Élections en Turquie. Le MRAP porte-voix du PKK ?
La direction du MRAP a diffusé aujourd'hui un communiqué sur les élections en Turquie. Ce communiqué n'a pas (encore?) été mis en ligne sur le site national, mais il a été largement diffusé à l'extérieur du mouvement.
Je le reproduis in extenso à la fin de ce billet (en italique).
Des commentaires sont nécessaires.
Rien à dire sur la condamnation des violences contre les candidats du HDP. Je pose néanmoins une question sur l'origine des informations diffusées par le MRAP et j'aimerais être sûr qu'il n'y a pas eu de violences, tout aussi condamnables, contre des candidats d'autres partis.
Atteintes contre la laïcité : il faut savoir qu'en Turquie, les desservants des mosquées sunnites (80 % de la population) sont nommés, payés et encadrés par une administration d'État. Ce n'est pas la laïcité telle qu'on la conçoit.
Négociations avec le PKK : si Öçalan s'est prononcé pour des négociations, c'est parce qu'il n'avait pas le choix, prisonnier un temps condamné à mort. Ces négociations ont aussi été favorisées parce que l'AKP première manière avait desserré l'étau national-kémaliste sur les Kurdes : reconnaissance de la langue, etc.. Les régions kurdes ont d'ailleurs un temps voté pour l'AKP.
Si le gouvernement turc apporte son aide aux groupes djihadistes, ce n'est pas seulement pour éviter que des Kurdes proches du PKK s'implantent durablement en Syrie, c'est aussi parce qu'Erdoğan veut mettre à bas le régime de Assad, qui avait d'ailleurs refusé pendant longtemps des droits au Kurdes de Syrie. Et quelles que soient les motivations du pouvoir turc, les conséquences de sa complaisance pour Daesh ou le front Al-Nosra sont beaucoup plus graves pour l'ensemble de la région que le seul sort des Kurdes de Syrie.
La loi électorale turque est-elle injuste ? Elle est faite pour encourager le bipartisme : scrutin proportionnel avec seuil de 10 %. Les partis qui avaient peu de chances d'atteindre ce seuil tentaient de le contourner en présentant des candidats indépendants.
Mais cette loi n'a pas pénalisé que le parti soutenu par les Kurdes. En 2002, cinq partis avaient été éliminés malgré des scores honorables1 :
Parti de la juste voie (centre droit) : 9,5 %
Parti d'action nationaliste (extrême-droite) : 8,3 %
Parti jeune (nationaliste) : 7,2 %
Parti démocratique du peuple (gauche kurde): 6,2 %
Partie de la mère patrie (droite libérale) : 5,1 %
L'AKP et CHP kémaliste se sont partagés les sièges du Parlement turc avec respectivement 34,3 et 19,4 % des voix. S'il y a injustice, elle ne date pas d'aujourd'hui.
Et fondamentalement, ce système est-il plus injuste que le français : scrutin uninominal à deux tours qui favorise deux grands partis.
Et si on demande la proportionnelle, il faut savoir que la première conséquence sera l'entrée en masse du FN à l'Assemblée nationale.
Turquie : les élections doivent se dérouler sans violences
Le MRAP condamne l'attentat commis vendredi 5 juin dans la soirée, lors du meeting de Selahattin .Demirtas (candidat du HDP, Parti Démocratique des Peuples) à Diyarbakir faisant 4 morts et 316 blessés dont 10 graves. Cet attentat survient après plusieurs autres dans différents locaux du HDP et des assassinats de militants. Plus de 150 attaques ont eu lieu contre les bureaux électoraux et les membres du HDP durant la campagne électorale. Un chauffeur de ce parti a été assassiné mardi à Bingöl, des participants au meeting ont été agressés mercredi à Erzurum.
Aujourd'hui, dimanche 7 juin se déroulent en Turquie les élections législatives. Le président Erdogan veut s'en saisir pour renforcer son autoritarisme, amplifier les atteintes aux libertés, à la laïcité, aux droits des femmes, et accentuer sa politique de régression sociale. Cette perspective est lourde de dangers car elle pourrait remettre en cause le processus de paix initié par Abdullah Öcalan et le PKK et conforter l'appui qu’Ankara apporte aux groupes djihadistes dans le but de briser, notamment, l’autonomie du Rojava en Syrie.
La loi électorale turque particulièrement injuste exige d'atteindre 10 % en moyenne sur l'ensemble du territoire national pour obtenir des représentants à l'Assemblée nationale, franchir ce seuil des 10% est l'enjeu pour le HDP . Selahattin Demirtas, son Président, est issu du mouvement kurde, mais il a décidé de devenir « la voix de tous les opprimés », quelle que soit leur appartenance ethnique.
Le MRAP apporte sa solidarité aux familles des victimes, il exige la fin des violences de la part du gouvernement turc et demande que les élections de ce dimanche puissent se dérouler en toute démocratie et transparence.
Paris le 7 juin 2015
1Ils auraient été représentés au Bundestag allemand.