Dans un commentaire sous un de ses billets (sur un autre sujet) :
l'auteur écrit :
D'autant que d'autres raisons sont apparues. Dans le MRAP, comme dans d'autres organisations, depuis 2003 (2) la défense de la religion s'est faite, à bas bruit, peu à peu, débat après débat, pour défendre une conception extensive de l'islamophobie, notamment par interdiction du blasphème, interdiction de critiques des intégrismes, interdiction de la critique de la religion en dehors de l'intégrisme, dans ce qu'elle a donc de plus reçu, accepté, courant. On comprend dés lors que tous n'ait pas apprécier la démarche a-critique. Que l'on soit marxiste, socialiste, anarchiste, athée ou même parfois croyant (en Dieu).
(..)
(2) Mais le terme n'a pas été compris comme forme de racisme (ou alors avec un nom vu comme mauvais) mais comme empêchement de la critique de la religion . Sans hair la religion chaque jour que Dieu fait cela a posé problème en terme de droit. On ne passait pas son temps avant 2003 à critiquer la religion mais on savait qu'on pouvait le faire, laicité oblige. Depuis 2003 et dans les années qui suivirent le terme islamophobie a fait apparaitre la notion de religiophobie. Trop de religion dans les discours, les faits fait monter un refus de la religion, de son emprise. Par la suite, la critique sera plus circonscrite, avec notamment "l'islamistophobie". Ce n'est que plus tard, et après bien des débats, que le terme trouve une certaine stabilité comme racisme anti-musulman(s). Et encore certains contributions sur Médiapart montrent qu'il existe toujours des résistances alors que la notion n'est plus aujourd'hui aussi extensive qu'à ses débuts.
Pour affirmer des choses pareilles, il faut avoir des arguments, des références, et pas un simple ressenti individuel, il faut des textes écrits, des motions présentées au vote des militants, des compte-rendus de débats, des articles. Sinon, on est dans le procès d'intention ou dans une reconstitution historique fantasmatique.
En 2003, le MRAP organise un colloque intitulé « Du racisme anti-arabe à l'islamophobie ». Les actes de ce colloque ont été publiés dans le numéro 249 de la revue du MRAP « Différences » et ils sont donc publics, cette revue étant diffusée en dehors du mouvement. Chaque intervenant extérieur au MRAP (Claude Liauzu, Ghaleb Bencheikh, Bruno Étienne, Vincent Geisser, Dominique Vidal, Nasser Negrouche) a bien entendu développé son point de vue en toute liberté. Mais tous ont placé leur intervention dans la perspective de la discrimination et de l'hostilité envers des personnes à raison de leur appartenance, vraie ou supposée, à une religion, ce qui est une partie de la définition légale du racisme.
Dans son propos introductif, le secrétaire général du MRAP, Mouloud Aounit, estime que l'islamophobie est une forme de discrimination et doit être combattue comme telle :
Ce constat étant posé, je voudrais délimiter le cadre non négociable et immuable dans lequel nous inscrivons cette action contre l'islamophobie. Si nous avons choisi l'Assemblée nationale pour organiser ce colloque, ce n'est pas un hasard : nous estimons que c'est un lieu symbolique qui incarne pour nous la République et ses valeurs d'égalité, de fraternité, et de justice. Nous sommes une association anti-raciste laïque : nous estimons plus que légitime la critique des religions – y compris de l'islam – dès lors que celle-ci reste dans le stricte domaine du débat et non de l'injure. Par ailleurs, nous voulons inscrire cette mobilisation dans le fil rouge de l'action du Mrap, c'est à dire dans le combat contre tous les racismes. Nous souhaitons tout simplement, en « zoomant » sur la réalité de cette forme nouvelle de racisme, créer aussi les conditions qui permettront d' ériger des passerelles entre toutes les victimes de racisme d'une part, et ceux qui, n'en étant pas personnellement victimes, sont profondément convaincus que toute atteinte à la dignité d'un individu, quelle soit sa couleur de peau, sa nationalité, ou sa religion, est une offense à la conscience humaine.
En décembre 2004, le congrès du MRAP traite de la question de l'islamophobie :
"Le congrès s'est prononcé sur la question de savoir si l'islamophobie est une nouvelle forme du racisme anti-musulman et par conséquence entrant dans le champ d'activité du MRAP ou est une réalité à simple dimension religieuse ? 131 voix pour l'intervention du mrap ; 83 contre, 46 abstentions.
