite de la LICRA, a condamné les attentats commis par Mohammed Merah et contre l'hypercasher de Vincennes :

« Sept meurtres. Deux blessés.

Un meurtrier a froidement abattu 7 êtres humains, de manière organisée et préméditée : trois soldats dont deux musulmans, un père de famille et trois enfants juifs, tués à bout portant.

Alors que les familles pleurent leurs morts, il est vital de ne pas faire d’amalgame et de rappeler qu’il n’y a rien qui ressemble plus à l’antisémitisme que l’islamophobie. Plus que toute idéologie, c’est surtout la haine qui habite le meurtrier, endeuillant la France entière dans son élan de violence sourde.

Certains se posent parfois des questions qui n’en sont pas. Par exemple, faut-il condamner les meurtres commis ? Qui répondrait autrement que par l’affirmative à cette question ? Qui peut se distancier de la violence des actes commis et du meurtre d’innocents ?

Bien sûr qu’il faut condamner et s’indigner de ces actes. 4»

« le CCIF tient à rappeler que notre solidarité avec les victimes de l’attentat sanglant contre Charlie Hebdo, avec celles de l’attentat antisémite contre l’Hyper Casher et avec la policière froidement abattue Porte de Montrouge, ne peut qu’aller de pair avec la volonté ferme de condamner toutes tentatives de récupérations politiques qui figeraient notre République dans le « tout sécuritaire ». Par notre présence, nous affirmons notre attachement aux libertés individuelles, aux droits sociaux et aux libertés publiques.5 »

C'est pourtant clair, et je pourrais citer d'autres condamnations, de la part d'autres organisations. Mais il suffit d'une seule pour démontrer la fausseté des accusations générales d'Antoine Spire.

Si j'étais à sa place, je m'inquiéterais de deux choses :

Les grandes manifestations de solidarité après les attentats de janvier 2015 se sont faites autour du slogan « Je suis Charlie », en passant à la trappe les victimes juives de l'hypercasher.

Le mère d'un des soldats assassinés par Mohammed Merah, Mme Ibn Ziaten, s'est engagée personnellement dans la lutte contre la violence extrémiste. Elle a été l'objet d'attaques sexistes et islamophobes de la part d'un responsable de la LICRA6.

Et je n'oublierais pas non plus que la violence extrémiste actuelles (Al Qaïda, Daesh et consorts) ne cible pas les seuls juifs, mais aussi les chrétiens (« les juifs et les croisés » dans la terminologie de Ben Laden), les musulmans jugés mécréants, au premier rang d'entre eux les chiites.

Les victimes les plus nombreuses sont d'ailleurs musulmanes, en Irak, au Pakistan, etc..

Il y a aussi une volonté de faire régner la terreur en attaquant les rassemblements festifs. Les victimes du Bataclan ou de Nice n'ont pas été tuées parce que juives. Et c'est réducteur de vouloir ne retenir que les victimes juives.

« Nous ne voulons pas les convaincre de ce qui fait la spécificité de l’antisémitisme, qui fait des juifs les « responsables de tous les malheurs du monde » : phénomène idéologique permanent et récurrent de l’histoire de l’humanité, héritier d’une tradition multiséculaire ayant pris des formes variées, de l’antijudaïsme chrétien à la judéophobie antireligieuse des Lumières ou des premiers socialistes, puis de l’antisémitisme racial et nationaliste à l’antisionisme radical. »

Refuser de vouloir convaincre quelqu'un est une abdication de son intelligence propre ou la négation de celle d'autrui.

Il y a quelques erreurs historiques dans ce panorama. Tout d'abord, le phénomène de l'antisémitisme n'est pas permanent7. L'antijudaïsme chrétien ne se traduit de façon organisée et systématique « au temporel » qu'à partir du XIème siècle. Il n'est pas dissociable ensuite d'une intolérance religieuse générale. S'il est très dur d'être juif dans la chrétienté médiévale occidentale, il l'est encore plus ou impossible d'être cathare, vaudois, musulman, sorcier présumé.

La passage de l'intolérance religieuse (choix entre la conversion ou la mort) au racisme biologique se fait d'abord en Espagne à la fin du XVème siècle, avec les lois de « pureté du sang », qui visent aussi bien les juifs que les musulmans.

Il y a effectivement une judéophobie antireligieuse des Lumières (l'article « Juifs » du Dictionnaire philosophique de Voltaire) et c'est bien de rappeler cette face sombre à tous ceux qui se réclament de lui, mais Voltaire attaque aussi les fidèles d'autres religions, et c'est aussi à des partisans des « Lumières » qu'on doit les premières lois mettant fin aux discriminations contre les juifs.

C'est un peu rapide de confondre l'antisémitisme nationaliste et l'antisémitisme racial. Les adeptes du premier méprisaient les seconds, tout en leur ayant préparé le terrain et facilité les choses.

Le sionisme est un projet politique, comme le communisme ou le nationaliste basque. Chacun a donc le droit d'être indifférent, pour ou contre, sans être accusé de racisme.

Qu'est-ce qu'un « antisioniste radical » ? Quelqu'un qui estime que le sionisme fut une erreur historique, une mauvaise réponse à l'antisémitisme, que ce nationalisme, car c'en est un, s'est construit sur la négation des droits des Palestiniens ? En quoi est-ce antisémite ?

Et je pense que la manière la plus efficace et la plus universaliste de lutter contre cette forme de racisme qu'est l'antisémitisme est bien de montrer qu'il s'agit d'une forme de racisme, que le génocide des Juifs par les nazis et leurs complices prend la suite des génocides coloniaux, revendique sa filiation avec le génocide arménien, etc.

1 http://www.licra.org/wp-content/uploads/DROIT_VIVRE_664_BAT02-1.pdf

2 http://www.islamophobie.net/articles/2016/03/21/tousuniscontrelahaine-racisme-est-un-systeme

3 http://www.reperes-antiracistes.org/article-1977-le-mrap-change-de-nom-68348256.html

4 http://www.islamophobie.net/articles/2012/03/21/tuerie-toulouse-montauban

5 http://www.islamophobie.net/http%3A/%252Fwww.islamophobie.net/actualite/gilles-clavreul-de-la-hierarchisation-des-racismes-a-la-diffamation

6 https://www.zamanfrance.fr/article/mohamed-sifaoui-latifa-ibn-ziaten-femme-qui-a-perdu-fils-qui-porte-voile-18640.html

Le même responsable a aussi commis un tweet raciste et sexiste sur « les poils des Portugaises »

7 Ce panorama est curieusement limité à la seule Europe occidentale.

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