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Billet de blog 9 avril 2013

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Confessions (presque) imaginaires d'un religiophobe

Je suis extrêmement malheureux : je vis dans un monde profondément hostile, mon combat pour essayer de le changer est immense et je vais vous expliquer pourquoi.Je dois l'avouer, j'ai été profondément croyant, bigot même. Et puis j'ai découvert l'autre moitié de l'humanité.

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Je suis extrêmement malheureux : je vis dans un monde profondément hostile, mon combat pour essayer de le changer est immense et je vais vous expliquer pourquoi.

Je dois l'avouer, j'ai été profondément croyant, bigot même. Et puis j'ai découvert l'autre moitié de l'humanité. Et comme ma religion d'origine a tendance à lier salut des âmes et maîtrise de l'activité sexuelle, voire même abstinence pour certains, je l'ai abandonnée. Que se serait-il passé si j'étais né dans une religion qui enseigne que le mariage, c'est la moitié du chemin vers le Paradis, ou si j’avais vu les bas-reliefs érotiques des temples hindous ? Mystère !

J'aurais pu l’abandonner comme des millions de Français, qui ont renoncé à la religion comme on renonce au doudou de son enfance en grandissant. Ce qui n'exclut pas une bouffée de nostalgie ou d'auto-dérision quand on le retrouve au fond d'un placard.

Non, mon attitude tient à la fois de celle des anciens alcooliques, qu'un seul raisin trempé dans du rhum dilué peut faire rechuter, et de celle des allergiques, qui ne peuvent plus supporter, même à dose microscopique, ce qui fut la cause de leurs malheurs à plus grosses doses.

Comme il y a des gens qu’une trace microscopique d’arachide ou de gluten peut faire mourir, je suis de ceux que tout signe religieux peut agresser. Les publicités n'importe où et pour n'importe quoi ne m'agressent pas, ne me sautent pas à la figure, mais tout signal me rappelant l'existence des religions me met en fureur. Je suis en effet convaincu que les religions sont la cause unique des malheurs de l'humanité, surtout celles qui parlent d'un Dieu unique révélé. Il est vrai que je connais beaucoup moins bien les autres, que le Baron Samedi et la déesse Amaterasu me pardonnent (flûte, un terme religieux !).

Je me suis donc lancé dans une croisade (re-flûte, un autre) antireligieuse. Qui dit croisade dit infidèles à écrabouiller. Mes glorieux prédécesseurs pouvaient affronter des nuées d'évêques, curés, religieuses, aux temps de l'alliance du trône et de l'autel, du sabre et du goupillon. Maintenant, ils se font rares, beaucoup plus discrets, s'habillent presque comme tout le monde. On serait tenté de croire que le catholicisme est mort, même si de temps en temps le mourant bouge encore. Le combat va-t-il cesser faute de combattants ?

Heureusement, il y a les musulmans, bien visibles, surtout les musulmanes. Je vais donc pouvoir donner un sens à ma vie. Plus de tenues religieuses. Pour les musulmanes, c'est facile : le voile se voit, et plein de gens sont contre « cet instrument et ce signe d'aliénation de la femme ». La preuve, c'est que beaucoup le portent volontairement, et c'est bien là la définition de l'aliénation : on n'est pas conscient de son aliénation !

Je suis donc contre, et comme je ne veux pas être accusé de racisme, je suis aussi contre le turban sikh et la kippa juive. Et comme là, je n'arrive pas démontrer que c'est un instrument d'aliénation de l'homme (le mâle), j'ai trouvé un autre argument : je suis contre les signes religieux parce qu'ils sont religieux et parce qu'ils se voient, bref parce que ce sont des signes religieux.

Donc je n'en veux pas dans mon champ visuel, dans la rue, au travail, dans la vie associative. Quant aux hindous, hindoues et personnes d'autres religions qui portent des tatouages religieux visibles, ils devront les faire effacer, ou les masquer d'une manière qui ne passe pas pour un signe d'une autre religion. Il ne faudrait quand même pas que masquer un tatouage frontal serve de prétexte au port du hidjab !

Le port d'une tenue safran sera également interdit, car rappelant non seulement le régime cléricalo-féodal du dalaï-lama, mais le bouddhisme en général. Et bien sûr, prêtres et religieux hommes ou femmes devront s'habiller comme tout le monde !

Reste le cas de Nathalie, et de bien d'autres, qui portent une chaîne avec un crucifix pour mettre en valeur un superbe décolleté. Quand j'y plonge mon regard, je vois le crucifix. Dilemme shakespearien : regarder ou ne pas regarder, là est la question.

Pour un espace public sans signes religieux.