Compte tenu de cette majorité et comme proposé ci-dessus, le congrès devait se prononcer sur le contenu de l'intervention du mrap, dans le cadre de l'unicité du racisme, du refus de tout hiérarchisation et de tout communautarisme.
A la question : le MRAP doit il poursuivre le combat contre l'islamophobie dans le cadre de la définition légale de la provocation à la haine raciale ? Le vote fut unanime moins 23 abstentions."
Le terme d'islamophobie a eu dès le début le sens d'hostilité envers les musulmans. Il n'a pas été inventé par les mollahs iraniens, mais par des ethnologues de l'école coloniale française en 1910
http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2012/05/islamophobie-une-invention-francaise.html
Il résulte de tout cela que rien ne permet d'accréditer l'idée selon laquelle il y aurait une une offensive « religieuse » au MRAP, sous prétexte de lutter contre la « religiophobie ».
Je n'ai trouvé qu'une fois trace, dans les productions du MRAP, de ce terme : un exposé de Christian Delarue, à l'époque secrétaire national.
http://www.mrap.fr/contre-le-racisme-sous-toutes-ses-formes/discriminations/import-1626
Il n'est pas daté, mais il a été mis en ligne en 2007.
Et c'est tout, de plus rien ne permet de savoir s'il s'agit d'une contribution individuelle ou d'un texte qui engage l'organisation.
Personne n'a jamais demandé au MRAP l'interdiction du blasphème contre les religions. Certes, Mouloud Aounit a employé une fois le terme, pour qualifier de blasphème (contre la mémoire des victimes du nazisme) des propos de Jean-Marie Le Pen. Rien d'autre.
Personne n'a jamais voulu interdire la critique des « intégrismes1 », par contre, dans les débats internes, il est possible que certains aient expliqué que la critique des « intégrismes », sans qu'on les définisse précisément, pouvait servir de paravent à une critique des religions (qui n'avait pas plus sa place que leur défense dans les débats du MRAP).
Personne n'a jamais voulu interdire la critique des religions au nom de leur défense.
La critique (ou la défense) des religions n'ont pas à être interdites dans un mouvement laïque de lutte contre le racisme en tant que telles. Elles n'y ont simplement pas plus leur place que les débats sur la taxation du gazole ou la réforme de la PAC (politique agricole commune), en tant que tels.
Bien sûr, il est toujours possible de dire que l'utilisation de tel texte religieux (ou non religieux), les propos de tel responsable, encouragent le racisme, comme il est possible d'expliquer que la PAC tue l'agriculture des pays du Sud.
Mais les mouvements antiracistes n'ont pas à avoir d'avis sur l'existence de Dieu, etc. Parce que si on admet que X puisse se répandre en expliquant que la religion est aliénation, il faut également admettre que Y puisse répondre qu'elle donne un sens à sa vie et que X est dans l'erreur (et accessoirement qu'il sera privé de paradis). Et ce n'est pas cela qui fait reculer le racisme.
On raconte que, pendant que les troupes de Mehmet II assiégeaient Constantinople, le clergé orthodoxe débattait du sexe des anges. Il avait au moins une bonne excuse : l'arrivée des Ottomans le perturbait moins que la présence des Latins.
C'était donc peut-être une diversion voulue. Que penser maintenant de ceux qui veulent à tout prix introduire le débat religieux dans les mouvements dont ce n'est pas l'objet.
Au moins, Jean Jaurès avait compris l'essentiel :
"Pourquoi les socialistes poussent-ils dans le sens d’un accommodement ? Jean Jaurès s’en était ouvert dans un article de La Dépêche, le 15 août 1904 : « Il est temps que ce grand, mais obsédant problème des rapports de l’Eglise et de l’Etat soit enfin résolu pour que la démocratie puisse se donner tout entière à l’oeuvre immense et difficile de réforme sociale et de solidarité humaine que le prolétariat exige. » Il faut apaiser la question religieuse pour poser la question sociale, celle des grandes réformes en discussion, que les radicaux et les républicains modérés aimeraient repousser : impôt sur le revenu ou retraites ouvrières2..."
1 En effet, il est difficile de traiter de la même manière les Amishs, qui s'organisent en communautés séparées du reste de la société, à laquelle ils fichent une paix royale, et les gens de Civitas, qui ont un projet politique précis, y compris pour les « mécréants ».