Nous parlons de plus en plus par sigles, mais cette pratique est multiple et correspond à des buts très divers.
Il y a les sigles courants, qui permettent d'alléger l'expression écrite ou orale, que tout le monde connaît : UMP, PCF, SNCF. Dans certains cas, on a même oublié qu'il s'agissait de sigles : FIAT est devenu Fiat.
Il y a ceux qui permettent une communication à l'intérieur d'un groupe restreint, au risque de jargonner et d'être incompréhensible pour les autres.
Le ministère de Manuel Valls s'appelle actuellement le MIOMCTI1. On trouve ce barbarisme dans nombre de textes officiel. Le dernier I est pour immigration, comme avant le "changement".
Et il suffit que le périmètre d'un ministère change pour que le sigle change..
Mais tout ceci n'est pas méchant, tout juste agaçant.
Il y a aussi des sigles utilisés pour refuser toute humanité à ceux qu'ils désignent. Il y eut le tristement célèbre N und N (Nacht und Nebel, nuit et brouillard) pour désigner les déportés sous le régime nazis.
Les termes “Roms, tsiganes, gens du voyage” renvoient à une langue, une culture, une histoire, un mode de vie, qui eux-mêmes renvoient à des femmes et des hommes, sans dépréciation.
Manouches, bohémiens sont ambivalents : positif (le jazz manouche), mais pas toujours. Romanichels est utilisé de façon souvent négative, mais le signifié est encore humain.
Par contre, MENS (minorités ethniques non sédentarisées), employé par les services de police, "réifie" ceux qu'il désigne.
Bernard Stasi a écrit un livre : "L'immigration, une chance pour la France". L'extrême-droite raciste s'est emparée du terme, pour appeler "chances", ou CPF les immigrés et leurs descendants, et plus particulièrement ceux d’origine arabe ou africaine.
J'ai découvert sur Mediapart un nouveau sigle : SOR, pour « signes ostensibles de religion ». Pas ostentatoires, qui suppose une volonté de provoquer, mais ostensibles, c'est-à-dire qui se voient. Je cherche encore d'ailleurs ce qu'est un signe qui ne se voit pas.
Sont visés par ce sigle des tenues motivées par des raisons très différentes : les « uniformes » de certains religieux chrétiens, le foulard des musulmanes, la kippa des juifs, le turban des sikhs, etc..
Ce sont des hommes, des femmes qui les portent, qui expriment ainsi leur attachement à une foi, une philosophie, sans volonté de provoquer, sans prosélytisme. Alors, pourquoi vouloir leur interdire de s'habiller comme ils ou elles le souhaitent ?
Je suppose que cette catégorie fourre-tout a été inventée parce que les discours habituels sur le foulard, « signe de l'infériorité de la femme » devenaient inopérants et aboutissaient à une discrimination de fait.
L'élargissement aux « SOR » correspond à une habitude fréquente en France (ailleurs, je ne sais pas) : quand on s’aperçoit qu'une thèse est indéfendable, qu'elle est bourrée de contradictions, qu'on a fait ou dit une c.., on choisit la fuite en avant.
Et pour que ça ne se voie pas (trop), on jargonne, on parle par sigles, etc..
1Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.