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Billet de blog 10 septembre 2024

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Souvenirs hospitaliers

Cela fait un moment que je n’avais pas publié, ou alors des billets sans trop de rapports avec la politique française. Tout d’abord parce que j’étais tenu au devoir de réserve, et puis ensuite parce que j’ai collectionné les ennuis de santé. Ce qui m’amène à partager quelques souvenirs et réflexions.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tout a commencé en novembre 2022 par un blocage de la prostate et cela a duré pendant un an, avec aussi une embolie pulmonaire avant Noël 2022. Pour résumer :

3 passages aux « urgences » en attendant sur un brancard et un assis dans une salle d’attente.

9 anesthésies générales.

Plusieurs séjours en hospitalisation : 1 mois, 3 jours, 7 jours, 5 jours, 3 jours, 8 jours de janvier à juillet 2023, et un de deux semaine en novembre 2023.

En alternance avec 6 mois en Soins de Suivi et Réadaptation SSR (hospitalisation complète), puis un mois en hospitalisation de jour.

Bilan personnel.

Les services d’urgence :

Quand je me suis présenté aux « urgences assises », en janvier 2023, j’avais un courrier de mon médecin traitant expliquant précisément pourquoi j’étais là et ce qu’il fallait me faire et que lui ne pouvait pas faire. Ce n’était donc pas de la bobologie et j’ai quand même attendu plusieurs heures avant une intervention de quelques minutes.

Pour aller de chez moi aux Urgences de Nancy, il faut 10 mn en voiture et 20 à pied. Quand nous les avons appelé en février 2023, ce n’était pas pour des raisons de confort, mais parce que j’avais eu une crampe violente, douloureuse et qu’ensuite ma jambe était devenue froide, insensible et ne « répondait plus ». J’étais incapable de me lever, de marcher et encore moins de descendre des escaliers. J’ai expliqué mon cas au répartiteur, puis au médecin, qui m’a dit : « on vous envoie une ambulance ». Ne voyant rien venir une heure après, je rappelle et on m’explique alors que l’ambulance est occupée à une autre mission. Finalement, ils arriveront chez moi et m’emmèneront au bout de deux heures, et il me faudra attendre encore deux heures sur un brancard. Une étudiante en médecine m’expliquera alors ce qui m’est arrivé : anévrisme de l’artère qui irrigue la jambe, thrombus et ischémie. En clair, les tuyaux sont bouchés.

C’était arrivé vers 9 heures en je suis finalement passé au bloc opératoire vers 20 heures.

Un jour, en marchant en ville avec ma prothèse après amputation, j’ai croisé une personne qui avait encore ses deux jambes et marchait avec deux cannes. Elle m’a dit : « A deux heures près, j’étais comme toi ». J’ai donc posé la question à un chirurgien au cours d’une visite de contrôle. Il m’a assuré que quel que soit le délai d’intervention les dégâts de l’ischémie étaient trop importants pour qu’on puisse sauver ma jambe.

La langue des hôpitaux :

J’ai appris le vocabulaire : « la petite toilette », « je me permets », les questions rituelles : nom, épeler le nom, prénom, date de naissance, pour vérifier qu’on a toute sa tête et éviter les erreurs de patient sur le bloc. Avec notamment cette question : « Vous savez pourquoi vous êtes là ? Oui, on va me couper la jambe ». J’ai aussi entendu parler de « patient en détresse grave ».

Le personnel.

Quand on voit la liste des médecins, on comprend ce que signifierait la « remigration » prônée par les croyants du « grand remplacement » : une catastrophe complète.

Les patients.

Certains ne sont pas faciles et j’admire la patience des soignants. Deux anecdotes :

« Relève de la garde » à 7 heures. L’aide-soignant me demande si j’ai bien dormi. Je réponds que oui. Il me demande si j’ai entendu quelque chose. Je réponds que non et il m’explique alors qu’il a passé une « nuit de merde » parce qu’un patient s’était mis debout dans son lit, en hurlant et pissant partout.

Autre séquence. La porte est ouverte et j’entends des voix répéter : « Monsieur, vous devez prendre une douche ». « Monsieur vous n’avez pas le droit de fumer », puis une tentative de négociation « Si vous prenez une douche, vous pourrez fumer une cigarette ».

La nourriture.

C’est très variable. On m’a fait manger du hoki. S’il y a un jour une action pour protéger ce poisson des profondeurs du Pacifique Sud, je la soutiens car c’est vraiment infâme. Et comme c’est un des poissons les moins chers, on le sert souvent dans les EHPAD.

Les éclopés de la vie.

En milieu hospitalier, on voit rarement les autres malades, ils sont souvent sur un brancard et on ne connaît pas leur état. En SSR, on mange ensemble, on est ensemble en salle de kiné, on se croise dans les couloirs, on se parle. Je me souviens notamment de cette dame qui n’avait plus ni pieds ni mains et à qui on apprenait à remarcher, de cette autre bousillée par un chauffard et qui avait eu besoin de 250 points de suture, de ce jeune garçon, amputé d’une jambe, appareillé et qui devait revenir tous les ans changer la prothèse pour cause de croissance, de ce jeune homme, doublement amputé (fémorale et tibiale) qui m’explique que c’est son patron qui « lui a fait tomber dessus une machine. » Et c’est là qu’on se dit qu’il y a encore plus malheureux que soi et qu’on a encore de la chance d’avoir en France une protection sociale de haut niveau.

Les marchands de soupe.

J’ai dû passer par l’hospitalisation privée. C’est plus cher (supplément chambre individuelle et compléments d’honoraires), c’est mal remboursé par les mutuelles et j’ai compris à certaines réflexions que le personnel était encore plus mal loti que dans le public.

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