Les musulmans veulent des mosquées, avec des minarets, qui se voient et qui peuvent donc entrer dans mon champ visuel, et déclencher une nouvelle poussée allergique. Donc pas de minarets.

Mais comme je ne veux pas être confondu avec des islamophobes suisses, je suis aussi contre la construction d'églises avec des clochers trop hauts. Et bien sûr, ni appel du muezzin, ni sonneries de cloches.

Je suis aussi un grand spécialiste des constructions théoriques, et il faut que je résolve rapidement ces deux contradictions, pour ne pas être accusé de discriminations entre les religions: - le problème des catholiques n'est pas de construire des églises, mais de remplir et entretenir celles qui existent déjà. Et que faire des clochers existants ? - les rares minarets en France ne diffusent pas les appels du muezzin, mais les cloches sonnent dans des milliers de village. Doit-on interdire les sonneries de cloches au nom de l’égalité ? Je suis tenté de répondre oui.

Puisqu'il faut bannir de l'espace public, ou au minimum de mon champ visuel tout ce qui peut rappeler les religions honnies, je crois qu'il ne faut pas s'arrêter aux tenues vestimentaires, aux clochers et minarets, mais il faut aller plus loin et occulter tous les bâtiments qui portent des signes religieux (croix, statues de saints, etc.), n'en déplaise à tous les Architectes des Bâtiments de France, et à tous les offices de tourisme.

Les pharmacies devront changer leur enseigne : plus de croix verte , etc.. Je me pose la question des symboles religieux sur les monuments funéraires dans les cimetières.

Les œuvres d'art exposées au public devront éviter toute référence religieuse : plus de Madones, de Christs en croix, mais également plus de scènes de la mythologie grecque.

La toponymie devra ensuite être revue : il y a beaucoup trop de villes, de villages, de rues Saint-machin ou Sainte-chose. Il faut les débaptiser (il va falloir que je me surveille, encore un terme religieux). Idiot, que non pas !! Les glorieux ancêtres de la Révolution française y avaient pensé, il suffira de reprendre leur travail et le compléter. Adieu (re-re-flûte) les Saint-Martin-de-ceci, Dommartin-lès-choses, etc..

Plus de jours fériés religieux.

J’ai ensuite continué ma réflexion théorique, pour aborder la question des fêtes religieuses :

En France, il y a des jours fériés laïques (jour de l’an, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 11 novembre), parfois en même temps patriotiques, voire même militaristes, et d’autres religieux chrétiens (lundi de Pâques, Ascension, Assomption, Toussaint, Noël).

Alors, profitons de l'occasion que nous donnent les demandes – forcément communautaristes- de juifs et de musulmans d'y ajouter des fêtes spécifiques. Surtout pas pour leur donner satisfaction, mais pour remplacer les fêtes religieuses et certaines fêtes patriotiques par des fêtes authentiquement a-religieuses et progressistes. Comme ça, ils seront tous mécontents et je ne serai plus agressé par les allusions à la Nativité, etc..

Pour un patrimoine immatériel sans références religieuses.

J'ai eu un instituteur laïque, un « vrai de vrai », qui avait modifié les paroles du « Bon roi Dagobert », pour remplacer « saint Éloi » par Éloi. Voilà un exemple à suivre, et à développer.

Un jeune garçon s'est vu refuser la participation à un jeu télévisé parce qu'il se prénommait « Islam ». Après réflexion, c'est normal, pas de propagande religieuse. Et faut être logique et égalitaire : pas de Jésus, Christian (chrétien!!) non plus. Le solution est simple : changer de prénom, en se référent par exemple aux calendriers républicain (Azérole) ou 'pataphysique (saint Abstrait, bourreau).

Même chose pour les noms de famille : plus de Depardieu, Espérandieu, Curé, Lemoine, etc..

La littérature devra être épurée, non seulement des livres religieux, mais de ceux dont le titre rappelle la religion, même s'ils sont jugés impies par les religieux : « La porte étroite », « Si le grain ne meurt », etc.

Il faut aussi libérer la gastronomie : plus de saint-nectaire, de saint-émilion, de « Caprice des dieux », de croissants, avec ou sans chocolat. Il faudra trouver un autre nom pour les préparations du type « jouvence de l'abbé Machin ».

On ne devra plus parler de « cochon de saint Antoine », ni de « feux Saint-Elme », ni qualifier la coccinelle de « bête à Bon Dieu », etc.

Enfin, les invocations et signes religieux devront être bannis des avis de décès dans la presse.

J'en oublie certainement, mais la libération de l'humanité et surtout la mienne sont à ce prix.

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