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Billet de blog 22 août 2012

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Hommage personnel à Mouloud Aounit

Il y aura deux semaines vendredi, Mouloud Aounit nous a quittés, ayant perdu son dernier combat, celui contre la maladie.Je ne suis pas de ceux qui, sans craindre la contradiction, excipent de leur long passé de militants pour faire taire les nouveaux arrivants, puis estiment ensuite qu'on a trop vu certaines têtes depuis trop longtemps.

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Il y aura deux semaines vendredi, Mouloud Aounit nous a quittés, ayant perdu son dernier combat, celui contre la maladie.

Je ne suis pas de ceux qui, sans craindre la contradiction, excipent de leur long passé de militants pour faire taire les nouveaux arrivants, puis estiment ensuite qu'on a trop vu certaines têtes depuis trop longtemps.

Je l'avais un peu rencontré quand je travaillais à Paris, de 1992 à 1995, mais j'avais appris à mieux le connaître lors de ce fameux congrès du MRAP de décembre 2004, où une grande partie des débats se fit autour des questions du soutien à la Palestine, de l'engagement politique des militants, de la laïcité et de l'islamophobie.

Ce fut houleux, et je fus personnellement choqué par certaines des méthodes et des réflexions de la minorité d'alors.

La décision majoritaire de 2004 fut ensuite contestée par tous les moyens et l'opposition se livra à un harcèlement permanent, réussissant à dégoûter et faire partir des militants qui ont ensuite manqué au MRAP.

Je participai plus encore aux débats internes du MRAP à partir de 2006.

De janvier 2008 à janvier 2011, j'ai siégé au Conseil d'administration du MRAP et j'ai donc travaillé plus souvent avec lui, y compris à partir de 2009, quand sa maladie lui laissait des répits. Ayant choisi librement d'être candidat sur la même liste que lui, je n'irai dons pas gloser sur la durée cumulée de ses mandats.

Jamais personnage public ne fut autant vilipendé, calomnié par l'extrême-droite, la droite extrême et aussi par des gens qui se disaient de gauche.

Je veux donc apporter mon témoignage, sur l'homme qu'il fut, avec ses qualités et ses défauts.

C'était d'abord quelqu'un qui avait une vision politique, qui concevait son rôle comme autre chose que celui d'un gardien du temple, d'un boutiquier et d'un notaire de l'antiracisme.

Il était pleinement l'héritier et le continuateur de Charles Palant et Albert Lévy, quand le combat contre le racisme laissait toute leur place d'acteurs à ceux qui en étaient les victimes.

Il avait le sens de la communication et des relations avec les médias. J'ai fait (parfois) partie de ceux à qui il téléphonait pour leur dire : « Tu as entendu ? Il y a Machin qui fait une déclaration dégu.., il faut qu'on fasse un communiqué dans les heures qui suivent. Tu peux me faire un projet ? Voilà quelques uns des points qu'il faudrait traiter. ». Difficile de dire non. Il ne me restait plus qu'à négocier le délai, vérifier et compléter l'information, et se mettre au travail. Et ça marchait..Il savait que les communiqués emberlificotés, fastidieux, tardifs, finissaient dans la poubelle des salles de rédactions.

Il avait compris que le MRAP devait s'ouvrir à la richesse et à la diversité de la société française, s'il ne voulait pas devenir progressivement inaudible.

Secrétaire général, puis président du MRAP, il avait une éthique des relations militantes, refusant de régler devant la justice ou à coup de lettres recommandées les différents politiques. Ceux qui en ont bénéficié à l'époque n'ont pas eu la même élégance ensuite.

Il a eu aussi la loyauté d'assumer des positions – contestables - qui lui avaient été suggérées, et d'affronter seul les critiques. Quand ceux qui l'avaient envoyé au front restaient bien planqués dans leur tranchée.

Il a cherché à maintenir envers et contre tout l'unité du mouvement, refusant les condamnations, les anathèmes, au risque de perdre des soutiens qui lui ont manqué ensuite.

Il avait aussi un côté « saint-bernard », toujours prêt à aider les militants en difficulté. Qui ne lui en ont pas toujours été reconnaissants.

Il était lui-même assez peu familier des NTIC, mais il avait compris l'enjeu qu'elles représentaient et était prêt à accompagner et soutenir ceux qui voulaient investir ce domaine.

Malheureusement, à commencer pour lui, il se souciait peu des questions matérielles, de la continuité dans l'organisation et l'animation quotidienne d'un mouvement. Et c'est ainsi que progressivement, bien avant sa maladie, celles-ci se sont faites sans lui, malgré le soutien majoritaire du conseil d'administration élu par les militants.

Mis de côté par la nouvelle direction, il continua à militer, à porter la parole du MRAP, et cela lui fut reproché par ceux qui ne savaient pas ou ne voulaient pas le faire.

Il aurait aimé parler au nom du MRAP pour le cinquantième anniversaire des massacres du 17 octobre 1961, lui qui avait été à l’initiative de la dénonciation de ce crime d'État et de la lutte pour sa reconnaissance, cela lui fut refusé et le blessa profondément.

Personnellement, j'aurais aimé débattre plus longuement avec lui de notre principal point de divergence, qui concernait son analyse de la situation iranienne.

Aujourd'hui, beaucoup de gens s'interrogent sur les orientations du MRAP. Aimé ou détesté, le « MRAP de Mouloud Aounit » portait un projet, un message. Que deviendra-t-il ?

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens »

Matthieu V -13

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